Meeting intersyndical avec le syndicalisme d’Ukraine

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Mardi 20 juin, les deux confédérations syndicales d’Ukraine, de retour de la conférence de l’Organisation internationale du travail, ont été accueillies à Paris par l’intersyndicale CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC, UNSA, FSU, Solidaires, qui a organisé la solidarité sous la forme de convois d’acheminement de matériel et de visites en Ukraine. Médiapart rend compte des prises de parole. 

Etaient présents pour les syndicats d’Ukraine :

➢ Vassyl Andreyev, vice-président de la Fédération des syndicats d’Ukraine – FPU
➢ Mykhailo Volynets, président de la Confédération des syndicats libres d’Ukraine- KVPU
➢ Nataliya Levytska, vice-président de la KVPU
➢ Olesia Briazgunova, secrétaire internationale de la KVPU

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Face à la guerre et aux réformes libérales, « les syndicats ukrainiens doivent lutter sur deux fronts »

Les huit syndicats français ont accueilli mardi leurs homologues ukrainiens à Paris. L’occasion pour eux de redire leur soutien indéfectible et unanime à la population ukrainienne contre l’invasion russe. Mais aussi d’alerter sur la fragilisation du droit du travail en Ukraine.

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Le mot d’ordre est clair et écrit en grand sur une banderole : « Soutien syndical à la résistance ukrainienne. Pour la paix, retrait des troupes russes hors de l’Ukraine. Solidarité avec tous·tes les réfugié·es. ». Au même titre que la lutte contre la réforme des retraites, le soutien à la cause ukrainienne fait l’unanimité parmi les huit syndicats de salarié·es en France. Mardi 20 juin dans la soirée, l’intersyndicale était de nouveau rassemblée pour accueillir des représentant·es des syndicats ukrainiens lors d’un meeting à la Bourse du travail à Paris.

« J’aimerais remercier les syndicats français car ils ont réussi à s’unir pour nous soutenir, déclare à la tribune Nataliya Levytska, vice-présidente de la Confédération des syndicats libres d’Ukraine (KVPU). Grâce à votre aide, des femmes et des enfants ont pu passer l’hiver. »

« Quand la guerre a commencé, nous avons eu le réflexe de discuter, de nous coordonner et de mettre en commun nos contacts syndicaux en Ukraine », raconte Cybèle David, secrétaire nationale de Solidaires. En juillet 2022, un premier convoi a quitté la France avec du matériel pour soutenir les réfugié·es intérieur·es.

Six mois plus tard, en janvier 2023, ce sont plusieurs dizaines de tonnes de matériel et de vivres qui sont remises aux syndicats ukrainiens à la frontière polonaise. « Nous souhaitions mettre en place une solidarité concrète et matérielle », explique Béatrice Lestic, secrétaire nationale chargée de l’international à la CFDT.

Lors de leurs prises de parole à Paris, les quatre syndicalistes ukrainiens ont souligné les difficultés économiques majeures auxquelles font face leurs compatriotes depuis le début de la guerre. « Si vous êtes salarié·e en Ukraine, vous avez déjà perdu 30 % de votre salaire depuis le début de la guerre et vous faites face à un taux de chômage de 26 % », énumère Vassyl Andreyev, vice-président de la Fédération des syndicats d’Ukraine (FPU).

Des syndicalistes ukrainiens et français réunis à la Bourse du travail de Paris, mardi 20 juin. © Photo Syndicalisme Hebdo / Twitter

En Ukraine, des attaques répétées contre le droit du travail

Fait très rarement évoqué (mais raconté par Mediapart dès l’été 2022 ), face à l’impact de l’invasion russe sur l’économie ukrainienne, le gouvernement de Volodymyr Zelensky a récemment multiplié les attaques contre le Code du travail. « Les syndicats ukrainiens doivent lutter sur deux fronts à la fois : contre l’impérialisme russe et pour les droits sociaux des travailleuses et travailleurs », résume Pierre Coutaz, conseiller espace Europe et international à la CGT.

Car en 2022, le gouvernement ukrainien a présenté deux projets de loi qui inquiètent les organisations syndicales. Le premier vise la réglementation des relations au travail en temps de guerre : les employeurs peuvent désormais augmenter le temps de travail hebdomadaire de 40 à 60 heures, licencier leurs employé·es dans un délai de 10 jours ou suspendre temporairement leurs contrats de travail.

Le projet de loi a été adopté sans débat ni vote par le Parlement ukrainien en mars 2022. Une méthode facilitée par l’interdiction des grèves et des manifestations par la loi martiale, en vigueur depuis l’invasion russe.

Le second projet de loi, lui, a été ratifié en août 2022 par le président ukrainien. Il détricote en profondeur le Code du travail, imposant des changements structurels qui ne se cantonneront pas au temps de guerre. Désormais, dans les entreprises de moins de 250 salarié·es (dans lesquelles travaille près de 70 % de la population active ukrainienne), les employeurs peuvent négocier directement avec leur personnel les termes de leur contrat de travail. Des horaires au salaire, en passant par les conditions et indemnités de licenciement, tout peut être librement fixé si les deux parties sont d’accord. Et ce, sans tenir compte du Code du travail ni des conventions collectives existantes.

Concilier effort de guerre et défense des droits sociaux

« Nous sommes inquiets que certains dirigeants affaiblissent les droits des travailleurs et la liberté syndicale, en plus d’ouvrir la voie à encore plus de libéralisation », explique à la tribune Mykhailo Volynets, président de la KVPU. « On espère qu’au lendemain de la victoire, ces lois seront oubliées », ajoute Vassyl Andreyev de la FPU.

Car la ligne de crête est difficile à tenir pour les syndicats ukrainiens : comment continuer de défendre les droits des travailleurs et travailleuses alors que le pays est en guerre ? « Le peuple ukrainien est uni autour d’un but : la victoire, assène Vassyl Andreyev. Certes, nous avons perdu beaucoup de droits en tant que syndicats et syndicalistes, mais c’est parce que la priorité est ailleurs. »

Cependant, les syndicats ukrainiens continuent leur travail de veille. « Nous analysons chaque nouveau texte de loi afin de prévenir les entreprises ukrainiennes mais aussi les syndicats étrangers pour qu’ils sachent de quelle façon nos droits sont mis en danger, explique Mikhailo Volynets de la KVPU. Si on ne le fait pas maintenant, après la guerre ce sera très compliqué. Notre objectif est de suivre le cap européen en matière de liberté syndicale et de droits humains. »

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Côté français, on alerte aussi sur les « chantiers » qui s’ouvrent pour l’Ukraine, « notamment en droit du travail ». « Le soutien des syndicats français ne s’arrête pas à l’organisation d’aide humanitaire, l’Ukraine de demain doit devenir un exemple de démocratie fondée sur le respect des droits sociaux et des libertés syndicales », rappelle le communiqué d’appel à ce meeting.

À la tribune, les représentants syndicaux français s’accordent pour répéter que « le syndicalisme est un maillon essentiel au maintien de la démocratie » et que le « travail internationaliste concret est une évidence ». Face à la difficulté des gauches françaises à s’unir sur la question de l’invasion russe en Ukraine, cette intersyndicale complète qui s’affiche aux côtés et en soutien aux Ukrainien·nes pourrait-elle être considérée comme un exemple à suivre ?

Les syndicalistes français, gêné·es, ne veulent pas « commenter les raisons pour lesquelles la gauche ne s’unit pas ». Mais Pierre Coutaz, de la CGT, tient tout de même à rappeler l’évidence : « Pour nous, l’état des lieux est simple : il y a un agresseur et un agressé. Et on ne transige pas sur ceux qu’il faut soutenir. »

Célia Mebroukine

21 juin 2023

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