L’éditorial de la Bourse du travail de Malakoff (Hauts de Seine), revient sur les rôles respectifs, mais parfois complémentaires, entre les forces politiques unies (NUPES) et le syndicalisme d’action, qui est absolument déterminant. Il faut « restaurer le pouvoir syndical« , conclut le texte de Gérard Billon, prenant le contre-pied des dogmes libéraux (F.Hayek) qui préconisent de le « restreindre« .
La Bourse du Travail de Malakoff est actuellement gérée par les syndicats : CGT, CFDT, FO, SOLIDAIRES et FSU.
PAS DE SYNDICAT, PAS DE CHOCOLAT !
Tous les partis politiques composant la NUPES ont exprimé la volonté de travailler avec les organisations syndicales, en respectant l’indépendance et le rôle de chacun, pour construire un rapport de force permettant l’émergence d’une politique de progrès social, démocratique et écologique.
C’est incontestablement une bonne nouvelle pour toutes celles et ceux, syndicalistes et associatifs notamment, qui ont milité pour que cette union à gauche sur un programme transformateur, se réalise à l’occasion des élections présidentielles….
Bon, mieux vaut tard que jamais ! Ça ne va pas se faire avec un claquement de doigt mais « là où il y a volonté, il y a un chemin. ».
Et en effet, il est plus que logique de considérer que, quand on a un programme politique qui veut s’attaquer à la domination de la finance et faire prévaloir au contraire la justice sociale et la satisfaction des besoins populaires, comme c’est la cas de la NUPES, il est indispensable de pouvoir compter sur le syndicalisme, qui par son rôle et son action dans les entreprises et la société, par les luttes qu’il génère, intervient justement au quotidien sur ce terrain là.
Ne pas le faire accréditerait l’idée que l’augmentation des salaires, par exemple, dépendrait uniquement des majorités politiques et non pas des mobilisations dans les entreprises et en conséquence qu’il faudrait attendre une éventuelle victoire de la gauche aux prochaines élections dans 5 ans pour qu’elle se concrétise.
Toutefois, la gauche doit être lucide sur la réalité de l’affaiblissement de la capacité d’intervention du syndicalisme, de sa représentation et de son implantation dans la diversité du salariat aujourd’hui.
Cette situation résulte pour partie d’une offensive délibérée des forces libérales qui singulièrement depuis ces 30 dernières années, pour soumettre la société aux intérêts financiers, ont multiplié les mesures et batailles en tout genre pour réduire l’influence du syndicalisme et de toutes les autres organisations et associations qui permettent aux populations d’être représentées et d’avoir leur place sur le plan social et politique. Citons par exemple pour ce qui concerne plus directement le syndicalisme :
- Confinement de la mesure de représentativité dans les entreprises où il y a un syndicat
- Mesures d’institutionnalisation des syndicats, dans les entreprises comme dans la société, les faisant apparaitre comme partie prenante d’une « démocratie sociale » débouchant sur une politique régressive (Loi Larcher)
- Suppression des élections prud’homales
- Lois El Khomri et Macron débouchant entre autres sur l’inversion de la hiérarchie des normes, le plafonnement des indemnités, la suppressions des CHSCT et la diminution d’un tiers des représentant.e.s du personnel dans les IRP
- La restriction du droit de grève, les procédures judiciaires contre les syndicalistes, les suppressions de moyens, de locaux et de subventions
- La désinformation, la véritable intoxication menée dans les médias, y compris publics, pour discriminer l’action des organisations syndicales.
- Le redoublement de la férocité de la répression et de la discrimination antisyndicales : en 2019, une étude officielle du défenseur des droits et de l’OIT révélait que 42% des actif.ves.s estiment que s’ils exercent la liberté de se syndiquer, ils prennent un risque pour leur emploi, leurs conditions de travail, leur rémunération et leur déroulement de carrière…
Bien sûr, l’affaiblissement actuel du syndicalisme a d’autres causes plus endogènes qui ne pourront être résolues que par les syndicats eux-mêmes.
Mais cela n’enlève rien à la nécessité d’une intervention politique de la gauche pour déposer des projets de lois qui, non seulement reviennent sur toutes les lois, mesures, décrets par lesquels les précédents gouvernements se sont attaqués au droit syndical, mais également permettent la garantie et le développement des libertés syndicales et de droits nouveaux pour les salarié.e.s.
C’est indispensable pour alimenter la dynamique d’intervention populaire et de luttes sociales que nous voulons construire.
Nous pouvons obtenir sur ce terrain des victoires qui donnent confiance, comme le prouve la récente décision du conseil de l’Europe, déclarant illégal le plafonnement des indemnités de licenciement contenu dans la loi El Khomri.
Dans le même sens, une syndicalisation plus importante que ce qu’elle est aujourd’hui des militant.e.s, élu.e.s, dirigeant.e.s des partis qui composent la NUPES serait de nature à contribuer à la crédibilité de leur démarche politique d’union populaire pour en finir avec les dogmes libéraux et remettre l’humain au centre du projet de société qu’ils défendent.
Une étude récente du très libéral FMI conclue à « l’existence d’un lien entre la baisse du taux de syndicalisation et l’augmentation de la part des revenus les plus élevés dans les pays avancés dans les 40 dernières années ». Elle explique que l’affaiblissement des syndicats a permis « d’augmenter la part des revenus constitués par les rémunérations de la haute direction et des actionnaires » et que « la moitié environ » du creusement des inégalités découlent de l’insuffisance d’organisation des salarié.e.s.
Même si les luttes actuelles montrent que les syndicats sont encore capables de mobiliser dans des entreprises ou/et des branches professionnelles, les reculs sociaux de ces dernières années sont la preuve que quand le syndicalisme, point d’appui historique de la plupart des avancées émancipatrices s’efface, tout se dégrade, l’appétit des détenteurs du capital s’aiguise, l’extrême droite et l’intégrisme religieux envahissent la place pour semer la division entre les groupes sociaux.
En fait, la bataille pour affaiblir le syndicalisme est partie intégrante des politiques libérales.
L’un de leurs penseurs les plus célèbres, Friedrich Hayek, dresse la feuille de route de ses amis politiques dès le milieu du siècle dernier : « Si nous voulons entretenir le moindre espoir d’un retour à une économie de liberté, la question de la restriction du pouvoir syndical est une des plus importante »
Quelques décennies plus tard, les politiques menées par les tenants du libéralisme ont mis en œuvre cette recommandation où tout est bon pour réduire l’influence du syndicalisme, avec les conséquences que l’on connait sur les reculs sociaux et sociétaux que l’on constate actuellement.
Il est temps, que la gauche, en appui sur le rapport des forces nouveaux qu’incarne la NUPES, prenne le contre-pied d’Hayek et fasse vivre une préconisation nouvelle : « Si nous voulons entretenir le moindre espoir d’un retour à une économie au service des besoins humains, la question de la restauration du pouvoir syndical est une des plus importante ».
Gérard BILLON-GALLAND
Malakoff le 28/09/2022