L’article ci-dessous est paru sur le site Syndicalistes! Il analyse la fonction du droit dans le combat syndical (sans le survaloriser ni le sousestimer) et propose que chaque Union départementale (CGT) finance « un juriste à temps plein » avec les cotisations versées.
Syndicalistes !
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Pour un sursaut syndical sur le terrain du droit – Action juridique #1
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Défense individuelle face à l’employeur, droit syndical, droit des élections professionnelles, droit de la négociation collective, droit social (sécurité sociale, assurance-chômage)… autant de champs du droit qui enserrent les salarié·es. Le syndicalisme de lutte s’est doté de moyens pour agir sur ce domaine. Mais ne faudrait-il pas aujourd’hui se pencher de nouveau sur la question ?
Les moyens d’action juridique existent à tous les niveaux des organisations syndicales. Mais on peut déplorer deux choses. Le manque de cohésion d’abord, l’absence d’un squelette qui structure solidement l’ensemble. Et aussi l’absence de compréhension de la défense du droit comme devant être un des piliers d’une organisation syndicale, et donc des droits, alors même que nos organisations syndicales s’insurgent contre la destruction d’acquis du Code du travail et du statut des fonctionnaires.
Le chantier est immense, mais il peut être un sujet permettant notamment aux syndicats de base et aux unions locales d’être vraiment parties prenantes d’un débat stratégique. Car, comme pour bien d’autres sujets, celui-ci est lié à d’autres questions de très grande importance (structuration syndicale, déserts syndicaux, culture syndicaliste d’organisation, indépendance financière, etc.).
Au plus proche des équipes syndicales des syndicats et des unions locales, on peut se trouver dans deux situations. Celle, la plus favorable, où on est inséré·es dans un « collectif juridique » et/ou on dispose des relais pour l’activité juridique quotidienne. Et celle où, au contraire, on est incapables de répondre, ou en difficulté pour le faire, à des questions urgentes.
De toute façon, que ce soit dans l’une ou l’autre des situations, et la seconde ne devrait pas exister, il manque, même à la première, aujourd’hui, une conscience commune du sens de l’action juridique. Ce qui se traduit par soit une survalorisation de cette action, parce qu’on est en difficulté sur l’action revendicative et sur la construction syndicale. Ce peut être le cas dans de trop nombreuses unions locales, mais aussi dans des syndicats sur des lieux de travail qui ne sont en fait que des syndicats d’élu·es du personnel. Mais cela se traduit aussi par une sous-valorisation de l’action juridique, qui est laissée « à l’abandon », ou presque.
Prendre à bras le corps la question de l’action juridique, à tous les niveaux, c’est lui donner une place qui évite les deux écueils évoqués ci-dessus. Ni trop, ni trop peu. Mais une vraie place. Ce qui suppose de lui donner une vraie dimension dans la « stratégie syndicale », dans le « modèle syndical » débattu et adopté en commun.
À cet égard, disposer de moyens d’action juridique au plus près des structures de proximité que sont les syndicats et les unions interprofessionnelles (départementales et locales) est incontournable. Des moyens qui ne devraient dépendre, en très grande majorité, que de l’organisation syndicale. Il y a, bien entendu, toutes et tous les militant·es qui agissent sur la question (conseillers et conseillères prudhommes, défenseur·es syndicaux et syndicales, militant·es des syndicats qui ont acquis savoirs et savoir-faire, etc.). Mais cela ne suffit pas. Auprès de ces structures de proximité, il faut des juristes qualifié·es, c’est-à-dire avec une formation juridique minimale. Des juristes salarié·es, et donc sous le contrôle collectif de l’organisation syndicale. Et même plus, pourquoi pas, en cohérence le rôle de pilier stratégique attribué à l’action juridique, des juristes considéré·es comme mandaté·es par l’organisation, dont le mandat serait donc non pas seulement vu comme « technique », mais bien comme « politique ». Être donc aussi des animateurs et animatrices (ce qui veut dire qu’il y en aurait au moins un·e dans chaque département) du réseau local des militant·es ayant une action dans le domaine juridique.
Avec une campagne de débat et d’explication internes, il est tout à fait possible de financer, par les seules cotisations syndicales, au moins un·e telle juriste à temps plein dans chaque Union départementale de la CGT par exemple. Le montant supplémentaire de la cotisation syndicale (dont les deux tiers sont remboursés par l’administration des impôts, ne l’oublions pas) nécessaire à cette ambition aurait des résultats visibles très concrets pour chaque adhérent·e sur les territoires.
Oui, on sait, cette idée présente plein de difficultés de mise en œuvre. Il est facile d’en faire la liste. Il est toujours facile de faire la liste des « raisons » pour lesquelles « ça ne peut pas marcher ». C’est effectivement toujours plus facile de continuer comme on est, que rien de change. D’ailleurs, puisque le syndicalisme de luttes se porte si bien, pourquoi vouloir y changer quoi que ce soit ?