Nous continuons à publier des prises de positions syndicales sur la situation sociale et notamment le projet de loi El Khomri sur le Code du travail. Ci-dessous la FILPAC CGT et l’appel du Comité général de l’UD CGT de Paris. Nous apprenons aussi la suspension sur Paris du syndicat CGT de la propreté.
- FILPAC CGT (Fédération des industries du livre, du papier et de la communication) : la note ci-dessous en tract reproductible, cliquez :2016_02_19_INFOCOMCGT_LoiElKhomri_note
Note de lecture Loi El Khomry – Qu’y a-t-il dans le « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », présenté au conseil des ministres du 9 mars 2016 par le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ? Rien qui soit indiqué dans l’intitulé du texte… C’est une loi qui veut naufrager le droit social et le code du travail. Décryptage.
Code du Travail
L’article 1 introduit dans la loi les 61 alinéas du nouveau Code Badinter, lequel résume à autant de banalités inopérantes la loi protectrice des salariés.
L’article 2 crée cette commission d’experts chargés de dynamiter ledit Code, un travail superflu puisque le travail vient d’être fait dans l’article 1.
Cette manière de faire prend en défaut ceux qui avaient pronostiqué un temps long de réécriture du Code du Travail. Ils ont menti sciemment, ou par manœuvre. Le sens de l’offensive contre le Code du Travail est de lui porter la responsabilité pleine et entière du chômage. Le théorème libéral mille fois répété depuis des années affirme : « Ce sont les rigidités des lois sociales qui dissuadent l’employeur d’embaucher. » Et d’asséner sans rire : « Laissez-le licencier sans entrave, et vous verrez le patron créer des emplois. » Cette vérité de marché nous permet de moissonner un record de précaires et de privés d’emplois en nombre record battu chaque mois.
La ministre du Travail, avec Macron, Valls et Gattaz, passe par sa loi en projet au stade suprême de la libéralisation du droit social : un Code du Travail réduit à 61 lignes
Temps de travail
1. Une bien réactionnaire définition du temps de travail est rédigée :
« Art. L. 3121-1. – La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Cette définition de la durée du travail est pour le moins totalitaire : « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur… » ? D’après le Code Civil, ce n’est pas le salarié qui est à la disposition de l’employeur, mais le savoir et le savoir-faire professionnels sur la base desquels le contrat de travail a été conclu. Cela veut dire que ce n’est pas la personne du salarié qui est la disposition de l’employeur, mais le service professionnel qui est acheté pour un temps donné. Sans quoi, la définition d’un esclavage salarié est introduit, à savoir que l’employeur dispose de la personne…
A l’heure du travail numérique à domicile, du Compte personnel d’activité qui codifie le travail de l’auto-entrepreneur, et qui efface temps personnel et temps professionnel, c’est bien là la volonté du rédacteur de cette « loi » : revenir à la définition des rapports employeur/salarié d’avant le contrat de travail introduit par le Code du Travail : un simple contrat de louage, comme on loue un aspirateur industriel, ou une moissonneuse-batteuse…
Cette régression est rendue possible par la loi Macron, qui nie les rapports de subordination qui avaient présidé à la création d’un Code du travail. Subordination veut dire inégalité entre l’employeur, muni de tous les droits, celui d’accorder ou non un emploi à celui dont l’existence en dépend, et de l’employé obligé de demander un emploi pour subsister. La théorie libérale en vigueur, contre toute évidence, c’est la négation de cette inégalité. « A quoi bon un Code, de nos jours tous nous sommes égaux devant la compétitivité, tout est affaire individuelle. » Voilà ce que prétend la loi
2. Le très long article 3 (50 pages sur 130) détruit la notion même de loi sur le temps de travail, de contrat de travail par le procédé suivant : il ouvre à l’accord d’entreprise tous les aspects du temps de travail par cette formule répétée à chaque occurrence :
« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, un accord de branche peut… »
Le procédé est grossier, comme l’est ce projet frontalement tourné contre toutes les lois sociales. Tous les aspects du temps de travail sont listés en détail et décrétés passibles d’accords d’entreprises :
Temps de restauration, de pause, d’habillage, de déplacement sur lieu d’exécution du contrat de travail, temps d’astreinte, temps de pause quotidien au delà des 6 heures, temps de travail quotidien, temps de repos hebdomadaire, temps de travail hebdomadaire, temps de travail en heures supplémentaires, temps de travail en horaires individualisés e récupération des heures perdues, contrat de forfait jour ou horaire, temps de travail de nuit, temps partiel, temps de travail intermittent, contrat de travail, congés payés, jours fériés et chômés.
Plus de lois, des accords locaux, même l’utopie patronale la plus débridée n’en aurait pas rêvée…
Congés
La formule magique de l’accord d’entreprise, laquelle traverse toute la loi, donne la priorité absolue à la négociation locale, ce qui signifie compte tenu de la réalité, un chèque en blanc, un pouvoir discrétionnaire, à l’employeur
« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, un accord de branche peut… »
Mais ce qui a été décelé dans la finition du temps de travail où « la personne » est à la disposition de l’employeur, est confirmé par l’article 4 de la loi.
Article 4
I. – Au chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail, la section première et les sous-sections 1 à 8 de la section 2 sont remplacées par les dispositions suivantes :
« Section 1
« Congés de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle
Congés de conciliation ? De quels congés s’agit-il ? De tous ceux qui étaient du domaine de la loi et qui deviennent du périmètre de l’accord d’entreprise, c’est-à-dire du pouvoir patronal :
Mariage, naissance, décès, congés de solidarité familiale, congé aide handicap, engagement associatif, politique ou militant, formation professionnelle, catastrophe naturelle, acquisition de la nationalité, création d’entreprise, report de congés payés, congés sabbatiques.
Le patron organise la consultation des salariés avec des syndicats minoritaires…
On l’avait vu venir dans différentes entreprises, notamment de la métallurgie : le patron, doté de l’arme du chantage à l’emploi, impose par référendum une réponse obligatoirement positive aux régressions sociales qu’il exige. C’est la forme du dialogue social privilégié par la loi. Ceux qui cherchent une institutionnalisation du syndicalisme en sont pour leur frais !
Article 12
I. – Le titre III du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2232-12 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– après les mots : « sa signature par », sont ajoutés les mots : « d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, » ;
– le pourcentage : « 30 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % » (…)
b) Le deuxième alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Si cette condition n’est pas satisfaite et que l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli au moins 30 % des suffrages peuvent indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord.
« Si à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives n’ont pas permis d’atteindre le pourcentage de 50 % mentionné au premier alinéa et que les conditions mentionnées à l’alinéa précédent sont toujours remplies, cette consultation est organisée (…)
« L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
Les conventions collectives soumises à la commission de la hache du ministère du travail
Article 15
I. – Le chapitre Ier du titre sixième du livre premier de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2261-32 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 2261-32. – I. – Dans une branche caractérisée par la faiblesse des effectifs salariés, ou dont l’activité conventionnelle est caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociation couverts par ces accords, ou dont le champ d’application géographique est uniquement régional ou local, ou dans une branche où moins de 5 % des entreprises adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs, le ministre chargé du travail peut, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, engager une procédure de fusion de son champ conventionnel avec celui d’une branche de rattachement, présentant des conditions sociales et économiques analogues.
Conclusion provisoire
Bien d’autres friandises, dans cette loi : le compte personnel d‘activité, la numérisation de la feuille de paie, la mise à fin de la médecine du travail, le contrat de travail individuel soumis à l‘accord collectif. Il faudra continuer le décryptage.
Mais l’analyse ne vaut que par l’action qui la prolonge.
Le congrès de la Filpac a adopté à ‘unanimité une campagne pour le droit social et le code du travail. Il est temps de la mettre en œuvre.
Le congrès des syndicats ferait bien de s’emparer du sujet pour éviter un rassemblement de fin avril à Marseille hors du temps social et de l’espace libéral.
Ce n’est qu’un début…
APPEL DU COMITE GENERAL DE L’UD CGT 75
La CGT à Paris à l’offensive pour la convergence des luttes !
Les syndicats CGT de Paris se sont réunis en Comité Général le 18 février 2016, à moins de 3 semaines du conseil des ministres du 9 mars qui examinera le projet de loi travail de la ministre El Khomri dévoilé hier. Après la loi dite de sécurisation de l’emploi, la loi Macron, la loi Rebsamen, la loi NOTRe, ce dernier texte « social » du quinquennat a pour ambition de supprimer le code du travail. Le projet de loi « Travail », rassemble les éléments accumulés depuis des mois dans les différents rapports : Combrexelle, Mettling Badinter. Il valide l’inversion de la hiérarchie des normes engagée par les lois précédentes, en généralisant l’accord d’entreprise comme règle audessus de la loi et des conventions collectives.
En clair : le Code du Travail est condamné à mort !
Ce projet c’est :
_ La possibilité d’organiser un référendum « contraignant » des salariés pour faire valider des accords d’entreprise signés par des organisations syndicales recueillant au moins 30% des voix aux élections professionnelles, même si les syndicats majoritaires y sont opposés. C’est le même état d’esprit qui a conduit Valls à appliquer l’accord minoritaire PPCR dans la fonction publique, une volonté anti-démocratique généralisée à l’ensemble du monde du travail !
_ la mort de la durée légale du temps de travail avec une durée hebdomadaire pouvant aller jusqu’à 60 heures et la remise en cause des 11h de repos consécutives pour les cadres au forfait,
_ l’astreinte qui devient du temps de repos si le salarié n’a pas été sollicité !
_ des accords dits « de maintien dans l’emploi » (en réalité « de chantage à l’emploi ») même en cas de bonne santé de l’entreprise avec, à la clé, un licenciement pour cause réelle et sérieuse en cas de refus du salarié,
_ le plafonnement (revu à la baisse) des indemnités prudhommales,
_ la dérèglementation des conditions d’apprentissage : toujours plus jeunes, toujours plus fragilisés, toujours plus exploités !
Accompagnant cette remise en cause du caractère national, obligatoire et protecteur du Code du Travail, le gouvernement avait prévu dans la loi Rebsamen la création du CPA, le compte personnel d’activité. Le CPA, c’est un compte attaché à la personne, c’est l’individualisation des droits collectifs et donc la remise en cause de chacun de ces droits ! C’est l’instrument de destruction de tous les droits par l’individualisation totale des relations sociales. Un salarié ne pourra plus exiger de bénéficier des droits collectifs de la convention collective de l’entreprise. Il devra se « vendre », à charge pour lui d’entretenir son employabilité !
Un amendement gouvernemental au projet de loi Travail prévoit un article qui permettra au gouvernement de mettre en oeuvre le compte personnel d’activité par ordonnance. A la suite du dossier PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations), c’est un nouveau coup de force contre les fonctionnaires. Dans la Fonction publique, les dispositions statutaires garantissent aux agents leurs droits et non un compte personnel !
Le gouvernement et le patronat déclarent la guerre aux fonctionnaires et aux salariés, dans un contexte d’état d’urgence qui n’a pour seul objectif de brider la contestation de leurs politiques antisociales ! Ils vont jusqu’à mettre en prison les syndicalistes !
La CGT est, aujourd’hui, l’organisation qui peut le mieux rassembler les salariés, les fonctionnaires, les privés d’emplois, les retraités, les jeunes pour se battre face aux attaques patronales et gouvernementales. Comme pour la conférence sociale du 19 octobre, la CGT n’a rien à gagner dans les « groupes de travail » mis en place par le gouvernement pour réaliser ses projets.
La CGT doit être plus forte, plus visible, dans les luttes pour défendre les acquis des fonctionnaires et salariés et ouvrir l’horizon d’en gagner de nouveaux ! La commission exécutive de l’UD de Paris a décidé de faire de la défense du code du travail sa priorité !
Augmentation des salaires, dégel du point d’indice, rattrapage des pertes cumulées de pouvoir d’achat, réduction du temps de travail à 32 h, droit à la santé et à la protection sociale, garantie des libertés publiques, voilà l’alternative !
L’heure est à la confrontation sociale !
Le comité général appelle l’ensemble des syndicats parisiens à se mobiliser pour mettre un coup d’arrêt aux politiques gouvernementales et imposer immédiatement :
– LA LEVEE DE L’ETAT D’URGENCE ! L’ABANDON DES PROJETS DE LOIS LIBERTICIDES !
L’ABANDON DES POURSUITES CONTRE LES GOODYEAR ET TOUS LES MILITANTS SYNDICAUX !
– L’AUGMENTATION GENERALE DES SALAIRES, DES RETRAITES, DES PENSIONS, LEUR INDEXATION SUR LE COUT DE LA VIE, L’EGALITE FEMMES-HOMMES, LE RATTRAPAGE DES PERTES CUMULEES, ET LA FIN DU GEL DU POINT D’INDICE !
– LE RETRAIT DU PROJET DE LOI TRAVAIL – EL KHOMRI ! NE TOUCHEZ PAS AU CODE DU TRAVAIL !
La journée du 26 janvier dans la fonction publique constitue un élément de confiance important comme les journées des 30 janvier (contre l’état d’urgence) et du 4 février (contre la répression syndicale).
Autant de points d’appui et de confiance pour engager une campagne en direction des salariés des très petites entreprises (TPE). La consultation nationale des salariés, décidée par le CCN, est un outil très utile pour aller au contact des salariés, mieux connaître leur état d’esprit quant aux revendications et aux modes d’actions.
Le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et à la veille de la présentation du projet de loi Travail, sera une étape décisive pour préparer une mobilisation interprofessionnelle unitaire en mars.
En ce sens, nous faisons notre le communiqué régional interprofessionnel unitaire CGT-FO-FSUSolidaires du 16 février, appelant à agir par des grèves et des manifestations en mars, sur un large contenu revendicatif : salaires, retraites, pensions, minimas sociaux, emploi, code du travail, égalité, conditions de travail, RTT, libertés civiques et syndicales.
Pour l’UD CGT de Paris, il y a urgence à construire une grève interprofessionnelle reconductible pour faire reculer ce gouvernement.
Paris, le 18 février 2016
- Suspension du syndicat CGT de la propreté : un communiqué du syndicat CGT des Hôtels de Prestige et Economiques (CGT-HPE): cliquez communiqueCGTHPE19022016
Débrayage Hôtel Hyat-Régency, CGT HPE