L’interview ci-dessous du nouveau président de la CGC est parue dans l’Humanité du 2 juin 2016. N’y a-t-il pas maintenant une majorité syndicale contre la loi Travail ?
François Hommeril « Cette loi est le magasin des antiquités du néolibéralisme »
François Hommeril, élu depuis mercredi président de la CFE-CGC au congrès de Lyon, fustige les attaques contre le Code du travail et appelle le gouvernement à rouvrir les négociations.
Quelle va être la priorité de votre mandat ?
FRANÇOIS HOMMERIL La représentativité, parce que c’est vital pour notre syndicat de continuer à progresser en termes d’audience. Mais c’est aussi être représentatif des populations en intégrant des personnes de l’ensemble des générations et en insistant sur la féminisation, en intégrant des objectifs un peu contraignants.
Quel diagnostic faites-vous de la situation des cadres actuellement ?
FRANÇOIS HOMMERIL Toutes les catégories sont attaquées, tous les statuts sont précarisés. Depuis vingt ou trente ans, quand on regarde les salaires d’entrées de grilles, l’augmentation de la pression, la souffrance au travail, les injonctions paradoxales, on voit que les cadres ont dégusté. On a réussi à faire passer dans les têtes que le progrès de tous, ce serait la régression de chacun. Ça me surprend beaucoup. Les organisations syndicales ont un créneau pour agir. Nous souhaitons reprendre la parole confisquée par les éditorialistes de la pensée unique.
Comment souhaitez-vous prendre la parole, alors même que vous n’êtes pas partie prenante du mouvement social actuel contre la loi travail, pourtant assez emblématique de cette tendance à la régression sociale ?
FRANÇOIS HOMMERIL Cette loi travail restera dans l’histoire comme un exemple assez extraordinaire de tout ce qu’il ne faut pas faire. Sur le fond, c’est un peu le magasin des antiquités du néolibéralisme : on va chercher dans les tiroirs ce qui a été fait ou pas encore fait dans les autres pays et on dit que grâce à ça il va y avoir un impact sur l’emploi. C’est totalement faux. Il y a énormément d’amateurisme de la part de nos dirigeants politiques. Cela montre à quel point ils sont déconnectés. Sur la forme, il y a la loi Larcher de 2007 qui impose sur toute législation qui touche au champ social de passer par la négociation avec les partenaires sociaux. Pourquoi cela n’a pas été fait ? Je ne pense pas qu’il y aura de solution si, au moins sur certains sujets de la loi, on ne remet pas l’affaire entre les mains des partenaires sociaux. Il faut que le gouvernement suspende la procédure parlementaire car, au Sénat, les surenchères vont commencer et les parlementaires risquent de jeter de l’huile sur le feu. Si le gouvernement pouvait avoir la sagesse de renvoyer les acteurs à leurs responsabilités, on pourrait sortir de la crise assez rapidement. La position de la CFDT qui dit qu’il y a des acquis – garantie jeunes, compte personnel d’activité – est intéressante. Mais j’ai aussi quelques doutes. Je ne suis pas prêt à sacrifier des principes de défense collective à des nouveaux droits individuels dont on n’a aujourd’hui pas la preuve qu’ils sont fonctionnels. Sur le fameux article 2 qui agite tout le monde, je ne suis pas contre le dialogue social dans les entreprises, au plus près du terrain. Mais on est aussi au plus près de la fragilité des acteurs dans le rapport de forces.
Quel regard portez-vous sur le mouvement social actuel ?
FRANÇOIS HOMMERIL À la CFE-CGC, on ne pense pas que l’entrée dans le conflit soit positive parce qu’il existe encore une possibilité pour le gouvernement d’accéder à un peu de sagesse et de raison. On est dans une position d’attente. Mais c’est inacceptable de stigmatiser ceux qui s’engagent. Tant que ce droit de grève s’exerce dans le cadre de la loi, jamais je ne le critiquerai.