Maya Surduts, militante féministe, associative, politique, est décédée. Elle s’intéressait passionnément au mouvement syndical, à son action pour l’égalité femmes/hommes, et pour la place accordée aux femmes en interne. Le réseau du MAGE, Travail, genre et société, lui rend hommage en reproduisant une interview parue en 2013, disponible sur www.cairn.info. Nous mettons également à disposition les réactions des organisations syndicales CGT, FSU, Solidaires.
MAYA SURDUTS, UN FÉMINISME DE LUTTES
Propos recueillis par Margaret Maruani, et Rachel Silvera
La Découverte | « Travail, genre et sociétés »
2013/1 n° 29 | pages 5 à 22
Article disponible en ligne à l’adresse :
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http://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2013-1-page-5.htm
Article complet : TGS_029_0005-Maya-Surduts
Voici un portrait qui invite au voyage : suivre le parcours de cette figure incontournable du féminisme français, cette femme dont la vie est un vrai roman nous emmène aux quatre coins du monde. Fille de juifs estoniens, intellectuels et communistes – nous sommes dans les années 1930 – elle sera une immigrée permanente. Enfant, elle a été ballottée de Riga à Paris, en passant par l’Isère et l’Afrique du Sud.
Adulte, elle a vécu en Suisse, aux Etats-Unis, puis à Cuba avant de revenir à Paris dans les années 1970… Elle a été témoin de la seconde guerre mondiale, des déportations, elle a vécu et soutenu
l’espoir de la révolution cubaine – et tout cela, avec une force de conviction incroyable. Toujours et partout, elle a été du côté des luttes : avec le FNL pendant la guerre d’Algérie, avec les mouvements Black lors de la Marche sur Washington avec la révolution cubaine pendant huit années. C’est au début des années 1970 qu’elle revient à Paris pour engager toutes ses forces militantes dans le féminisme.
Sa vie personnelle et l’Histoire s’entremêlent. Ainsi en est-il par exemple de son combat pour le droit à l’avortement et à la contraception qui puise à son expérience personnelle.
Margaret Maruani : Qu’est-ce qui, fondamentalement, a fait de toi une féministe ? Ce n’est pas seulement parce que tu es allée au MLAC ? Tu as des convictions très fortes, d’où viennent-elles ?
Maya Surduts : Le MLAC n’était pas n’importe quoi pour moi, parce que j’avais eu quatre avortements. Il faut dire qu’à l’époque, on ne connaissait pas la contraception. J’ai eu une relation avec un étudiant en médecine, et il n’a rien dit quand je lui ai annoncé que j’étais enceinte. Il devait avoir peur, peur pour sa carrière. J’avais 17 ans, c’était en 1955, à l’époque ça ne rigolait pas. L’avortement par une « faiseuse d’ange », comme on disait, je l’ai éprouvé. Ça s’est fait sur une table de cuisine. J’aurais pu avoir une infection ou faire une hémorragie. Je n’habitais plus chez mes parents mais j’y allais le week-end. La femme m’avait posé une sonde et tout d’un coup j’ai « éliminé » chez mes parents et ma mère n’était pas là.
Mon père était là, c’était quand même douloureux, il a compris et il m’a demandé où était le garçon. Mon père – qui était d’un orgueil ! – lui a téléphoné et lui a demandé ce qu’il faisait. Le garçon a répondu que l’enfant n’était pas de lui et mon père a raccroché. Il n’a jamais eu un mot de travers, de reproche, et ça, je le dis et j’insiste. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de pères comme ça. Ensuite, j’en ai fait un en Suisse, chez un médecin, le troisième aux États-Unis et ensuite à Cuba à l’hôpital. Voilà pourquoi ma proximité avec le MLAC. J’habitais Paris, à l’époque le MLAC ce n’était pas n’importe quoi. À Jussieu les amphis étaient bondés. À la direction de Révo et de n’importe quelle organisation d’extrême gauche, il y avait quelqu’un qui s’occupait de cela. Cétait une
expérience assez rare dans ce pays où, à cause de la place de l’État, il y avait peu de pratiques de masse de rupture, oui ça a été une pratique de masse réelle et une pratique subversive. On a poussé loin la désobéissance civile et ils ont mis un an et demi à faire une loi. Je pense que ce pays était resté attardé, qu’il n’avait pas véritablement rompu avec le pétainisme. Cela rejoint ma conviction que c’est un pays familialiste et c’est un pays qui reconnaît peu de droits aux femmes. Et même maintenant, on continue à se battre, tout le temps. Je n’ai jamais arrêté. Le MLAC luttait pour la reconnaissance du droit des femmes à disposer de leur corps, j’avais vécu des avortements, je n’avais pas souffert mais c’était une évidence qu’il fallait qu’on puisse décider par nous-mêmes et que
ce n’était à personne d’autre de le faire. J’y suis entrée et je n’ai jamais quitté ce mouvement. À partir de là j’ai commencé à me poser des questions. Pendant longtemps j’ai considéré que les femmes violées étaient des putes, qu’elles l’avaient bien cherché.
J’adhérais totalement à l’idéologie dominante, à tous les lieux communs… Je ne suis pas née avec le féminisme, même si ma mère a toujours fait ce qu’elle a voulu.
- Communiqué de la CGT Le mouvement féministe vient de perdre une de ces ferventes combattantes.Nous venons d’apprendre le décès de Maya Surduts, grande figure du mouvement féministe.
Porte-parole du Collectif National des Femmes (CNDF) et de la coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC), Maya a été, depuis de très longues années une combattante engagée et reconnue.
Toujours en lutte pour les droits des femmes et contre les discriminations, son parcours de vie est détonant tout comme l’était sa forte personnalité.
La CGT, organisation cofondatrice du CNDF a souvent milité aux côtés de Maya.
La CGT tient à rendre un dernier hommage à cette grande militante féministe qui aura marqué son temps. Nous garderons en mémoire sa ténacité, nous nous engageons à continuer ce combat aussi vigoureusement aux cotés des organisations féministes.
Montreuil, le 13 avril 2016
- Communiqué FSU
La FSU salue Maya
C’est avec une grande tristesse que la FSU et son secteur « droits des femmes » ont appris le décès de Maya Surduts qui nous a quitté brusquement hier. Profondément touché-es, nous garderons l’image d’une militante féministe déterminée et efficace.
Maya aura été une grande figure du militantisme, une grande féministe qui a mené ces dernières années beaucoup de combats pour défendre les droits des femmes, sans cesse attaqués. Elle a relancé le mouvement féministe depuis vingt ans autour de combats pour les droits des femmes tant au sein de la CADAC (Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception) avec une défense acharnée de l’IVG et la contraception libre et gratuite pour toutes les femmes, qu’au sein du CNDF (Collectif national pour les droits des femmes).
Elle a participé à toutes les manifestations contre les violences faites aux femmes mais aussi à aux nombreux débats et colloques sur les problématiques concernant les droits des femmes et l’égalité. Maya a été de tous les combats.
La FSU salue Maya, militante infatigable qui mettait en pratique ses idées et défendait les droits des femmes.
La FSU, co-fondatrice du CNDF était engagée dans ces combats et ceux de la CADAC. Elle a donc souvent et longtemps milité au côté de Maya.
Un engagement que nous poursuivrons avec la même détermination dont Maya a fait preuve toute sa vie.
- Union syndicale Solidaires :
Décès de Maya Surduts, une figure du féminisme
L’Union syndicale Solidaires vient d’apprendre le décès de Maya Surduts, grande figure du féminisme lutte de classes, artisane des victoires sur le droit à l’avortement et à la contraception, avec laquelle nous avons travaillé depuis de nombreuses années, notamment dans le Collectif national pour les droits des femmes.
Nombre de nos militants et militantes se souviendront de sa personnalité insoumise et rebelle, de sa fougue féministe, de sa présence incontournable dès lors qu’il s’agissait de luttes pour les droits des femmes et pour les libertés en général.
Nous nous associons à la tristesse de ses proches, et plus particulièrement à ses camarades de la CADAC et du CNDF, comme à toutes les camarades qui ont la tâche immense et enthousiasmante de faire vivre les combats féministes au quotidien et qui l’ont côtoyé.
Pour Solidaires, lui rendre hommage passera nécessairement par le fait de poursuivre les luttes féministes, sur tous les terrains. Nous nous y emploierons.