L’Union syndicale Solidaires publie les informations du Réseau syndical international de Solidarité et de luttes, dont elle est partie prenante. On y apprend notamment l’existence d’un syndicat étudiant (Action directe) en Ukraine (voir plus bas), fondé en février 2023.
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Priama Diia (Action directe), pour le contrôle étudiant
Patrick Le Tréhondat
Le tout nouveau syndicat étudiant ukrainien Priama Diia, refondé en février 2023, déborde d’activités dans la défense des intérêts de la communauté universitaire. Nous publions trois déclarations du syndicat qui relatent ses activités contre la spéculation immobilière, la réfection sous contrôle étudiant d’une université atteinte par des bombardements, et enfin le contrôle des abris dans les universités. Cette dernière question est très sensible en Ukraine. De nombreux Ukrainiens tentant de se réfugier dans des abris trouvent portes closes. Dans la nuit du 1er juin à Kyiv, lors d’une attaque russe, une femme de 33 ans et une autre femme accompagnée de sa fille de neuf ans ont été tuées alors qu’elles tentaient de se réfugier dans un abri fermé. Cette tragique histoire avait soulevé une grande émotion en Ukraine, obligeant le gouvernement à annoncer un audit des abris dans l’ensemble du pays. Quelques jours plus tard, une journaliste de LCI, sous les bombardements à Kherson, rapportait qu’elle aussi avait trouvé la porte fermée d’un abri dans lequel elle tentait de se réfugier avec des riverains. A Jytomyr, le 1er août, une classe maternelle n’avait pas pu de réfugier dans un abri au motif… qu’elle était locataire et ne payait pas de charges relatives à l’entretien de l’abri.
Dans un récent entretien accordé à Commons, le syndicat expliquait que « les étudiants sont des participants à part entière dans le processus [éducatif] et devraient jouer un rôle approprié dans la gestion des établissements universitaires»[1]. Signe de son développement, le syndicat va se doter d’un journal et annonce pour la fin de l’année la publication d’un manifeste. En août 2022, Katya Gritseva et Maksym Shumakov, deux étudiants ukrainiens, nous déclaraient « Il nous faut reconstruire en Ukraine un syndicat étudiant de gauche ». Cette perspective est devenue une réalité.
Échec à la spéculation immobilière
« L’année dernière, une entreprise de construction a annoncé bénéficier d’un contrat sur le territoire de l’Université nationale du théâtre, du cinéma et de la télévision de Kyiv. Le terrain à bâtir avait été cédé par l’université, en raison d’une dette artificielle créée par la direction passée de l’université. Le 6 octobre, les étudiants ont lancé une pétition pour l’annulation de la décision du conseil municipal de Kyiv de céder ce terrain. La pétition a été soutenue par le syndicat étudiant Action Directe. La décision a été ensuite contestée en justice et le 5 septembre de cette année, le tribunal a dû statuer sur sa validité. La veille du procès le syndicat étudiant Priama Diia (Action directe) déclarait : « Nous appelons les étudiants des universités de Kyiv et tous ceux qui s’en préoccupent (universités, collèges, instituts) à venir demain, mardi 5 septembre, à 16h30, à l’adresse suivante : 5, Velyka St., où se tiendra l’audience finale de l’affaire. » Le jour de l’audience, le 5 septembre, une centaine d’étudiants, avec des pancartes et de slogans, sont venus défendre leur droit à une éducation de qualité – et ont atteint leur objectif. L’opération des spéculateurs a été mise en échec par le tribunal. Le syndicat s’est félicité de la décision du tribunal : « Cette histoire prouve une fois de plus que l’action des étudiants est importante et que nous sommes capables de surmonter le système dans lequel nous nous trouvons. Merci à tous ceux qui sont venus à cette action ».
Comité de contrôle étudiant
« Les étudiants de l’école polytechnique de Lviv souffrent de l’inaction de l’administration universitaire. De nombreux bâtiments à Lviv ont été endommagés par des missiles ennemis le 6 juillet. Les résidents des dortoirs de l’université nationale polytechnique de Lviv n’ont pas eu non plus de chance : ils ont été privés d’une grande partie des fenêtres. Une solution temporaire au problème a consisté à les remplacer par des films et des feuilles de contreplaqué.
Malgré les assurances données par l’administration sur les médias sociaux selon lesquelles les travaux dans les dortoirs seraient terminés pour le 30 septembre, le problème n’est toujours pas résolu. La situation est exacerbée par une vague de froid intense, qui rend impossible la vie dans les dortoirs sans chauffage supplémentaire. À partir du 10 octobre, le Centre régional de météorologie de Lviv prévoit des gelées et une baisse de la température jusqu’à 0°C. Par conséquent, si aucune mesure urgente n’est prise pour installer des fenêtres, les locaux seront inhabitables. En réponse, nous lançons une campagne contre l’arbitraire de l’administration de l’école polytechnique de Lviv. Ensemble, nous avons réussi à créer le « Comité des étudiants du 11 octobre », qui est chargé d’auditer le processus d’installation des fenêtres et des portes. L’administration s’est engagée à rendre compte à cette structure. Le comité comprenait des résidents des dortoirs concernés, des étudiants et des représentants d’Action directe. La possibilité d’annuler les frais de dortoir pour la période où les conditions de vie ne sont pas satisfaisantes a également été discutée. Les représentants de l’administration ont assuré que les réparations seront effectuées progressivement et devraient être terminées d’ici le 7 novembre, et que le chauffage des dortoirs n°4 et n°10 sera mis en marche plus tôt. En cas de non-respect des promesses, le comité remobilisera les étudiants concernés pour une action de protestation. »
Depuis la presse s’est fait l’écho du remplacement des fenêtres organisé en toute hâte par l’administration universitaire. La télévision ukrainienne avait rendu compte de la situation à l’école polytechnique de Lviv en donnant la parole à deux représentantes du syndicat :
Des abris sûrs pour les étudiants !
« Dans un contexte de guerre, la question des conditions de sécurité des études dans les établissements d’enseignement et l’hébergement dans les dortoirs pour étudiants se pose avec une acuité particulière. Afin de protéger les étudiants et le personnel des effets dévastateurs de futurs bombardements, le gouvernement a proposé des recommandations sur la manière d’organiser des abris dans les établissements d’enseignement. Cependant, dans quelle mesure les administrations des universités ukrainiennes respectent-elles consciencieusement ces exigences et quel est l’état de nos abris ?
Nous lançons une campagne d’inspection des abris dans les bâtiments scolaires et les dortoirs afin d’attirer l’attention du public sur la situation réelle des mesures de sécurité et de créer un espace pour la lutte en faveur d’abris sûrs et confortables.
Pour ce faire, nous avons créé un canal où nous publierons des informations sur les résultats de l’audit, alors rejoignez-nous
Nous appelons tous ceux qui le souhaitent à participer – écrivez-nous sur l’état des abris dans vos universités/dortoirs en utilisant notre bot – @priama_dia_bot. Si vous êtes prêt à participer à la vérification, écrivez à @garriardo et rejoignez la campagne !
D’ores et déjà le syndicat a contrôlé un abri
Le 26 septembre, nos militants ont visité l’université nationale de médecine vétérinaire et de biotechnologie S. Z. Hzhytskyi Lviv, située presque au centre de Lviv. Sur la base des résultats de l’inspection nous avons constaté que :
- Les abris sont signalés par des panneaux et des inscriptions.
- L’entrée est étroite, les portes sont petites, il sera difficile pour plusieurs personnes d’entrer à l’intérieur en même temps.
- Pas d’équipement d’extinction d’incendie.
- L’abri n’est pas étanche, il y a des fissures, aucune ventilation n’est disponible.
- Aucun éclairage n’est disponible.
- Toilettes et robinets d’eau non trouvés.
- y a des chaises pour s’asseoir, mais il n’y a pas de réservoirs à déchets, de conteneurs à nourriture, d’équipement médical ou de moyens de communication.
Conclusion : l’abri de cette université ressemble plus à une catacombe qu’à un havre de paix lors des attaques de roquettes. »