A l’occasion des 60 ans des Comités d’entreprise, la NVO, bimédia de la CGT, a réalisé un dossier (voir accès complet ci-dessous). On y lit notamment une interview de Sophie Béroud, maîtresse de conférence en science politique à l’université Lyon 2 et coauteur de l’étude «activités sociales et culturelles des comités d’entreprise en Rhône-Alpes », dont le second volet est à paraître en janvier.
Le dossier complet NVO : nvo3554_ce_70ans
Extraits de l’interview de Sophie Béroud : «Tout devient négociable»
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« La loi Rebsamen est une évolution très forte, puisqu’elle va permettre de négocier le périmètre des IRP et de fusionner CE et CHSCT, pour passer à une instance regroupée. Elle fait de ces IRP un objet de négociation. Tout devient négociable. Il faut attendre de voir l’impact que cela aura mais on voit déjà que les conséquences peuvent être très négatives dans la mesure où les élus sont déjà pris par de mul- tiples tâches. On leur demande de tout assumer à la fois. Ils ne pour- ront pas se spécialiser assez pour être offensifs sur des enjeux tech- niques. Au final, ils seront noyés dans une masse de responsabilités et de réunions, et il sortira peu de choses de ces instances.
Comment les aider ?
Pour les syndicats qui ont perdu leur représentativité ou pour ceux qui voudraient s’implanter, qua- tre heures, c’est vraiment insuffi- sant. Les CE sont de plus en plus concentrés au niveau national, ce qui rend compliqué de rester proche des salariés et entendre leur vécu au travail, leurs revendications.
Il faudrait donner plus d’heures pour assumer ces différents mandats. Il faudrait aussi permettre aux salariés de s’engager bénévolement, pendant leurs heures de travail, dans les commissions du CE. C’est une façon d’impliquer le salarié.
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Comment remettre de l’action militante dans les activités sociales et culturelles (ASC) ?
Il faut rappeler leur origine, sensibiliser les élus sur le fait qu’il s’agisse d’une prérogative à part entière des CE. Le CE doit-il s’insérer dans l’économie marchande ? Face aux politiques salariales, à la gestion de l’organisation du travail, aux modalités d’évaluation – tous ces processus multiformes d’individualisation du travail – les ASC peuvent au contraire permettre de produire du collectif. Cet outil est sous-utilisé, car la forme « billetterie » est plus facile, mais cela permettrait d’entrer en contact avec les salariés autrement et de leur faire prendre conscience de la force qu’ils représentent.
Et pour les petites entreprises ?
Il y a un enjeu fort de mutualisation. Depuis les années 1980, les emplois ouvriers et employés sont fortement externalisés vers des PME qui, du fait de leur taille, n’ont pas de CE, tandis que les ingénieurs, cadres et techniciens se retrouvent dans les grandes entreprises. Les inégalités existant déjà dans la société se reproduisent dans le monde du travail.
Cela doit inciter le syndicalisme à obliger des directions d’entreprise à augmenter la dotation des gros CE, par exemple, afin de mutualiser ces moyens sur un territoire ou un site d’activité.
Propos recueillis par Guillaume Desjardins