Génération-Précaire : une révolte nécessaire !
Présentation de Génération-Précaire
Qui sommes-nous ?
Le mouvement génération précaire est né d’un appel à la grève spontané et diffusé sur internet début septembre 2005, destiné à dénoncer une situation intolérable : l’existence d’un véritable sous-salariat toujours disponible, sans cesse renouvelé et sans aucun droit. A la suite de cet appel s’est tissé un réseau de stagiaires, présents ex ou futurs, ayant en commun d’être révoltés face au constat qu’il est aujourd’hui possible et légal d’enchaîner des stages non-payés ou sous-payés malgré une formation souvent pointue et renforcée par de nombreuses expériences.
Aujourd’hui étudiants, chômeurs ou salariés précaires pour les plus chanceux, nous dénonçons publiquement une situation dont personne ne parle bien qu’elle soit connue de tous : il existe en France une « armée de réserve » de plusieurs centaines de milliers de travailleurs qui n’ont aucun droit, pas même le droit à un salaire. Scientifiques, juristes, commerciaux, gestionnaires, nous travaillons dans tous les secteurs d’activité, dans le public comme dans le privé. Nous sommes pourtant isolés et aucun syndicat ne nous défend, ne nous comprend. Nous avons conscience de peser lourdement sur le débat social et de tirer l’ensemble des salariés vers le bas. Pourtant, nous n’aspirons qu’à une chose : avoir notre place dans la société.
Nos revendications sont simples : que le stagiaire bénéficie d’un véritable statut intégré dans le droit du travail. Ce statut doit comprendre une rémunération minimum, progressive et sur laquelle seront prélevées toutes les cotisations sociales en vigueur. Les conflits du travail nés dans le cadre d’un stage doivent également relever de la compétence des Prud’hommes.
Le site www.generation-precaire.org a pour vocation de fédérer tous ceux qui souhaitent aboutir à cette réforme du statut des stagiaires. Nous comptons faire pression sur les partenaires sociaux, sur les élus et sur le gouvernement afin d’obtenir rapidement cette réforme. Cette revendication est éminemment politique, au premier sens du terme. Pour autant, nous ne sommes liés à aucune organisation politique ou syndicale et entendons rester indépendants. Toutes les compétences et toutes les énergies sont les bienvenues.
Génération Précaire : http://www.generation-precaire.org
Ils en sont persuadés : le compte personnel d’activité (CPA) est une mesure d’avenir. D’où leur appel à renforcer ce dispositif visant à regrouper les droits sociaux des salariés, et à le sortir des débats houleux autour du projet de loi travail. Réflexions autour de l’avenir du CPA avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, Arthur De Grave, porte-parole de OuiShare, think tank de l’économie collaborative, et Vincent Laurent, membre du collectif Génération précaire.
Vos opinions sur le projet de loi El Khomri divergent. Pour autant, vous vous retrouvez sur la défense du CPA. Pourquoi ?
Arthur De Grave : Le CPA devait être la grande réforme sociale, mais malheureusement, le débat n’a pas eu lieu. On s’est retrouvé avec un vieux débat sur la flexisécurité, à la mode des années 90. On a fait comme si le chômage était une question de code du travail. C’est peut-être vrai à la marge, mais il y a plusieurs paramètres : une croissance faible, l’immixtion du numérique qui modifie la structure du travail et l’automatisation, qui joue sur des métiers de plus en plus qualifiés. La loi travail aurait dû être, au contraire, une occasion formidable de parler de l’avenir du travail. Nous ne disons pas que le salariat va disparaître dans quinze ans. On n’en sait rien, et il est encore largement majoritaire. Par contre, ce qui est sûr, c’est qu’on a déjà 10 % de travailleurs indépendants, et qu’il y en aura plus demain.
Laurent Berger : On partage l’idée que l’économie est en train de muter mais certains ne le voient pas. Même le patronat considère encore les entrepreneurs du monde numérique comme des joueurs de bac à sable. De notre côté, nous tissons des liens, nous cherchons des réponses. Le CPA est un enjeu de protection sociale, mais aussi sociétal. Le défendre, c’est reconnaître qu’il faut des protections pour faire face à des moments difficiles dans une vie, mais aussi pour vivre des aspirations. Et je suis persuadé que si on passe à côté du CPA, on ne le reverra pas avant dix ans.
C’est cela qui vous a poussés à choisir la concertation avec le gouvernement ?
L.B. : Il fallait enlever toutes les verrues du texte et garder deux choses. Le renvoi à la négociation collective, d’une part, car dans ce monde économique qui mute, la négociation sociale reste phare. Et, bien sûr, le CPA, à condition d’y ajouter des droits, et de le rendre universel pour tous les travailleurs.
Vincent Laurent : Avec Génération précaire, il y a dix ans, nous étions dans la rue contre le contrat première embauche pour dénoncer un contrat au rabais pour les jeunes, mais aussi pour proposer d’encadrer le statut des stages. Le CPE est tombé et on a gagné la gratification des stages. On a donc obtenu le recul du gouvernement, et, en même temps, un progrès social. Là, on est exactement dans la même démarche. On est pour le retrait de la loi travail, car on trouve que la philosophie est la même que le CPE. Mais on veut extraire ce qui relève du progrès social, pour le sauver.
L.B. : Il faut que les acteurs sociaux se reconnaissent des victoires, sinon on désespère la terre entière et on fait crever toute idée d’engagement dans notre pays.
V.L. : Nous sommes aussi réalistes dans un certain sens, car on prend en compte la situation actuelle. Depuis trente ans, il y a eu une multiplication des statuts qui font concurrence au CDI. Or, plus on va avancer, plus il y aura de flexibilité et d’imagination de la part des gouvernements pour créer des nouveaux contrats qui renforceront cette concurrence.
Les syndicats sont-ils les bons acteurs pour cela ? Il y a peu, Génération précaire disait qu’il ne fallait pas «laisser ce débat dans les seules mains des syndicats et organisations patronales».
V.L. : Le CPA offre l’occasion d’un autre dialogue social, avec de nouveaux acteurs qui n’ont pas les mêmes pratiques. Il faut qu’ils se formalisent, comme aux Etats-Unis, où il y a des syndicats de free-lance.
L.B. : L’émergence de ces acteurs, ce n’est pas le remplacement des anciens. Il y a une complémentarité.
A.D.G. : Le CPA est un outil qui permet de recréer de l’égalité. Nous disons que l’intermittence du travail n’a pas à être une précarisation, si on est capable d’inventer les structures sociales qui vont avec. Cela permettrait de sortir du débat «insiders-outsiders», avec d’un côté les travailleurs indépendants, et de l’autre, les salariés. D’autant qu’il y a des parcours professionnels qui vont passer de l’un à l’autre.
L.B. : Je vais dans ton sens, mais vous imaginez si j’explique aux militants de la CFDT que l’intermittence, c’est-à-dire les périodes de travail puis de non-travail, ce n’est pas de la précarité : ils vont me dire «mais tu es devenu libéral !» (Rires) Cela commence à être intégré, mais c’est perturbant pour les syndicalistes !
Et comment le financer ?
L.B. : Ça reste une question cruciale. Il faut du financement public, il y a des choix de solidarité à faire dans notre pays. Le travail peut le financer en partie, mais il faut aussi que les nouveaux acteurs économiques financent, ceux qui utilisent l’autoentreprenariat…
Le CPA peut-il être un premier pas vers le revenu universel ?
V.L. : C’est une amorce. Cela va permettre à tous les actifs de se réapproprier leurs droits sociaux. Ils vont savoir à quoi ils ont droit et comment ils vont pouvoir l’utiliser. L’enjeu de lisibilité est important.
A.D.G. : La question qui se pose avec le CPA et, à terme, avec le revenu de base, c’est l’émancipation du travailleur. Si on rate ce débat sous un gouvernement de gauche, c’est une occasion historique qui est plantée.