Laurent Degousée, membre du collectif d’animation de Front social, est interviewé par le site de l’Université populaire de Toulouse sur la stratégie syndicale contre la politique de Macron.
Front social : agir le 16, le 18 et le 22 novembre !
mardi 7 novembre 2017 par Marsanay.
Nous avons interrogé Laurent Degousée, de SUD Commerce et membre du collectif d’animation
1- La stratégie syndicale est difficile à comprendre mais est-ce qu’elle explique totalement les difficultés de mobilisation ? Les routiers et les dockers gagnent à partir de leur mobilisation propre, ces victoires, loin de servir d’exemple à suivre, sont vécues comme du corporatisme, voire une trahison : qu’est-ce que tu en penses ?
Il s’agit au contraire de la même stratégie (perdante) suivie depuis 2010 par une intersyndicale nationale plus ou moins large, faite de journées saute-mouton plus ou moins importantes là où, par exemple, au lieu de faire quatre jours de grève depuis septembre – et donc de perdre autant de jours de salaire -, il aurait été possible de faire plusieurs jours de grève de suite ce qui aurai renforcé l’impact sur la bonne marche de l’économie.
Les éléments y compris les plus déterminés sont lassés de cette impasse, il est donc logique que se développe une tendance à défendre, là aussi avec plus ou moins de succès, son pré carré, en particulier à travers le blocage de leur entreprise ou de leur secteur ce qui démontre bien que c’est l’élément déterminant, indépendamment du fait de pouvoir réunir plusieurs millions de personnes comme en 2010, à tel point que le patronat est obligé de négocier le maintien de leur régime conventionnel… là où Macron se veut lui inflexible !
2- Les deux exemples cités plus haut ne signalent-ils pas au fond la difficulté du tous ensemble : la grève le même jour et tous ensemble dans la rue ? Comment comprendre le décalage qu’il y a entre le rejet des deux lois travail par la population de 55 % à 60 % et la faiblesse des grèves (surtout) et des manifestations ?
Alors que l’importance de la mobilisation du 12 septembre contre les ordonnances, à l’initiative de la seule CGT, avait été une bonne surprise, celle du 21 septembre a marqué le pas en terme d’affluence et pour cause : peu avant avait été annoncé une journée spécifique à la fonction publique pour le 10 octobre… De même avec la manifestation nationale du 23 septembre, initiée par la seule France Insoumise, même si la justesse de son mot d’ordre (contre le coup d’Etat social) a contribué à son succès. C’est d’abord la division des luttes et l’absence d’un calendrier de mobilisation cohérent qui pèse sur la situation.
Comment convaincre le plus grand nombre de s’engager, pas seulement pour affirmer un rejet mais pour gagner ,alors que les dernières victoires de notre camp social (et encore n’ont elles permises que de retarder l’offensive patronale) remontent à 1995 avec les régimes spéciaux et 2006 avec le CPE ? Pourtant, la combativité ouvrière est forte, comme la recense la page Luttes invisibleslire ici, mais le problème est qu’elle demeure éclatée
3- Comment faut-il définir le Front Social : comme une opposition intersyndicale qui a existé dans les 70/80 (revue Collectif, union dans les luttes…) ou comme un outil nouveau qui prend acte des difficultés du syndicalisme et qui vise à les dépasser ? Une démarche de même nature que celle qui se déroule sur le plan politique visant à considérer le cartel d’organisation comme inefficace et dépassé ?
Le Front sociallire ici, impulsé dès avril dernier, a ceci d’original qu’il ne veut pas se contenter d’être dans une posture de témoignage ou de monsieur plus : plutôt que de se cantonner à critiquer la ligne suivie par les directions syndicales, il a la volonté, à une échelle menue mais grandissante, de regrouper non seulement les équipes syndicales combatives mais aussi tous ceux qui luttent, que ce soit dans la jeunesse, les banlieues ou les ZAD pour agir. Son développement ,en particulier au plan local (une soixantaine de collectifs à ce jour), son fonctionnement horizontal et la possibilité pour tous ceux et celles qui sont révoltés par Macron et son monde de s’y retrouver participent de son essor.
Ce dernier a ubérisé les forces politiques traditionnelles, il est donc logique que, une fois au pouvoir, il fasse de même au plan syndical (même les organisations les plus réformistes sont à la peine, à commencer par la CFDT, dont la première place acquise dans le secteur privé cette année au détriment de la CGT, devait soi disant modifier en profondeur les relations sociales dans notre pays).
4- Le Front Social avait plutôt bien réussie les mobilisations en juillet (voir Terrain de luttes), mais comme toutes les initiatives qui ont suivis, aucune par son ampleur (syndicales et politiques), n’ont réussi à débloquer la situation.On devine que pour inverser la situation il faudrait une initiative, une manifestation probablement, dont l’ampleur pourrait permettre de construire une mobilisation sociale. Qu’en penses-tu ?
C’est tout le sens de la marche nationale vers l’Elysée du 18 novembre que nous proposons ; après la séquence brouillonne de la rentrée et pour ne pas rester, contrairement à 2016 à l’issue des plus de quatre mois de mobilisation contre la loi El Khomri, sur un goût d’échec, la perspective de regrouper ensemble les bagarres (de l’APL à la sélection à l’université) en désignant clairement l’adversaire peut contribuer à ouvrir, en dépit de la fin de la séquence des ordonnances, une telle voie.
5- Parle-nous des mobilisations à venir le 16, mobilisation intersyndicale avec le ralliement tardif de FO et la manifestation du 18 et après.
Avec la reconstitution a minima de l’axe opposé à la loi travail l’an dernier et l’entrée en jeu de la mobilisation lycéenne et étudiante, la journée du 16 novembre peut constituer le point de départ qui fait défaut depuis la rentrée. Le lendemain, la reconduction de la grève doit être posée dans plusieurs secteurs et il y a la perspective du 18 avec sa marche ainsi que désormais le 22 novembre contre la sélection : une étincelle peut non seulement mettre le feu à la plaine mais qui peut imaginer que le quinquennat Macron, détestable et détesté majoritairement six mois seulement après son élection, soit un long fleuve tranquille ?
Compte rendu de la réunion du Front Social http://syndicollectif.fr/front-soci…