Mardi 11 octobre 2016, la commission femmes-mixité CGT organisait une journée d’études et de propositions pour renforcer la place des femmes dans le syndicat, et notamment dans les structures de direction. Un guide pour « réussir l’égalité femmes-hommes » a été publié et discuté.
Accès au guide : guide-cgtegalitefemm-homm-web
Charte égalité annexée aux statuts CGT : pdf_chartequad
La commission femmes-mixité de la CGT poursuit un travail opiniâtre pour faire progresser la place et les droits des femmes. Plus d’une centaine de militantes et militants (30 % d’hommes environ) ont passé une journée à étudier puis décortiquer en ateliers tout ce qui ne va pas encore dans les structures CGT pour qu’elles se féminisent vraiment, pour faire reconnaître pleinement l’apport des femmes, pour combattre les stéréotypes nombreux qui, là comme ailleurs, entourent la vie militante et marquent les comportements. Comme le souligne d’entrée de jeu Céline Verzeletti, secrétaire confédérale chargée de cette question, « les conquêtes ne sont jamais définitives ». Mais cette phrase ne s’applique pas qu’aux reculs de droits dans la société, elle est un signal d’alerte pour une vigilance permanente sur les acquis et les « fragilités » de la mixité dans la CGT, constat lancinant de la journée.
Quelques militantes de la commission femmes-mixité
De lents progrès
Les animatrices de la commission ont d’abord donné des indications chiffrées, issues d’un « Rapport de situation comparée » (RSC) pointant dans la CGT les évolutions, les progrès réels et les risque de reculs, quant à la place des femmes dans l’animation. Outre des éléments anciens, ce rapport prend surtout en compte des évolutions constatée entre 2015 et 2016 à la suite de plusieurs congrès de fédérations et d’unions départementales. Les femmes représentent 37,5% des syndiqué-es à la CGT, alors qu’elles forment 49,8% du salariat global. Il est à noter que ces chiffres sont bien meilleurs dans les autres confédérations : 47% dans la CFDT (presque l’image du salariat), 45% à FO, la CGC étant à la traine avec 29%.
Depuis 2009, les adhésions de femmes ont progressé de 2,5%, et parmi les nouvelles adhésions, le progrès est de 2,9%, mais il « stagne». Le progrès est net dans les déléguées au congrès confédéral (44,5% en 2013 à Toulouse). Mais ces éléments positifs sont à relativiser si on observe la part des femmes dans les instances dirigeantes, hormis celles où la parité est obligatoire comme la Commission exécutive confédérale (CEC) et le Bureau confédéral (BC). Même pour la CEF, il faut constater que les candidates à la CEC du 51ème congrès de Marseille en 2016 ne se pressaient pas au portillon, et il conviendrait de savoir pourquoi : cela a obligé le congrès à « choisir » automatiquement les 27 candidates, sans débat, ce qui dévalorise le choix démocratique pour les femmes.
Par ailleurs, pour les congrès d’unions départementales (UD) et de fédérations, ou la parité n’est pas statutairement obligatoire dans les directions, les évolutions ne sont pas toutes positives. On passe de 10,5% à 17,2 % de secrétaires générales de fédérations entre 2009 et 2016, et de 18 à 25% pour les UD. Par contre dans 27 congrès fédéraux récents, on constate « une diminution de la part des femmes » dans les instances de direction. Bien entendu, ces constats doivent être pondérés par la situation réelle des femmes dans ces champs professionnels. Comme l’explique Sophie Binet, « pilote » de la commission Femmes-mixité (et membre de la CEC), il faut préciser ce qu’est une « juste représentation des femmes » : dans l’interprofessionnel où les femmes sont quasiment à parité dans le salariat, il serait normal que la parité se retrouve dans les structures ; mais dans certaines fédérations où les femmes sont minoritaires, l’objectif serait au moins de refléter les pourcentages réels (où au moins les pourcentages de syndiquées femmes), et inversement là où les femmes sont très majoritaires. Or, les chiffres ne montrent pas ces correspondances. Certaines fédérations où la part du salariat féminin est loin d’être nulle n’ont encore aucune femme dans leurs instances de direction (exemple les ports et docks). D’autres atteignent la parité ou reflètent mieux le pourcentage de syndiquées (services publics). Au total, c’est bien le mot « fragilité » du progrès qui revient dans la conclusion générale du Rapport de situation comparée. Aussi le Comité confédéral national (CCN) de la CGT (instance fédérative et décisive entre les congrès) a décidé de renouveler ce type de rapport chaque année.
Un guide pour réussir l’égalité
La journée était consacrée à étudier le guide de 80 pages mis au point par la commission Femmes-mixité. Et à s’exercer dans des ateliers à débattre des stéréotypes incrustés dans les têtes des militants et aussi de militantes, pour retarder ou mettre des obstacles à la prise de responsabilités des femmes.
Raphaelle Manière (Commission femmes-mixité, UD du Jura), explique qu’avec ce guide, il s’agit de « passer du dire au faire », de « chausser les lunettes du genre » pour débusquer comment les choses se passent. Non pas pour « imposer des normes de comportement », mais « ne pas être non plus dans le déni » : « le sexisme existe chez nous » et il faut « déconstruire les stéréotypes ».
En huit chapitres, le guide explique que « l’égalité ne va pas de soi » (en raison des « rapports sociaux de classe et rapports sociaux de sexe », avait averti Céline Verzeletti dans son introduction), qu’il faut « rendre visible la part des femmes » (et des hommes), qu’il faut bien sûr « syndiquer les femmes » comme objectif décisif pour faire bouger les lignes, qu’il fait « promouvoir un fonctionnement interne » adéquat, construire des collectifs femmes-mixité (aujourd’hui 30% des structures on ont mis en place), « combattre les violences sexistes » au travail et dans l’organisation, « intégrer l’égalité » dans les axes revendicatifs.
Dans les ateliers, des groupes de trois ou quatre personnes décortiquent les stéréotypes : avoir tel comportement quand on est « dirigeant », être constamment « disponible 24h sur 24 » (possible et « évident » pour les hommes, nettement moins pour les femmes). Il est également évoqué que les secrétaires généraux à la CGT sont investis d’une image de pouvoir forte (avec des conséquences en cas de crise), ce qui peut produire soit un refus des femmes d’y accéder, soit d’y accéder en reproduisant parfois des modèles outranciers d’autorité. Dans les modèles de comportement supposés : une femme autoritaire, cela « passe mal ». Une femme est supposée écoutante, serviable, patiente, pour parvenir à un but, mais si elle y parvient vite, « c’est parce qu’elle a couché ». Un débat existe dans certaines structures sur des « binômes femmes/hommes » de secrétaires généraux, pour dédramatiser la fonction. On met aussi en évidence ce qui se passe dans les « plaisanteries grivoises » (parfois faites très … « gentiment »). Etc.
Le guide comporte une partie historique sur la manière dont la place des femmes a été traitée dans l’histoire du mouvement ouvrier et dans la CGT en particulier, y compris la crise du mensuel Antoinette à la fin des années 1970 et début des années 1980, avec des démissions à la clef. On ne passe pas non plus sous silence les années 1950 à 1970 où la CGT n’était pas spécialement en pointe pour le soutien au droit à la contraception et à l’avortement, ce qui « lui a été longtemps et légitimement reproché ».
L’introduction rappelle aussi que tout est lié : « la discrimination de genre s’ajoute aux discriminations de couleur, de nationalité et de classe », pour « l’ouvrière comme pour la femme cadre ». Et Sophie Binet rappellera aussi cette remarque récente de Philippe Martinez : « La CGT n’est pas machiste, mais il y a trop de machos à la CGT ».
Jean-Claude Mamet
L’assistance à la journée