Le quotidien Le Monde daté du 1er décembre 2023 publie un article présageant la possible fin de l’Intersyndicale nationale mise en place avant le conflit sur les retraites. Dans une interview à l’Humanité, Thomas Vacheron, secrétaire confédéral CGT en charge des rapports unitaires, défend la poursuite et l’efficacité de l’unité, et notamment pour appeler à l’euro-manifestation du 12 décembre à Bruxelles.
« L’intersyndicale doit travailler, proposer et riposter ensemble »
SYNDICALISME Les numéros un des confédérations se réunissent ce vendredi, alors que l’unité syndicale est branlante. Pour Thomas Vacheron (CGT), face à la montée de l’extrême droite et à l’agenda social régressif de l’exécutif, ce cadre unitaire doit perdurer.
L’intersyndicale est-elle sur le point d’exploser ? Il aura suffi d’une dépêche AFP pour qu’apparaissent au grand jour les désaccords entre les confédérations, dans un contexte de renouvellement de 70% des comités sociaux et économiques (CSE), jusqu’en février. « Je crois qu’on n’avait pas tout à fait envie de se voir tous », confiait ainsi Frédéric Souillot (FO). Pourtant, les huit secrétaires généraux se réunissent bien ce vendredi, au siège de la CFDT.
Pour la CGT, l’intersyndicale a-t-elle du« plomb dans l’aile »ou est-elle« bientôt en sommeil », comme annoncé dans la presse ?
La montée de l’extrême droite est préoccupante, le rôle de l’intersyndicale est d’autant plus essentiel. En seulement deux semaines, un candidat ultralibéral a été élu en Argentine. Le PVV (parti d’extrême droite) a remporté les législatives aux Pays-Bas. Irish Lives Matter fait des expéditions punitives dans les rues de Dublin. En Espagne, des dizaines de milliers de manifestants, pilotés par Vox, ont défilé contre le gouvernement.La France n’est pas en reste. Après la mort du jeune Thomas, une descente de néonazis a eu lieu dans un quartier populaire de Romans-sur-Isère (Drôme). Dans le même temps, des militants, parfois fichés S, ont été arrêtés à Paris à la suite de croix gammées dessinées dans la rue. Enfin, la manifestation féministe du 25 novembre a vu des groupuscules s’infiltrer dans nos cortèges.
Dans ce contexte, l’action syndicale est une des rares boussoles pour fédérer le salariat. L’intersyndicale est connue à l’échelle de masse. Elle représente notre diversité syndicale, mais aussi la pluralité des travailleurs de ce pays. L’intersyndicale doit continuer à travailler, proposer et riposter ensemble.
Des clivages apparaissent. Sur le plan social, pourquoi l’intersyndicale doit-elle se poursuivre ?
L’intersyndicale a su changer de nature après que le gouvernement a imposé sa réforme des retraites. D’une opposition à la réforme, nous avons su développer des propositions communes sur les salaires, le retrait des ordonnances Macron, l’égalité femmes-hommes et contre l’austérité. Pour la première fois, nos organisations ont défilé dans un même cortège, le 25 novembre. Cela démontre que ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise. L’ensemble des confédérations a signé l’accord Agirc-Arrco, ce qui empêche le gouvernement de ponctionner 1,2 milliard d’euros. Notre union est une force pour protéger les salariés. A contrario, l’accord sur l’Unédic n’a pas été signé par la CGT et la CFE-CGC. Et le gouvernement se permet de ne pas agréer le projet de convention conclu entre le patronat et une partie des confédérations. Quand nous sommes divisés, l’exécutif s’engouffre. Seuls le gouvernement et le patronat ont intérêt à amoindrir l’unité syndicale.
Quelles nouvelles formes l’intersyndicale peut-elle prendre ?
Depuis 1936, l’unification du syndicalisme est une valeur intrinsèque à la CGT. Les nouvelles formes de l’intersyndicale restent à définir. Mais l’enjeu est de former des coalitions en fonction des sujets. Je prends un exemple : le combat pour l’égalité salariale est fédérateur. Mais nous n’avons pas tous la même analyse concernant la montée de l’extrême droite. A contrario, la proposition historique de la CGT d’indexer les salaires sur l’inflation est reprise par d’autres, et c’est une bonne chose. Cette démarche ne consiste pas à rechercher le plus petit dénominateur commun, mais bien à converger sur des revendications partagées pour massifier le rapport de force. Il s’agit de s’opposer, ensemble, aux reculs sociaux que le rouleau compresseur néolibéral nous inflige. Début 2024, les sujets ne manqueront pas. Le ministre de l’Économie entend réduire la durée d’indemnisation du chômage des plus de 55 ans. Dans le même temps, l’exécutif veut réformer les ruptures conventionnelles pour réduire le droit au chômage.
Après le succès mitigé du 13 octobre, des euromanifestations sont prévues le 12 décembre. Quels sont vos objectifs ?
L’intersyndicale est, unie, partie prenante de cette initiative de la Confédération européenne des syndicats. Le 12 décembre, des milliers de syndicalistes français iront manifester à Bruxelles. Un rassemblement est prévu à la frontière espagnole. La question sociale est occultée par la majorité des médias, alors même que les salaires et le niveau de vie sont la principale préoccupation des salariés, jeunes et retraités. Là aussi, les confédérations ont un rôle à jouer. Lundi, débutent au ministère du Travail des discussions sur le futur haut conseil aux rémunérations, arraché à la conférence sociale pour, notamment, mettre fin à la trappe à bas salaire.