La Vie ouvrière (revue du travail et des luttes sociales) publie un reportage détaillé sur la journée du 10 septembre à Paris. Et d’autres villes.
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La mobilisation du 10 septembre à Paris et Montreuil
En cette journée de mobilisation du 10 septembre, la rédaction de nvo.fr est au plus près des militants CGT et des citoyens à Paris et dans ses environs.
Cet article sera régulièrement mis à jour. Nous ne visons pas l’exhaustivité mais vous promettons d’être les témoins honnêtes des mobilisations auxquelles assistent les journalistes de la NVO sur le terrain.
Avec une centaine d’actions prévues en Ile-de-France et plus de 600 prévues sur le territoire français, la mobilisation du 10 septembre 2025 prend différentes formes : des rassemblements, quelques cortèges et des blocages. La CGT a souhaité s’associer à cette lame de fond en proposant des actions, mobilisations et grèves dans les entreprises mais sans s’associer à certains blocages. L’objectif de la Confédération est de préparer le terrain pour les grèves et les manifestations du 18 septembre.
10 septembre : 7 heures – Porte de Bagnolet, Porte de Montreuil
Après une première tentative de blocage à la porte de Bagnolet, les citoyennes et citoyens se retrouvent avec les militants à 7 heures du matin devant le parvis de la CGT. Objectif : bloquer le périphérique de la porte de Montreuil.
Dès 7 heures, une foule d’au moins une centaine de personnes est rassemblée sur le parvis de la confédération. Un petit groupe de citoyens tente une incursion sur le périphérique, mais il est rapidement stoppé par les CRS, eux aussi présents dès l’aube.
Plusieurs fédérations de la CGT sont présentes (Fédération nationale de l’agroalimantaire et forestière – FNAF, Fédération nationale des salariés de la construction du bois et de l’ameublement – Fnscba, etc.) Une syndiquée de la FNAF raconte que « plusieurs entreprises de l’agroalimentaire » sont en grève aujourd’hui, et que cette mobilisation « permettra de gagner des revendications ».
À 7 heures 30, la foule s’agrandit devant le siège de la CGT mais reste immobilisée par les rangées de CRS qui n’hésitent pas à lancer des grenades lacrymogènes si les manifestants s’approchent trop. Le cortège parvient à se faufiler dans les rues adjacentes et se dirige plus au Sud vers la porte de Vincennes. S’ensuit une course-poursuite entre militants et CRS, rythmée par des tirs de gaz lacrymogènes, y compris devant les enfants et les parents de l’école maternelle Maryse-Hilsz (20ème arrondissement de Paris).
Le cortège entre dans Paris, passe devant le lycée occupé Hélène Boucher. Certains manifestants bloquent le cours de Vincennes en barrant la rue de poubelles enflammées.
À 8 heures 30, la foule est dispersée par les CRS sur la place de la Nation. Un groupe de militants reste devant la CGT et continue de tenter de bloquer l’entrée de la ville de Montreuil, face aux forces de l’ordre.
10 septembre 2025 devant le siège de la CGT à Montreuil. Photo Sarah Delattre
9h30 Ministère du Travail
A l’initiative de la CGT chimie, plus de 1 500 militants (selon le syndicat) vêtus de leur chasuble rouge se sont rassemblés devant le Ministère du travail à Paris pour dénoncer les discriminations syndicales et exiger une amélioration des salaires et des conditions de travail.
La CGT chimie a décidé avant l’été d’une action à cette date. Par ailleurs, la fédération de la chimie a été parmi les premières organisations de la CGT à soutenir l’initiative citoyenne « bloquons tout ». « Plus d’un millier de militants cégétistes ont subi crescendo la répression syndicale depuis la bataille contre la réforme des retraites de 2023. Les gouvernements successifs veulent éteindre l’opposition face au patronat», dénonce Serge Allègre, dirigeant de la CGT chimie. « Bayrou ou Lecornu, il n’y a que le nom qui change. Nous avons besoin de partir unis pour obtenir un budget qui répond à nos revendications de justice fiscale et sociale », enchaîne Serge Allègre, qui a fait ses comptes. « De 2000 à 2023, la France a accordé aux entreprises 2800 milliards d’aides, soit l’équivalent de son PIB. La classe laborieuse doit exiger des comptes à la bourgeoisie ». Des salariés du secteur de la chimie, mais aussi du commerce, des organismes sociaux, de la marine marchande, de la sécurité privée grossissent les rangs. Parmi eux, Philippe Bourgeois et Adrien Poirieux, respectivement militants chez Air Liquide et Tredi spécialisé dans le recyclage de déchets dangereux « Il faut maintenir la pression ces deux prochaines semaines et réussir à créer un débouché politique, prendre l’argent là où il est et laisser tranquilles les travailleurs qui se crèvent la papillote», témoignent-ils.
Adossé à une banderole, Fodé Bangoura, agent de sécurité privée chez Seris est venu de Nantes avec une dizaine de collègues. Ce qu’il voudrait ? « Que le gouvernement prenne en compte la pénibilité de nos métiers, où les agents travaillent de nuit pour le Smic. En vingt ans, on a perdu 15% de pouvoir d’achat au moins ». Dominique et Salimata, militantes au sein de la CGT Monoprix n’ont pas hésité à se mettre en grève, sachant que leur fédération commerces et services a rapidement soutenu l’initiative citoyenne « bloquons tout». « Nous voulons conserver nos conquis sociaux, les jours fériés, le droit au repos dominical. Nos collègues souffrent du manque d’effectifs et de la non-reconnaissance. Les accidents du travail, les arrêts maladie, les inaptitudes se multiplient du fait des cadences, des gestes répétitifs, du port de charges lourdes », témoignent-elles en chœur. Pour les deux copines, « le 10 septembre n’est qu’un début, c’est bien de converger avec le maximum de monde ». La plupart des manifestants présents ce matin-là ont en ligne de mire la journée de mobilisations du 18 septembre, à l’appel de l’intersyndicale.
10 heures – Hôpital Tenon – Paris
Ils sont nombreux à s’être rassemblés devant l’hôpital Tenon à Paris. Pour la plupart, ils sont dans les rues depuis 6 heures du matin. Devant Tenon, l’ambiance est paisible. Parmi les manifestants, Jaques Baudrier, élu et adjoint à la maire de Paris en charge du logement, explique: « on vient en soutien des forces syndicales et des salariés qui se mobilisent. Ici à Tenon il y a du personnel médical, mais aussi, et c’est très bien, la convergence de beaucoup de luttes. Il y a beaucoup de cégétistes. La cgt est motrice de ce mouvement.»
11 heures : Gare du Nord Paris
Les forces de l’ordre filtrent les entrées pour empêcher les manifestants de rejoindre l’AG des cheminots, censée se dérouler près de la voie 36 selon les informations qui circulent sur les réseaux sociaux. Plusieurs centaines de manifestants parmi lesquels des nombreux lycéens et étudiants se sont massés sur le parvis de la gare. Des slogans antifascistes ou en faveur de la Palestine sont repris par la foule. Juchée sur un plot en béton, une jeune femme appelle à amplifier le mouvement et à se tenir aux côtés des travailleurs des raffineries, des dépôts de bus en grève.
Baptiste, Paul et Vanessa, eux, se définissent tous les trois comme des travailleurs et travailleuse de la recherche au campus Condorcet. Ils espèrent un sursaut syndical dans la durée. « On s’en prend tellement plein la tête depuis des années avec les coupes budgétaires, les politiques restrictives sur la recherche. Il est temps de créer les conditions d’une grève. Cette journée, c’est un point d’appui pour continuer de construire le mouvement social ».
13h – Place du Châtelet – Paris
Une foule composite de militants syndiqués, jeunes, lycéens, étudiants, salariés ou députés sont réunis au Châtelet depuis 13 heures. Les chants révolutionnaires et slogans occupent tout l’espace sonore.
Gabriel, 23 ans étudiant en communication, déclare préférer ce type de mouvement plutôt qu’aux manifestations de grande marche. Les blocages partout dans Paris lui donnent le sentiment que la lutte est plus efficace : « en manifestant pacifiquement, le gouvernement n’entend pas ».
15 heures – Place des Fêtes (Paris 20ème arrondissement)
Les manifestants ont quitté la Place du Châtelet pour se rendre Place des Fêtes pour un « bal populaire » placé sous le signe des revendications du monde culturel avec des prises de parole, des concerts, un orchestre et des danses dans une foule compacte. La CGT Culture, l’union nationale des syndicats des musiciennes et musiciens (SNAM – CGT), les intermittents du spectacle, musiciens, rappeurs et le public sont réunis pour une même cause : défense la culture et dénoncer les coupes budgétaires.
Mais sur la Place des Fêtes, la joie des manifestants bat son plein. L’ambiance est à la célébration de la lutte tout simplement. L’Orchestre du Nouveau Monde, soutenu par le SNAM, joue pendant une heure. Altos, contrebasses, clarinettes apaisent et galvanisent en même temps. Les manifestants entonnent en chœur les chants révolutionnaires, entrecoupés par des discours sur la crise de la culture. La pluie de fin de journée à raison de la majorité des manifestants mais la fête continuera bien tard pour les acharnés.
17 heures – Place de la République (10e et 11e arrondissements)
Ça commence comme une kermesse entre grillades, sandwiches et merguez au milieu de stands de la CGT et de pancartes à slogans. Les manifestants arrivent par grappes place de la République. Sur la statue centrale, quelques personnes dansent pendant que d’autres les acclament. Aux abords de la place, certains se reposent en mangeant. Tout est calme au centre mais à l’extérieur de la place, on sent la tension. Les forces de l’ordre cadenassent la place laissant entrer les manifestants mais ne leur permettant de sortir que par une seule issue étroite. Des passants et des cyclistes voulant rentrer chez se retrouvent « piégés » malgré eux. Les camions de CRS empêchent de quitter la place librement. Le balais des vélos faisant le tour de la place de la République en cherchant la sortie aurait presque quelque chose de comique….
Au final dans toute la France, le ministère de l’Intérieur a annoncé avoir dénombré 812 actions dont 550 rassemblements et 262 blocages et recensé 175 000 participants. La CGT de son côté évoque 250 000 personnes pour 200 rassemblements et manifestations. L’AFP évoque 200 000 participants, soit plus que les manifestations du 1er mai.