A l’occasion du 17 octobre 2018, journée internationale du refus de la misère, la CGT a fait connaître en conférence de presse des propositions pour lutter contre la pauvreté, alternatives au « plan Macron ». Ci-dessous des extraits de l’introduction de Fabrice Angei, secrétaire confédéral, et du document de propositions.
- Télécharger l’introduction complète de Fabrice Angei : discours liminaire
- Télécharger les propositions : Propositions CGT – Plan pauvreté.pdf
- Fabrice Angei (extraits):
« Demain, 17 octobre, sera la journée internationale du refus de la misère. Nous serons rassemblés avec d’autres dont ATD quart-monde, au Trocadéro, parvis des Droits de l’homme et des libertés avec pour fil conducteur un thème qui nous convient parfaitement : « de la déclaration à l’action ». Mais, bien évidemment, nous n’agissons pas que le 17 octobre.
[…] Pour en rester à la question de l’extrême pauvreté et ne citer qu’un seul exemple, des organisations de la CGT se sont inscrites dans l’initiative Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée qui consiste à proposer à tout chômeur de longue durée volontaire un CDI à temps choisi censé ne pas faire concurrence à des emplois existants. Il s’agit, pour notre part, d’éviter toute dérive, toute niche nouvelle à précarité et de permettre aux personnes l’accès à un emploi digne et à une insertion sociale. C’est pourquoi nous réclamons un bilan de cette expérimentation.
Je profite d’ailleurs de ce point de presse pour vous informer que notre union départementale de Meurthe et Moselle organise une initiative sur le sujet le 13 décembre prochain à laquelle je participerai.
Je rappelle que la CGT est la seule organisation syndicale à organiser les chômeurs au moyen des comités de privés d’emplois et précaires. Il n’y a pas, contrairement au discours gouvernemental, les syndicats qui s’occuperaient des « insiders » et laisseraient sur le côté les « outsiders ». Du moins pas à la CGT.
[…]
Le véritable combat contre la précarité, les processus d’exclusion et donc contre la pauvreté se doit d’être livré en portant l’ambition du renversement des politiques publiques menées depuis plus de 40 ans sans aucun résultat.
Nous proposons d’opposer, à la logique stigmatisante des statuts, des dispositifs pour les personnes en recherche d’emploi, en situation de précarité, une logique situant la personne au centre de la construction de son parcours d’insertion sociale et professionnelle, partant de son projet de vie.
Seul le droit au travail, l’accès à une éducation, une formation tout au long de la vie, un emploi de qualité, bien rémunéré, l’accès aux droits de tous, peuvent s’inscrire dans une lutte efficace contre les inégalités, la précarité, l’exclusion et la pauvreté et participer d’une société juste et démocratique.
Nos propositions ont la volonté de répondre à l’ensemble de la population concernée et non pas une partie, comme tente de le faire le Président.
Ainsi, 1/3 des personnes en-dessous du seuil de pauvreté sont des salarié.e.s en activité.
Plus d’1 million, sur les 8,8 millions concernés, sont des retraités, 1 enfant sur 5 est en situation de pauvreté.
Nos propositions ont pour objectif de favoriser l’accès pour toutes et tous aux droits fondamentaux inscrits dans la constitution française.
Elle se décline autour de 11 thèmes essentiels qui sont :
1- Droit à un salaire décent car 1/3 de la population pauvre est salarié
2- Droit à un travail décent digne et reconnu
- un nouveau statut du travail
- une sécurité sociale professionnelle
- l’insertion comme thème de négociation collective
- les situations particulières (handicap, sans papiers, migrants)
- 3- Droit à l’accompagnement
- Droit à un revenu de remplacement décent pour toutes et tous
- privé d’emploi
- jeunesse
5- Droit à une éducation et une formation permanentes émancipatrices
6- Droit à une protection sociale garantie par la sécurité sociale
- droit à la retraite à 60 ans à taux plein
7- Droit au logement pour toutes et tous
8- Droit à l’énergie
9- Droit à la culture et au sport
10- Droit aux transports
11- Inclusion bancaire et lutte contre le surendettement
Je ne vais pas développer chacun de ces thèmes, ils le sont dans le livret que nous vous avons remis et je suis prêt à répondre à vos questions si vous avez besoin de précisions.
[…] »
Montreuil, le 16 octobre 2018
- Préambule :
Le travail doit être correctement rémunéré en fonction des qualifications de chacun. Or, aujourd’hui, un tiers des personnes sous le seuil de pauvreté sont des salariés. L’exclusion du marché du travail constitue la première étape de l’inscription des personnes dans un processus de précarité qu’il peut être ensuite difficile d’infléchir. Mais le travail n’est pas le seul levier attribuant une place ou conférant un rôle dans la société.
En effet, certaines personnes sont empêchées de travailler du fait d’une incapacité temporaire voire permanente (souffrant d’un handicap psychique et/ou polyhandicap, de toxicomanie ou de difficultés en termes d’insertion socioprofessionnelle…), de leur âge, les inscrivant dans le système éducatif (enfants et adolescents) ou faisant qu’ils sont considérés comme trop vieux pour travailler. D’autres n’ont pas le droit d’accéder au travail ou à un travail décent sur le territoire français à cause de leur situation spécifique et du droit en vigueur (les demandeurs d’asile).
Dans la poursuite du bien commun et de l’intérêt de l’ensemble des populations, la collectivité nationale a un devoir de solidarité concernant ceux qui ne peuvent exercer ce droit au travail de façon durable ou momentanée et doit proposer et mettre en place les dispositifs, structures ou établissements en réponse à leurs besoins.
Les services dédiés doivent pouvoir fonctionner grâce à des services publics (et/ou privés non lucratifs issus de la société civile portant des missions de service public), répondant aux besoins réels de ces personnes vulnérables grâce des professionnels qualifiés en travail social. C’est pourquoi la CGT défend un système de protection sociale non discriminatoire avec des financements ad hoc.
Les propositions de la CGT postulent de l’égalité de tous et s’opposent à l’équité (ce qui convient à chacun). Elles revendiquent un projet fondé sur l’intérêt général qui se différencie d’une utilité sociale (à justifier constamment). Le capitalisme et les politiques publiques qui lui sont aujourd’hui subordonnées ont provoqué la recrudescence de la pauvreté et de la précarité et la montée des inégalités entre groupes sociaux, mais aussi des dérèglements climatiques ou sociaux qui ont une incidence sur la pauvreté mondiale et la migration.
Les gouvernements actuels dans l’Union européenne, les sociétés occidentales dans leur ensemble, préfèrent se dédouaner de leur responsabilité en stigmatisant les plus pauvres. Pourtant, en dix ans, le taux de pauvreté en Europe est passé de 16,6 à 17,3 %. De plus, les politiques d’activation actuelles sous-entendent que les personnes précaires sont, pour partie, responsables de la situation dans laquelle elles se trouvent et frauderaient pour profiter des prestations sociales, obligeant les bénéficiaires à prouver qu’ils méritent l’effort de la collectivité.
Les réformes récentes de dérégulation du droit du travail (lois Rebsamen et El Khomri, ordonnances Macron…) vont augmenter la flexibilité et la précarité dont les effets n’apparaissent pas encore clairement. Néanmoins, pour la CGT, une stratégie sur la pauvreté ne peut s’appuyer que sur un droit au travail de qualité pour tous, favorisant le lien social, la protection et l’accompagnement des plus vulnérables.
Ce droit doit également s’appuyer sur la considération des individus, pour que vive l’article 1er des droits de l’Homme rappelé dans notre constitution : « Tous les individus naissent libres et égaux en droits et en dignité. » À ce titre, l’égalité et la fraternité représentent les corollaires obligatoires de la mise en œuvre.
Si le gouvernement, en grande difficulté, cherche à faire une opération de communication sur le plan pauvreté, il n’a trompé personne. Le budget 2019, notamment avec les suppressions d’emploi annoncées et les économies proposées, vient contredire complètement les effets d’annonces. Le plan que la CGT présente est assorti de propositions financières très concrètes. Les bénéfices du CAC 40 ont explosé en 2017 avec 94 milliards d’euros. Les aides et exonérations aux entreprises sont de 230 milliards par an, sans aucun contrôle. Il y a un « pognon de dingue » pour éradiquer la pauvreté.
- Extraits des propositions
1. DROIT À UN SALAIRE DÉCENT
Un tiers des personnes en dessous du seuil pauvreté sont des salariés.
Proposition CGT : REVALORISER le Smic à 1 800 € brut salaire de 1re embauche sans diplôme et sans qualification.
Il doit être le point de départ de toute grille salariale et de traitement. Il est un outil pour obtenir l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Aucun minimum de branche, aucune grille de la fonction publique ne doit être en dessous du Smic.
Proposition CGT : SANCTIONNER financièrement les employeurs qui imposent le temps partiel.
Enfin, 1,5 million de Français âgés de 53 à 69 ans ne perçoivent ni revenu d’activité, ni pension de retraite d’après une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
2. DROIT À UN TRAVAIL DIGNE ET RECONNU
Si une grande majorité des salariés sont couverts par des conventions collectives, leur éclatement ainsi que leur contenu privent de nombreux salariés de véritables droits. L’externalisation, le recours massif à la sous-traitance, à l’intérim, ainsi qu’aux nouvelles formes de travail atypiques ont exclu de l’accès à de nombreux droits toute une catégorie du salariat. Chaque rupture de contrat implique pour les salariés une perte de revenus importante et tous les droits afférents. Par ailleurs, la mobilité concerne aujourd’hui environ 7 millions de salariés par an.
Proposition CGT : CONSTRUIRE un nouveau statut du travail salarié garantissant à chacune et à chacun des droits individuels et leur « transférabilité ».
Le nouveau statut du travail salarié concerne l’ensemble du salariat. Il vise à permettre à chaque salarié, de la sortie du système scolaire à la fin de sa carrière professionnelle, de disposer d’un certain nombre de droits cumulatifs et progressifs, transférables d’une entreprise ou administration à l’autre, d’une branche à l’autre, opposables à tous les employeurs publics ou privés. Il s’agit de droits individuels attachés à la personne. Pour être opérationnels, ces droits doivent s’appuyer sur un corps de garanties interprofessionnelles élevées. Ils constir tuent un socle commun de droits interprofessionnels, base de la construction de tout statut et convention collective, dans le respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur.
[…]