Le Collectif ou espace commun « Nos droits contre leurs privilèges », constitué à l’initiative d’Attac, et comprenant plusieurs syndicats et associations de luttes, inscrit son action dans le contexte électoral mais se refuse à interpeller les candidatures et les forces politiques. Nous avons demandé à plusieurs organisations les raisons de ce choix. Nous publierons les réponses au fur et à mesure.
Voici les deux questions posées :
1- L’espace commun (Nos droits contre leurs privilèges) a été fondé sur la base d’une « réflexion sur la période électorale » rendant parfois peu « visibles » les mouvements sociaux, avec « une difficulté à se faire entendre » dans ce contexte (extraits du compte rendu de la première réunion). Etait ajoutée l’idée que « l’interpellation des candidatures » ou des politiques en général « n’est plus à l’ordre du jour ». Pour quelle raison ne serait-ce plus à l’ordre du jour ? Bien sûr, certaines façons de procéder dans le passé peuvent apparaitre peu efficaces, peu visibles, répétitives, peu originales, formelles, etc. Mais sur le fond, le mouvement social n’est-il pas porteur d’exigences et réflexions « politiques » au sens fort du terme, face auxquelles celles et ceux qui prétendent gouverner le pays devraient se positionner pour éclairer le débat public ? N’est-ce pas une exigence normale de la démocratie ? Est-ce que les réponses à ces problèmes doivent rester l’apanage des « politiques », avec d’un côté ceux qui revendiquent, et qui agissent par la lutte (les mouvements sociaux), et de l’autre ceux qui proposent des solutions générales (les forces politiques) ?
2- Est-ce que l’Appel ne doit pas être adressé à tous les syndicats au plan national comme à leurs structures professionnelles ?
La réponse d’Aurélien Boudon pour l’Union syndicale Solidaires :
1. Pour Solidaires, il est acquis que le changement ne passera pas par les élections. Nous n’attendons rien d’un homme providentiel qui n’a jamais travaillé de sa vie. C’est pourquoi nous pensons qu’il est primordial de continuer à faire entendre la voix des organisations syndicales comme des autres organisations du mouvement social durant cette période. Traditionnellement l’espace public et médiatique est occupé jusqu’à saturation par l’élection présidentielle. Or, nos revendications restent entières et nous refusons de nous taire durant cette période pour y assister en spectateurs et spectatrices.
Le refus de l’interpellation est pour nous une manière de marquer notre autonomie. Nous ne souhaitons pas demander aux différents candidats ce qu’ils pensent de nos propositions pour ensuite choisir le plus proche de nous. Personne n’a oublié qu’en 2010, en pleine grève nationale contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy, le Parti Socialiste faisait campagne pour la retraite à 60 ans. Une fois élu, Hollande s’est empressé de faire une nouvelle réforme des retraites qui n’allait pas exactement dans le bon sens.
Ce que nous souhaitons c’est continuer à faire entendre nos revendications avec force car elles restent légitimes et lutter pour les faire accepter.
Alors que pendant des mois, quelques professionnels de la politique qui en vivent depuis des dizaines d’années vont multiplier les propositions qui toucheront concrètement le quotidien de dizaines de millions de personnes, nous considérons que c’est plutôt à nous de nous exprimer sur ces mesures plutôt qu’aux candidats de commenter nos revendications. Nos propositions sont connues et publiques. Nous avons d’ailleurs édité un cahier revendicatif qui les regroupe. Il n’y a donc aucun partage des tâches pour nous entre celles et ceux qui luttent et celles et ceux qui proposent : nous avons des propositions mais nous savons que la lutte est indispensable pour les faire appliquer.
Partage des richesses, fraude fiscale, racisme, sexisme : les sujets sur lesquels nous comptons bien nous faire entendre sont nombreux !
2. Effectivement, toutes les organisations du mouvement social qui pensent qu’il ne faut pas mettre un couvercle sur les revendications des travailleurs et travailleuses de ce pays car on est en période de campagne électorale ont leur place dans cette campagne. Plusieurs organisations de la CGT ont d’ailleurs participé aux réunions préalables au lancement de l’appel. Il ne s’agit donc pas d’une volonté de limiter le cadre et la participation d’autres organisations syndicales en plus de celles déjà signataires (Solidaires mais également FSU, CNT-SO, Syndicat de la magistrature, Confédération paysanne…) serait une excellente nouvelle. Cela permettrait d’entamer une nouvelle dynamique unitaire dont nous risquons d’avoir très rapidement besoin tant les attaques risquent de continuer à être extrêmement violentes.