Lundi 4 décembre à la Bourse du travail de Paris s’est tenue l’Assemblée nationale des CHSCT, dont l’initiative a été lancée quelques semaines auparavant. 200 personnes étaient présentes, la plupart syndicalistes impliqué-es dans les CHSCT ou lié-es aux enjeux de la santé et des conditions de travail.
- Télécharger et signer le nouvel appel adopté pour une Assemblée en juin 2018 : http://assemblee-nationale-chsct.org/
Reportage : La grande majorité des personnes présentes étaient des syndicalistes CGT, Solidaires, FSU, et même CGC, actifs dans les CHSCT. Mais étaient présents aussi des médecins, inspecteurs du travail, des experts des cabinets, des avocats, des chercheurs et analystes du travail, des associations, dont par exemple l’ANDEVA (et son secrétaire Alain Bobbio), qui défend les victimes de l’amiante sur les lieux de travail depuis 1996.
Voulue ainsi par les initiateurs-trices, c’était bien une « assemblée » de délégué-es de terrain, uni-es par leur pratique, avec une dimension à la fois syndicale, associative et citoyenne, et une volonté d’unité. Beaucoup l’ont dit : « Ici on ne voit pas qui est de tel syndicat ou de tel autre ». Les directions nationales des syndicats étaient absentes (certains l’ont regretté), sauf Eric Beynel, co-porte-parole de l’Union syndicale Solidaires, surtout présent en tant que responsable de la commission Santé-Travail de Solidaires.
La journée a été présentée et animée par Gentiane Thomas, de l’UD CGT de Paris, et déléguée syndicale centrale chez Solvay, ainsi que Christine Castejon, analyste du travail, qui avaient participé à une soirée-débat sur ce thème avec d’autres en octobre, et ont ensuite lancé un « appel » pour cette « assemblée ». Preuve que la question des CHSCT, réduits à la portion congrue ou supprimés par les ordonnances, est susceptible d’être un des talons d’Achille du plan Macron visant à remplacer le Code du travail par un « code des entreprises ». Les milliers de signatures sur les pétitions initiées par les organisations syndicales le montrent aussi. Un mouvement est peut-être en train de naître, mais il demandera du temps et un … « travail » soigné. Une convergence avec le syndicalisme et l’ensemble des acteurs est hautement souhaitable. La prochaine étape nationale est fixée pour juin 2018, avec un nouveau texte d’appel (travaillé collectivement lors de la journée du 4 décembre) à signer mais surtout à faire vivre.
Ci-dessous des « prises de notes » par thème (recueillies par Jean-Claude Mamet).
Peu importe qui a dit quoi. Comme il a été dit : dans l’action santé et travail, « les frontières syndicales sont abolies ». L’important est de faire ressortir la réflexion collective.
- Sur les intentions du gouvernement Macron et des libéraux: « La fusion des instances représentatives du personnel (IRP) au sein va se traduire par une perte de savoir-faire. On le voit avec l’expérience des « délégations uniques du personnel » (DUP) issues de la loi Rebsamen, les prérogatives propres des CHSCT sont en réalité noyées dans les autres sujets ». « Ce qu’ils veulent, c’est que la santé au travail soit pensée en même temps que l’organisation économique de l’entreprise, et en fait noyée ». « Il faut inlassablement leur poser la question : comment faire avec moins d’élus ? Moins d’heures ? Il faut démontrer que leur but est en réalité de prouver que les syndicalistes ne servent à rien ». « Oui, la lutte menée par les patrons veut aboutir à ce que les salariés n’aient pas besoin de représentants. Chacun doit devenir responsable de soi-même, sans avoir besoin des autres ». « Ils veulent faire disparaitre la traçabilité du travail ». « Avec la fin de l’agrément pour les cabinets d’expertise, ils veulent nous « habiliter » à entrer dans une problématique de gestion technique des risques ». « Ils préparent un monde sans organisation syndicale ». « Après un suicide lié au travail chez Thalès, les travailleurs ont fait grève 3 jours, ce qui est très rare dans des situations de suicide. Car la direction fait tout pour ne pas reconnaitre le rôle de l’organisation du travail. Lorsqu’il y a suicide sur un lieu de travail, le but du patron est de transformer la victime en coupable ».
- Sur les acquis et les conquis des CHSCT pour analyser le travail : « La dimension formelle du travail et des règles ne doit pas prendre le pas sur le travail réel». « Définir les revendications à partir de l’expérience du travail réel, et non pas à partir de quelque chose qui descend d’en haut venant du syndicat ». « A l’AFP, les journalistes aiment leur entreprise. Moi aussi ! Mais je leur dis : travaillez ! mais ne vous oubliez pas. Il faut regarder et s’occuper des autres. Il faut remettre de l’humain dans l’entreprise. ». « Le CHSCT ne doit pas être une instance technique, mais un contre-pouvoir face au profit maximum et la déshumanisation. On se sent immédiatement utile dans un CHSCT, et c’est plus facile d’aboutir à l’unité ». « La loi ne dit jamais tout, il y a la face cachée du réel ». « La lutte contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes relève du cœur des missions du CHSCT ». « Sur les violences sexuelles, la loi prévue pour 2018 concerne le harcèlement dans la rue, et l’entreprise disparait ». « Les CHSCT sont aussi des lanceurs d’alerte ».
- Compréhension de la chaine donneurs d’ordres/sous-traitance: « Sur des sites comme Air France (90 000 salariés à Roissy), le CHSCT permet un lien avec 300 entreprises de la sous-traitance, et de bien identifier les revendications communes entre salariés du donneur d’ordre et ceux des prestataires. C’est la seule instance qui analyse les risques pour tous les sous-traitants, et donc un possible instrument de mobilisation ». « Dans la chimie, la sous-traitance est centrale. Qui dit sous-traitance dit aussi sous-traitance des risques. Or les salariés sous-traitants sont placés dans un rapport commercial, où le client a toujours raison ».
- Agir pour préserver le CHSCT malgré la nouvelle loi: « Le Conseil social et économique (CSE) est acté. C’est un changement de paradigme, il faut le comprendre ». « Mais des directions locales signent des accords de maintien avec les syndicats, donc c’est possible ». « Il faut essayer de créer une base de données d’accords-types ». « Dans la fonction publique, les CHSCT sont récents (2011) et on ne peut pas imposer des expertises, ou alors le choix revient à l’administration. La notion de danger grave et imminent a été imposée en 2014, c’est important pour les risques psychosociaux (RPS), essentiels pour nous ». « Un protocole d’accord a été signé dans le pétrole. Dans une entreprise de l’étang de Berre (1000 salariés), après un conflit le CHSCT est maintenu avec des moyens ». « Il faut maintenir la personnalité juridique des CHSCT, c’est très important aussi pour aller au-delà des entreprises, avoir une existence citoyenne qui est un point d’appui ». « A Solvay, il y a une commission santé-sécurité. Nous avons réussi à faire sauter la barrière des effectifs (300), plus le maintien de procès-verbaux sténographiés ». « Propositions : mettre le point santé-travail en tête de l’ordre du jour du nouveau Conseil social et économique, maintenir la présence des suppléants avec les titulaires ». « Les situations vont être très différentiées. A Orange, le CHSCT sera maintenu. Idem dans le public comme la Poste. En menant des campagnes, on pourra peut-être agréger les différents secteurs ».
- L’orientation à défendre pour une action de longue haleine : « Pas de commémoration. Nous demandions l’élection directe des délégués CHSCT, donc nous ne défendons pas seulement l’existant. Ce que nous voulons, c’est plus de pouvoir pour les salariés ». « Tout cela ne marche que si les salariés s’engagent et s’expriment sur leur travail ». « Nous aurions intérêt à une plate-forme revendicative commune ». « Le travail de terrain est fondamental ». « Le réel du travail doit être notre obsession ». « La situation nous force à nous interroger sur nos pratiques syndicales ». « Pour le contenu d’un nouvel appel, il ne faut pas uniquement centrer sur la santé. Il faut ajouter l’expression des salariés sur leur travail pour conquérir le pouvoir d’agir ». « Il faut mettre l’accent sur la prévention, et conquérir le droit de contrôle des conditions de travail, quel que soit le statut, privé ou public, et la taille des entreprises ».
Collectifs, associations, organisations qui ont appelé au 4 décembre :
- Sud Santé 31 LE&C
- Les 40 élus et mandatés de LyondellBasell à Berre l’étang
- CGT CHARTREUSE
- Association des experts agréés et des intervenants auprès des CHSCT (ADEAIC)
- SNES-FSU
- SNCS-FSU
- SNESUP-FSU
- Chantier « Travail et syndicalisme » de l’institut de recherche de la FSU http://institut.fsu.fr/-Travail-et-syndicalisme-.html
- CGT Partenord Habitat
- UD CGT Paris
- UD CGT 76
- Syndicat CGT HÔPITAL DE MOZE
- Association « La maison du travail »
- Association « 23 millions de salariés »
Le texte du nouvel Appel :
SUITE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE POUR LES CHSCT,
APPEL À UNE ASSEMBLÉE NATIONALE POUR LA SANTÉ AU TRAVAIL
Paris, le 4 décembre 2017
Nous sommes des représentants des salariés dans des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), des syndicalistes issus de toutes les organisations syndicales, des militants associatifs, des spécialistes de l’analyse du travail, de la santé au travail, du droit social. Nous travaillons dans des secteurs variés, des structures de tailles et de natures différentes.
Nous sommes opposés à la suppression des CHSCT, à la suppression d’instances proches du travail, à la diminution drastique du nombre de représentants des salariés, à la subordination des questions de santé aux intérêts économiques et financiers. Nous voulons au contraire l’extension et le renforcement d’une instance spécifique, aux pouvoirs élargis, représentant celles et ceux qui travaillent. Nous l’avons exprimé tous ces derniers mois.
SUR LA SANTÉ AU TRAVAIL, NOUS NE RENONCERONS PAS !
Sur le danger mortel de l’amiante comme sur les risques industriels, sur les réorganisations comme sur la sous-traitance et la précarité, sur la sécurité comme sur les conditions de travail, sur la déshumanisation du management comme sur les violences faites aux femmes, les CHSCT ont contribué à faire entendre la parole des travailleuses et des travailleurs et à rendre incontournable une politique de prévention des risques professionnels alimentée par la connaissance du travail réel.
Par leur action tenace, des CHSCT mettent en lumière la réalité du travail au-delà des chiffres et des courbes, au-delà des généralités et des déclarations d’intention. Les CHSCT contribuent à mettre l’employeur en face de ses responsabilités en matière de santé et sécurité des travailleurs.
Nous tenons à l’existence de représentants du personnel spécifiques en matière de santé au travail, au droit des travailleurs de maîtriser leurs conditions de travail. Nous tenons à l’ancrage de l’action syndicale dans le travail réel au quotidien.
Forts des 1200 signatures rassemblées à ce jour sur notre appel, forts des échanges de notre assemblée ce 4 décembre 2017 à Paris et de l’écho qu’elle a rencontré :
Nous continuerons à alimenter le forum – http://assemblee-nationale-chsct.org/ – ouvert à toutes les contributions syndicales, associatives, de chercheurs, de citoyens, individuelles ou collectives, susceptibles de nourrir la réflexion et l’action pour la santé au travail quelles que soient les formes d’organisation ou d’emploi.
Nous appelons tous les réseaux préoccupés de santé au travail à y contribuer ; nous voulons associer toutes les organisations syndicales, qu’elles soient professionnelles ou interprofessionnelles, du public ou du privé, qu’elles soient locales, fédérales ou confédérales. Nous contribuerons à toutes les autres initiatives qui vont dans ce sens.
Ce forum sera aussi un lieu de partage des actions dans tous les milieux de travail. Il permettra aux militants comme aux professionnels de prendre connaissance de la diversité des résistances à la destruction des CHSCT, d’échanger sur les initiatives, les mobilisations, les succès ou les difficultés de cette nouvelle bataille pour que le lien entre santé et travail soit une réalité de santé publique.
NOUS APPELONS À CONSTRUIRE ENSEMBLE
UNE ASSEMBLÉE NATIONALE POUR LA SANTÉ AU TRAVAIL EN JUIN 2018.