Nous reproduisons ici deux articles parus sur le bulletin de la fédération CGT textile-habillement-cuir-blanchisserie : l’éditorial de Thomas Vacheron, secrétaire fédéral, et un article relatant une lutte dans l’entreprise textile Eminence (Gard), où 100 salarié-es en activité partielle se sont remis à travailler pour fabriquer des masques, montrer leur savoir-faire et lutter pour les salaires.
A l’opposé du vieux monde libéral, l’avenir doit être social, environnemental et démocratique
La crise sanitaire que nous sommes en train de vivre marquera l’histoire de l’humanité. Le confinement de plus de 4 milliards de personnes a été l’ultime moyen de limiter la propagation de la pandémie, faute d’avoir pu protéger, dépister et soigner, conséquences de l’austérité généralisée.
Cette catastrophe aura révélé les inepties de ce monde où l’on comprend bien qu’une infirmière, une caissière ou un éboueur sont bien plus essentiels à la vie de la population qu’un trader… Ceux qui détruisent la planète sont mieux rémunérés que ceux qui soignent ou nourrissent ! Et ce sont les droits, au chômage, au travail, à la santé ou à la retraite des salarié.e.s qui permettent aux pays de fonctionner qui ces dernières années ont été les plus attaqués.
La France aura été testée positive aux inégalités et aura aussi démontré que le confinement n’était pas le même si l’on vivait dans un 40 m2 où si l’on avait une villa au Croisic ou à St Tropez. Les patrons qui considéraient qu’il y avait trop d’Etat, trop d’impôts et de cotisations sociales (qu’ils osent mal-nommer « charges »), étaient ravis des milliards « d’argent magique », mais bien réel, pour que l’activité partielle leur soit payée à 100%. Quoi de plus légitime que d’exiger des contreparties sociales et environnementales aux aides publiques gigantesques qu’ils ont perçues ou à venir ?
Les lits de réanimation continuaient à être saturés et le Medef souhaitait déjà attaquer nos droits, insultant les travailleurs en proposant les vieilles recettes inefficaces économiquement et injustes socialement pour nous faire toujours travailler plus et gagner moins. La crise économique mondiale issue de leurs Business, était latente depuis des mois et la question n’était pas « si elle allait arriver » mais plutôt « quand » ? Le Covid aura été le détonateur avec les conséquences sociales désastreuses pour nos emplois qui vont en découler.
Il est temps, pour des raisons sociales et environnementales, de relocaliser des productions
A nous de défendre nos solutions : pour y faire face il ne faudra pas travailler plus mais travailler toutes et tous, avec déjà, l’application réelle des 35 heures (au lieu des plus de 39 heures réalisées en moyenne par les salariés du privé) en majorant les heures supplémentaires, par exemple à 50% comme dans la santé. Surtout, il est impératif de remettre des règles contre les suppressions d’emplois en réinstaurant l’autorisation administrative de licenciement et en prolongeant les possibilités d’activités partielles. Il est aussi nécessaire de réformer les tribunaux de commerce et de modifier le fonds régissant les Allocations de Garantie de Salaires (AGS).
Il est temps, pour des raisons sociales et environnementales, de relocaliser des productions, pour tendre vers l’autonomie et pour que les produits ne fassent pas le tour de la planète pour la seule recherche du profit gagné sur le moins disant social. Nos propositions de commandes publiques issues à 70 % d’Europe et à 35% de France sont un levier économique conséquent et immédiat.
Financer nos propositions c’est aussi mettre un terme à l’optimisation fiscale et aux paradis fiscaux de quelques-uns qui sont l’enfer social des populations. Il faut immédiatement des contrôles publics ainsi que la mise en place de la Flat-taxe sur les revenus du capital tout comme une nouvelle tranche d’imposition pour les plus hauts revenus, car aujourd’hui ils contribuent proportionnellement beaucoup moins aux biens publics que la moyenne de la population.
Dans cette période de turbulence où systématiquement les questions d’emploi vont être opposées aux droits des salariés y compris de ceux qui auront travaillé en pleine pandémie, il faut que nos revendications soient portées haut et fort. Contrairement au jour d’avant, les salariés doivent être écoutés et enfin entendus ! Pour que le jour d’après ne soit pas dramatique, l’avenir doit être social, environnemental et démocratique.
Thomas Vacheron
Secrétaire fédéral
Editorial du journal de la Fédération THCB, mai 2020
Eminence : opération bas les masques !
Eminence est une entreprise textile implantée dans le Gard depuis 70 ans qui produit essentiellement des sous-vêtements pour homme.
Suite aux délocalisations, il reste moins de 500 salarié.e.s sur les 2 sites près de Nîmes. Ces dernières années l’équipe CGT s’est étoffée en alliant expérience et travail du quotidien, ce qui lui a permis d’être très majoritaire dans le groupe aux dernières élections, avec même un 78% dans le collège ouvriers/employés !
C’est avec une ligne de conduite équilibrée qui peut se résumer à « on ne veut pas tout, mais on ne veut pas rien du tout » que s’étaient engagées les NAO de fin 2019. Malgré des arguments solides, chiffrés et étayés, la direction n’a répondu quasiment que par la négative en acceptant un seul 0,6%, soit, au vu de l’inflation, près de 1% de perte de pouvoir d’achat pour les salariés déjà faiblement rémunérés… Le manque de dialogue de la part de la direction a continué avec, par exemple, la symbolique suppression de tickets restaurants le jour du repas de noël…
Malgré les alertes des élu.e.s des différentes organisations syndicales, le travail remarquable et remarqué des salariés de ces vêtements de qualité, rien n’y faisait. L’impression était que seul le nouvel actionnaire, le groupe Delta Galil Industries, était entendu, jamais celles et ceux qui font la richesse de cette belle entreprise.
Oui, les salarié.e.s comme la CGT, sont attaché.e.s à leur entreprise, à leur marque, à leurs produits de qualité fabriqués localement
Puis vint la crise du Covid, où plus de 100 salarié.e.s ont fait le choix de continuer à travailler, en horaires décalés, débutant souvent à 4h du matin afin de fabriquer des masques dont la population avait tant besoin. Suite aux échanges avec la direction, dans une situation stressante et perturbante, les salarié.e.s avaient compris que comme l’activité partielle était prise en charge à 100% par l’Etat pour les employeurs, ceux-ci compléteraient les 16% manquant aux faibles revenus des employé.e.s. Par ailleurs, une prime symbolique de 50 € par semaine pour celles et ceux qui prenaient les risques de travailler a été légitimement demandée. Une fin de non-recevoir a été adressée en guise de remerciement… En colère, les salariés et leurs représentants ont distribué dans l’unité syndicale, FO et CGT, sous forme de tract, leurs cohérentes demandes pour alerter une nouvelle fois la direction, qui répondait toujours par la négative. Le document, qui ne fait que relater les éléments, a été transmis à la presse qui s’en est fait l’écho et auquel la direction a jugé nécessaire de faire un droit de réponse.
La question n’est pas de savoir qui aura le dernier mot, mais plutôt qu’à force de ne pas écouter les salarié.e.s on finit par ne plus entendre personne, y compris lorsqu’on chronomètre la production de masques chez des personnels dévoués qui ne cherchent qu’à être utiles pour l’intérêt de leur entreprise et de la population.
Oui, les salarié.e.s comme la CGT, sont attaché.e.s à leur entreprise, à leur marque, à leurs produits de qualités fabriqués localement, plus que beaucoup de dirigeants qui changent d’entreprises comme de chemises. Il faut maintenant que la direction réponde favorablement aux revendications des salarié.e.s, tant sur les salaires que sur les emplois.