« Quel avenir pour le syndicalisme? Peut-il rebondir?« : sous cet intitulé un atelier-débat a eu lieu à l’Université d’automne du mouvement Ensemble! le 31 octobre 2017. Il était introduit par un document de réflexion de Karel Yon (sociologue, CNRS), suivi des interventions de Marie Buisson, secrétaire générale de la FERC CGT (fédération éducation, recherche, culture) et de Véronique Ponvert (représentant le courant Ecole Emancipée au secrétariat de la FSU). Etait excusé Théo Roumier, du comité de rédaction de la revue Les Utopiques, éditée par l’Union syndicale Solidaires. Ci-dessous le texte introductif et les interventions liminaires.
Questions pour la table-ronde à l’UDA Ensemble!
Karel Yon, sociologue, 23 oct. 2017
« Quel avenir pour le syndicalisme ? Peut-il rebondir ? »
Difficile de s’interroger sur les capacités de rebond et l’avenir du syndicalisme sans partir des mobilisations en cours contre les ordonnances Macron. Or, la dernière journée en date de mobilisation, celle du 19 octobre, a laissé nombre de militants et d’observateurs circonspects, la faible mobilisation constatée à cette occasion venant confirmer des craintes formulées en amont sur la pertinence de cette journée d’action.
Les mobilisations en cours permettent de soulever les enjeux liés à trois questions cruciales autour desquelles nous voulions orienter le débat.
1) La question de l’unité syndicale
La dernière journée d’action, appelée seulement par la CGT et Solidaires, après l’échec de la rencontre intersyndicale du 9 octobre, a donné à voir un front syndical qui reste divisé, alors même que de nombreux signaux avaient laissé penser que la situation allait évoluer. Le désaveu du bureau confédéral FO par le CCN n’a pas changé la donne, ni la distance critique de plus en plus affirmée de la CFDT vis-à-vis du nouveau pouvoir, ni l’évolution encore plus marquée en en ce sens de la CFE-CGC, ni même l’unité exceptionnelle réalisée le 10 octobre : une partie des syndicats rejettent par principe, d’autres par opportunité, la participation aux journées d’action contre les ordonnances. Il y a sans doute des appréciations de la conjoncture où se combinent le bilan de l’an dernier et l’évaluation des chances de peser cette année, mais il y a aussi à mon avis des facteurs plus structurels qui entretiennent cette situation de division. De ce point de vue je me demande en quoi le dernier appel de la CGT et de Solidaires au 19 oct. ne relève pas de la simple tactique identitaire ? Je ne rejette pas dans l’absolu l’intérêt de ces débats de tactique, car le mouvement syndical est organisé en France sous la forme d’un « espace public salarial » et il a besoin de ces controverses publiques. En effet, les effectifs modestes des organisations font que les arènes de confrontation avec les salariés, celles qui mettent la représentativité des syndicats à l’épreuve, se situent souvent ailleurs que dans les organisations : au cours des élections professionnelles, au sein des prud’hommes ou dans la rue… Mais le risque est grand, dans un contexte de faible mobilisation, que ce débat ne soit plus tant un dialogue effectif avec les « travailleurs conscients » qu’un dialogue de sourds entre représentants syndicaux cherchant uniquement à se démarquer les uns des autres. Tout se passe en effet comme si l’enjeu n’était finalement pas tant de gagner ou de peser sur les réformes que de prendre à partie « l’opinion » salariale afin de conforter (ou de recentrer) son image comme l’organisation la plus « réformiste » ou a contrario la plus résolue dans la contestation. La structure du champ syndical étant telle dans notre pays, s’il n’y a pas de volonté consciente de la part des OS de contenir ces logiques de concurrence intersyndicale, c’est la logique du chacun pour soi qui revient au galop avec ses effets délétères. Sur ce plan structurel, je m’interroge sur l’influence des nouvelles règles de représentativité. Dans quelle mesure le bilan des deux cycles d’élections, marquées à la fois par le dépassement de la CGT par la CFDT et par la percée de la CGC et de l’UNSA, pèse-t-il sur ces stratégies, en particulier du côté de la CGT, de FO ou de Solidaires ? Si oui, ne faudrait-il pas s’en libérer et, dans ce cas, comment ?
(mon opinion : c’est une erreur de croire qu’une politique de communication permettra d’inverser la tendance dans les élections professionnelles ; ce qui est crucial sur le court terme, c’est une politique de développement et de suivi systématique des élections. Et ce qu’il faudrait à plus long terme c’est une nouvelle réforme des règles de la représentativité syndicale qui détache la reconnaissance des confédérations des scrutins d’entreprise)
Sur un plan plus conjoncturel, si l’on considère que l’enjeu est de réussir à faire la démonstration que la mobilisation interprofessionnelle peut déboucher sur des résultats, y aurait-il des marges de manœuvre pour une approche plus pragmatique de l’unité syndicale ? Par exemple en envisageant un appel à mobilisation plus large, mais recentré sur certains aspects des réformes ?
(ce qui de mon point de vue n’empêcherait pas une démarche de rassemblement sur un cap stratégique plus ambitieux, cf. ci-dessous)
2) La question des rapports entre champs syndical et politique
Fait nouveau par rapport aux mobilisations contre la loi Travail de l’an dernier : le centre de gravité de la gauche s’est clairement déplacé du côté de l’opposition aux politiques néolibérales, et la contestation est portée par une nouvelle force politique, la France insoumise, qui bénéficie d’une indéniable dynamique et s’est autorisée à prendre des initiatives sur le terrain social. On l’a vu avec la marche qui a réuni un nombre considérable de manifestants et la proposition de JL Mélenchon, à l’issue de ce rassemblement, d’une nouvelle marche, en lien avec les syndicats cette fois. Mais loin de nourrir un processus de convergence des luttes, cette mobilisation politique contre Macron a été essentiellement décrite comme concurrente de la mobilisation syndicale. Et de fait, tant les syndicats que les animateurs de la FI, Mélenchon en premier lieu, ont contribué à valider cette lecture. Les propos les plus récents de JLM en sont une illustration. Mais en termes de timing des mobilisations, on peut aussi s’interroger sur l’attitude des OS et la pertinence d’appeler à une journée d’action le jeudi précédant la marche, prêtant le flanc à une lecture en termes non seulement de concurrence entre syndicats et forces politiques, mais surtout de fléchissement de la mobilisation. Le cadrage médiatique aurait été très différent si à la journée du 12 septembre avait succédé la marche du samedi 23: les médias en auraient conclu à la montée en puissance de la protestation. A l’heure où les manifestations sont autant de rue que « de papier », ces questions sont essentielles pour couper court aux discours démobilisateurs.
Il y a une difficulté supplémentaire liée au fait que la FI prétend sortir du logiciel politique traditionnel en refusant de se définir comme une force politique de gauche, de classe, entrant dans des relations unitaires avec les autres partis politiques. Tout en étant le catalyseur d’une part de la mobilisation, la FI empêche un schéma de mobilisation politico-syndicale de type Front populaire… Même si la réalité empirique, sociologique des acteurs de ce mouvement laisse profondément douter de la pertinence de cette présentation de soi comme un mouvement « gazeux » et populiste, on pourrait aussi saisir cette difficulté pour la retourner en opportunité. FI se veut hors des schémas anciens, très bien, donc le risque d’une rechute dans les rapports de dépendance du siècle dernier est derrière nous ! Le fait que la FI se permette de prendre des initiatives sur le terrain social en rejetant le schéma ancien de la division du travail entre syndicats et partis participe d’un dépassement de ces représentations. Est-ce que ça ne crée pas une situation permettant aux directions des syndicats d’envisager à leur tour des initiatives sur le terrain politique, sans s’autocensurer ? De traiter avec les forces politiques d’égal à égal ?
(mon opinion : le brouillage du clivage gauche/droite occasionné par le rapt macronien est l’occasion de reconstruire ce clivage sur une base de classe, c’est-à-dire de retracer une frontière dans le champ social et politique séparant les forces qui, au nom de la « rénovation du modèle social français », cherchent à liquider les institutions anticapitalistes du salariat (Friot), des autres qui entendent les préserver ; sans passer par une délimitation théorique délicate, il pourrait s’agir de passer par une réactivation de l’horizon de « démocratie économique et sociale » proclamé à la Libération en constituant un vaste collectif de défense, promotion et reconquête de cet objectif ; de mon point de vue, l’articulation entre des fronts syndicaux unitaires larges pour des journées d’action sur des points spécifiques de la réforme et une coalition politico-syndicale reliant acteurs associatifs, culturels, syndicaux et politiques pour la reconquête de la démocratie économique et sociale serait la meilleure configuration)
3) La question de la capacité des syndicats à représenter le monde du travail dans sa diversité
L’inquiétude qui se fait jour sur les faibles chances du mouvement en cours de triompher tient aussi au fait qu’il agit comme un révélateur des inégalités qui traversent le monde du travail et des disparités d’implantation qui fragilisent les syndicats. On voit en effet se mobiliser (et gagner cf. routiers, dockers…) les corporations syndicales à l’ancienne, mais le mouvement ne semble pas prendre pour le moment auprès des secteurs les plus directement concernés par la précarisation promise, dans le privé (commerce et services) et certaines franges du salariat (les plus jeunes). De ce point de vue, même la marche de FI mais aussi les manifs fonction publique du 10 octobre étaient nettement plus jeunes que les journées d’action syndicales interpro.
Alors que la jeunesse scolarisée a joué un rôle central dans les mobilisations contre la précarisation du travail depuis 20 ans, on ne voit encore rien venir en cet automne du côté des facs et des lycées, ce qui renvoie sans doute au contrecoup des crises de la gauche politique, aux transformations structurelles du milieu universitaire (autonomie des établissements et mobilités étudiantes accrues) et à l’affaiblissement des structures militantes sur les campus, consécutif à tout cela. C’était déjà visible l’an dernier, mais le mouvement a su profiter d’un effet de cadrage médiatique en termes de « CPE bis » qui a suffisamment effrayé le gouvernement pour lui faire céder du lest auprès des organisations de jeunesse.
Du côté du salariat, dans les secteurs plus précaires et moins organisés, la participation est faible également. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de mobilisations, mais elles sont surtout orientées vers des enjeux spécifiques et sectoriels.
Tout cela pose la question cruciale pour l’avenir du mouvement syndical de sa capacité à s’implanter au-delà de ses bastions, au sein des plus petits établissements et auprès des travailleurs les plus précaires. Il ne faut pas dramatiser la faible représentativité des syndicats, car de nombreuses enquêtes ont montré que les syndicats rayonnaient bien au-delà de leurs adhérents. Il n’empêche qu’il y a bien un double problème révélé par les enquêtes de la DARES (mais ce double problème se recoupe en partie), celui de la représentation des jeunes salariés et celui de la représentation des travailleurs précaires.
La question des jeunes mais aussi des précaires est de fait aujourd’hui préemptée par les organisations de jeunesse, comme l’a illustré la dynamique de la mobilisation de l’an dernier. Ce qui impose sans doute aujourd’hui de réfléchir à des solutions qui passent par une collaboration plus étroite avec ces organisations. Qu’en est-il des relations entre OS et organisations de jeunesse aujourd’hui ? L’existence d’une organisation comme Solidaires étudiants est-elle un point d’appui ou un obstacle pour s’adresser largement aux jeunes ? Quoi qu’il en soit, pour ce qui concerne la situation des jeunes travailleurs et des travailleurs précaires, l’apport des organisations de jeunesse est faible. Quelles initiatives, y compris intersyndicales, pourraient-elles être prises pour le développement de l’implantation syndicale en direction de ces travailleurs ?
(mon opinion : les OS ne peuvent plus faire l’économie d’une véritable politique de développement syndical, ce qui suppose de développer une expertise réelle sur le sujet ; il y a beaucoup de craintes et de fantasmes autour de cette question, avec l’épouvantail du développement à la sauce « commercial CFDT », mais aussi un rapport à la syndicalisation qui laisse penser que les salariés viennent adhérer d’eux-mêmes (quand ils « prennent conscience » de leurs intérêts) ; sauf que pour leur donner l’opportunité de décider d’adhérer, il faut d’abord qu’ils aient l’occasion de rencontrer un syndicat et ensuite que ce syndicat leur donne l’impression de pouvoir leur ressembler ou a minima de s’adresser à eux, d’être ouvert à leurs préoccupations…)
Pour conclure : le syndicalisme de transformation sociale a-t-il une stratégie ?
Au-delà des interrogations spécifiques que suscitent ces questions, il me semble qu’elles pointent un enjeu transversal et plus fondamental encore, celui de l’orientation stratégique du mouvement syndical. Quelle est la vision stratégique du mouvement syndical aujourd’hui ? Il me semble que les dirigeants de la CFDT ont une stratégie (même si elle est en partie contrariée par les mesures de Macron). Mais qu’en est-il du syndicalisme de transformation sociale ? Tant par rapport à l’enjeu immédiat de lutte contre les ordonnances que par rapport à ces enjeux de moyen terme que sont le rapport au champ politique et au monde du travail ?
Agir stratégiquement signifie agir hors du champ de vision de l’ennemi : cela signifie gagner le contrôle du temps, mais cela suppose aussi un minimum d’unité de volonté pour distinguer le camp des alliés de celui de l’ennemi. Ce qui n’est pas évident dans un contexte de divisions intersyndicales et intrasyndicales. Le syndicalisme peut-il regagner le contrôle du temps s’il reste confiné au champ des relations professionnelles et à son calendrier de « dialogue social » qui est tour à tour dicté par le gouvernement et par les décisions de gestion des employeurs ? Comment faire pour sortir de cette situation ? L’appel à la « grève générale reconductible » donne-t-il un cap stratégique satisfaisant ? C’est à mon avis plutôt le révélateur d’un vide stratégique : il oppose au présent permanent du dialogue social une espèce d’attente millénariste du soulèvement d’ensemble. N’y a-t-il pas sur le plan des formes protestataires des réflexions à engager autour de la pratique des blocages, des occupations de place et des mobilisations digitales, qui pointent vers la notion de « grève sociale » ?
À défaut d’assumer la transgression des frontières symboliques entre les champs politique et syndical, le syndicats de transformation sociale resteront à mon avis pris au piège de deux options également perdantes : soit une stratégie centrée sur le seul champ des relations professionnelles où les syndicats sont structurellement dominées par la convergence d’intérêts entre Etat et patronat (stratégie qui peut être payante pour le dialogue social, mais pas pour la transformation sociale), soit une stratégie « syndicaliste révolutionnaire » prétendant court-circuiter le champ politique (alors que les développements politiques des dernières années, en France comme dans le reste du monde, ont plutôt montré que la révolte sociale ne peut ignorer le champ politique et doit plutôt viser à le reconfigurer profondément).
- Télécharger intervention de Marie Buisson, secrétaire générale FERC CGT :Université Ensemble – Intervention Marie Buisson
Thème du débat : Quel avenir pour le syndicalisme ? Peut-il rebondir ?
La CGT a été secouée plusieurs fois ces dernières années par des crises, l’arrivée de Philippe Martinez au secrétariat général est en partie liée à ces crises, il s’est, à mon avis, donné le mandat de les dépasser. De ce point de vue, le constat est globalement positif. Il a sorti la CGT de la crise de direction de l’affaire Le Paon. Il a réussi à la réunifier en grande partie comme l’a acté le 51ème congrès mais surtout la lutte de 2016 contre la loi El Khomri et les mobilisations contre la loi travail de la rentrée. Il a réussi à réactiver assez largement le sentiment d’appartenance syndicale et la reconnaissance de la CGT comme outil de lutte contre les régressions sociales. Si ce constat n’est pas unanime, il me semble aujourd’hui assez largement partagé dans la CGT.
Cette réussite était nécessaire mais elle n’est évidemment pas suffisante. L’outil syndical peut continuer à fonctionner mais pour quoi faire ? C’est la question du projet de transformation sociale qui est posée… La CGT est sûrement en partie prisonnière de ce qui fait sa force : 120 ans d’histoire du mouvement ouvrier, avec ses victoires et sa capacité à créer des collectifs militants de débat et d’action. Mais c’est aussi un appareil lourd de ses structures territoriales et professionnelles, c’est un poids qui peut freiner les évolutions nécessaires mais aussi un ancrage qui lui a permis de résister à 2 guerres mondiales. Lourd aussi de son histoire politique qui en a fait la « courroie de transmission » du parti communiste et de son histoire sociale, dont le fameux «il faut savoir arrêter une grève, lorsque l’on a obtenu satisfaction » de Thorez en 36, dont nous pourrions débattre des heures encore aujourd’hui… Elle apparaît encore pour certain.es comme emblématique du risque de « bureaucratisation syndicale ».
Pourtant aujourd’hui, me semble-t-il, l’analyse majoritaire dans la CGT est qu’il faut refonder le projet de transformation sociale, offrir des perspectives aux slarié.es, privé.es d’emploi et de droit, aux jeunes… Et si l’on n’est pas un syndicat bureaucratique ou une courroie de transmission, il faut le faire avec eux ! C’est évidemment là que ça se complique ! D’abord parce que si cette idée est largement partagée, elle rencontre des résistances à la fois de la part des plus révolutionnaires qui y voient une façon de botter en touche sur la question de la grève générale illimitée mais aussi par les plus réformistes qui craignent d’y perdre leur capacité à grignoter ou bloquer à la marge les réformes libérales.
Ouvrir le débat, donner la parole aux syndiqué.es, mais aussi aux salarié.es (et au-delà) nécessite déjà de se rapprocher des syndicats de la CGT et de ses syndiqué.es (ce n’est pas toute la population, on connaît les limites des organisations syndicales dans les petites structures, chez les jeunes, les précaires, etc…). Le travail minutieux en interne d’un certain nombre de structures de la CGT, les débats sur les outils, la syndicalisation, la récente intégration de plusieurs collectifs de livreur.es de Deliveroo, les contacts permanents et volontaristes avec l’UNEF, l’UNL en sont un des signes, impulsés par la direction confédérale.
L’autre aspect pourrait sembler anecdotique mais il ne l’est pas, à mon avis. Les crises internes du TCE et de l’affaire Le Paon ont été emblématiques d’une distance de la direction confédérale avec ses bases syndicales. Le CCN a dû dans les 2 cas imposer une inflexion à la ligne politique et désavouer plus ou moins visiblement la direction confédérale. Le projet de Philippe Martinez, arrivé à la direction par la volonté du CCN, est de renouer ce lien. On peut y voir une habileté politique mais c’est aussi, à mon avis, le cœur de son projet pour la CGT et c’est le sens des centaines de « visites de syndicat » effectués pendant la préparation du 50ème congrès mais largement poursuivies depuis (1 à 2 chaque semaine !). Pour en avoir suivi quelques-unes, celles-ci n’ont pas grand-chose à voir avec les échanges plus feutrés des réunions à Montreuil avec les directions syndicales. Chaque déplacement dans une UD est doublé d’une rencontre dans une entreprise ou un établissement, les repas y sont pris à la cantine avec les salarié.es pour permettre les discussions. On peut aussi se rappeler de la participation de Philippe Martinez à « Nuit debout », ce n’était ni forcément très simple, ni culturellement très CGT, toutes les organisations syndicales ne l’ont pas fait… L’inscription dans la durée de cette volonté la rend plus profonde mais aussi plus modélisante pour tout le syndicat.
La stratégie confédérale de ces derniers mois doit aussi se lire à l’aune de ce projet : se faire l’écho des propos recueillis auprès des syndiqué.es, accompagner et appuyer les luttes locales, ne pas croire que les salarié.es attendent le signal pour entrer en grève reconductible mais ouvrir des perspectives de lutte en s’appuyant sur les mobilisations et les victoires locales.
Evidemment cette stratégie ou cette volonté ne peuvent se porter dans la CGT et pour la CGT en excluant toutes les questions de construction du front syndical et plus largement d’un front de lutte incluant les partis politiques, les associations, les organisations de jeunesse… Ces débats sont assez compliqués pour diverses raisons, je ne reviendrai pas sur l’intro de Karel et l’état problématique du front intersyndical. Pour le dire vite, la CGT rassemble aujourd’hui des militant.es issus de l’ensemble des forces de la gauche de la gauche, de Gérard Filoche à des courants anarcho-syndicalistes, aucun n’est dominant seul et ne peut se suffire à lui-même dans la CGT. Il semble difficile de s’appuyer sur les perspectives politiques unitaires à gauche, qui semblent bien floues… Il me semble qu’il y a aussi pour un certain nombre de militant.es la crainte de se voir renvoyer à l’ancien monde politique de la droite et de la gauche et de ses partis politiques bien mis à mal par la campagne de Macron et les taux d’abstention des législatives qui ont suivi son élection. Inventer un autre syndicalisme, sans perdre la force d’une histoire de lutte n’est pas seulement un choix…
La difficulté est que cette même histoire nous prouve que le seul moyen d’accélérer les processus, de ramener toute une classe sociale dans le débat et dans l’action, c’est la lutte. Il me semble qu’en poussant à la construction du mouvement contre la loi El Khomri, puis contre la loi travail XXL c’est bien ce qu’essaie de porter la CGT. Certes ces appels se font aussi en fonction d’équilibres internes et de discussions compliquées mais la volonté d’ouvrir des perspectives de lutte est bien présente.
Enfin et pour conclure, j’ai eu la chance d’être formée au syndicalisme par des militant.es fondamentalement convaincus de la nécessité d’enclencher des processus d’unification syndicale. J’ai eu l’occasion d’essayer d’y œuvrer à ma petite échelle avec des militant.es du SNES ou de SUD Educ. Les énormes difficultés à débattre de ces questions dans la CGT sont assez décourageantes. Il en va de même pour les difficultés à mener les débats avec les autres organisations syndicales… Les reculs au moment des élections professionnelles ou après les congrès ont un peu douché mon jeune enthousiasme militant. Pourtant dans la CGT, comme dans l’ensemble des organisations syndicales et politiques, le risque de repli sur soi est toujours présent, peut-être plus encore dans une CGT forte de ses 600.000 adhérent.es. Sortir d’une concurrence savamment orchestrée par les pouvoirs politiques et économiques, s’obliger à interroger nos structures et nos modes d’organisation sans tabou est plus que jamais une nécessité pour offrir de nouvelles perspectives…même si, d’où je me trouve aujourd’hui la route paraît bien longue !
Intervention de conclusion :
Juste quelques réponses et quelques remarques. J’ai noté dans les débats deux absences. Personne ou presque n’a mentionné FO (sauf pour évoquer le changement d’orientation de Mailly), pourtant les syndicats de FO sont présents dans tous les secteurs et construisent assez régulièrement des fronts de lutte avec la CGT.
Deuxième absence, c’est ce que les syndicalistes appellent la double besogne, c’est-à-dire la nécessité de mener la bagarre globale pour dénoncer le libéralisme et proposer un autre fonctionnement économique et social mais en même temps de défendre les salarié.es au quotidien, de les accompagner. Cette partie de l’activité prend beaucoup de temps et d’énergie militante mais elle est indispensable. Sans cette articulation nous syndiquerions uniquement les salarié.es conscients du rapport de classe, le projet est bien plutôt de permettre aux salarié.es de devenir militant en se formant, en débattant collectivement.
Quelques réponses, j’entends les critiques sur les journées de mobilisation « saute-mouton », toutefois il me semble que la CGT a pris ses responsabilités en appelant au 12 septembre, malgré l’éclatement du front intersyndical cet été, la date du 21 septembre, annoncée avant le 12 permettait de construire les mobilisations, y compris par la reconduction de la grève. J’imagine la teneur de nos débats si la CGT n’avait appelé à rien avant l’appel Fonction Publique du 10 octobre ou l’appel large du 16 novembre… Pour ma part, je milite dans un secteur professionnel où les taux de grévistes lors des journées interpro n’ont pas dépassés 5%, difficile pour moi de défendre un appel à la grève générale illimitée. C’est aussi pour ça que j’apprécie cette activité syndicale, elle m’oblige en permanence à confronter mes analyses « à froid » avec les avis, le sentiment de mes collègues…
L’appel CGT du 21 septembre n’a pas été conçu comme un contre-feu à l’appel du 23 de la France Insoumise, il est un peu difficile de demander au syndicalisme de faire aboutir les débats politiques qui n’aboutissent pas entre les organisations politiques, non ?!
- Télécharger intervention de Véronique Ponvert, représentant l’Ecole Emancipée au secrétariat FSU : interv UDA Ensemble.2
Introduction :
Alors que nous sommes dans un contexte de mobilisation (contre les ordonnances), on peut faire le constat que le syndicalisme est en difficulté : il est divisé, voire éparpillé ; et il n’est pas en lien avec le salariat (les journées d’action des 12-21 septembre et 19 octobre n’ont pas fait le plein). Les questions sont nombreuses : notre syndicalisme, dont la finalité est la transformation sociale, doit définir une stratégie syndicale. Il semble qu’on agisse au coup par coup en absence, depuis l’élection de Macron, de stratégie et de vision globale…
– l’unité syndicale aujourd’hui
- L’unité syndicale se définit à travers 2 axes que la FSU n’oppose pas : l’unité d’action (ponctuelle) et l’unité d’orientation (pérenne). L’unité la plus large possible est à rechercher pour mener à bien les actions : cela permet d’avoir du poids auprès des salarié-es et du gouvernement, c’est un facteur de réussite, et un argument qui pèse sur les médias aussi. En ce qui concerne l’orientation : l’unité se fait au sein des organisations syndicales (OS) de lutte et de transformation sociale. Mais ce périmètre reste ouvert à tous-tes ceux-celles qui se réclament de cette orientation, il n’est pas figé. Concrètement : depuis la rentrée, l’intersyndicale Fonction Publique (FP) est réunie (unité des 9 OS concernées) autour de revendications précises et conjoncturelles (posture défensive). Il y a accord sur toute la plateforme, et volonté de toutes les OS de taire les divergences (ex : PPCR dans la FP, loi Travail dans l’interpro).
- Pour ce qui est de l’unité dans l’interpro : les orientations sont trop divergentes, voire contradictoires, pour qu’il y ait accord (les projets syndicaux sont différents : la CFDT et l’UNSA « réformistes » misent sur le rôle du dialogue social avant le mouvement social (ou à la place..). Les orientations sont figées (théorie des 2 camps syndicaux opposés : réformistes versus contestataires) par les dossiers du dernier quinquennat : ANI, CICE, loi El Khomri (les plus criants). Les positions clivantes sont assumées de part et d’autre, sauf pour la FSU qui essaie plus que d’autres OS de jouer l’unité. D’où sa position d’équilibriste après l’interpro du 24 octobre, où elle n’est dans aucun « camp » (elle n’appelle donc pas, au sortir de l’interpro, au 16 novembre, elle s’y « associera » quelques jours plus tard), pour préserver l’unité dans la FP (la réunion intersyndicale FP ayant lieu deux jours plus tard).
- Interpro 2016 (El Khomri) : la FSU a joué un rôle important dans le maintien de l’unité de l’intersyndicale, malgré ses faibles capacités de mobilisation. Cette unité s’inscrit dans la durée, dans le rythme des mobilisations, et cela malgré les divergences (avec FO, c’est compliqué). Cette intersyndicale a pesé face au gouvernement, elle n’a pas déçu non plus les militant-es. C’est un élément important pour l’avenir du syndicalisme (qui nous semblait déterminant à l’époque).
- Quant à l’unité du syndicalisme de transformation sociale : nous avons la volonté d’en faire un cadre pérenne, un outil syndical permanent (avec Solidaires et CGT) pour aborder les luttes et contruire un front commun d’opposition. Première tentative de la FSU, en 2001, avec la mise en place des CLUI (comité de liaison unitaire interprofessionnel), mais ça ne prend pas ; l’espoir revient pendant la lutte contre loi El Khomri, mais c’est une occasion gâchée, car l’intersyndicale ne donne lieu à aucune suite au travail entamé, malgré le chantier proposé par la FSU « c’est quoi ce travail », investi pas l’intersyndicale mais pas relayé sur le terrain… Ce cadre pérenne, cet outil syndical n’est en réalité pas porté, par aucune OS : pour la CGT, il semble que ce n’est pas sa priorité (rôle de FO comme partenaire privilégié ?), pour Solidaires, ce n’est pas son projet syndical (projet au départ identitaire, en train d’évoluer ?), à la FSU, il n’y a pas d’élan volontariste (malgré ses mandats en ce sens) : pourquoi ? La FSU ne se sent pas légitime (pas d’ancrage salarial dans l’interpro) pour prendre la main ; elle est divisée à l’interne (conviction non partagée…). C’est étonnant, alors que le travail intersyndical CGT-FSU-Solidaires est porteur (20 ans de journées intersyndicales Femmes, groupe de travail contre l’Ex-dte), même s’il rencontre des limites : des expériences de colloques/stages sur des sujets importants (écologie, jeunesse, fiscalité) ont eu lieu ces dernières années, mais elles ont été limitées à 2 orgas sur les 3.
- Sur la recomposition syndicale : c’est une question récurrente au sein de la FSU avec certains syndicats nationaux qui ont un mandat (ou un débat vif ! Ex : Snes) vis-à-vis de la CGT.
C’est une question qui est revenue fortement au moment de la mobilisation contre la loi Travail n°1. Cela pose des problèmes : recomposition/fusion/absorption « à froid », en dehors de tout mouvement social + problème de « avec qui ? » → CGT ? Solidaires ?
- Donc, on milite pour la mise en place d’un nouvel outil syndical, un cadre pérenne avec la CGT et Solidaires, pour porter la nécessité des luttes et d’une transformation sociale radicale : une nouvelle formation syndicale de lutte des classes. L’objectif est de redonner confiance aux salarié-es, de construire un rapport de forces conséquent, de ne pas répondre au coup par coup (défensive) mais d’être aussi une force à même d’imposer des alternatives. Poser un cadre qui permette des échanges réguliers pour élaborer une stratégie commune : aujourd’hui, que signifie « LE » syndicalime de transformation sociale ? Les OS qui s’en réclament ne se rencontrent pas, n’élaborent pas ensemble…
– syndicalisme et rapport aux politiques
- Aujourd’hui, si la question (lien entre le syndical et le politique) est plus prégnante, c’est qu’il faut faire front contre le libéralisme. Au niveau syndical, cela fait 10 ans que nous accumulons des défaites successives (si on va jusqu’au CPE, une victoire due essentiellement à la jeunesse, moins au mouvement syndical ouvier) ; sinon, si on remonte à 95, cela fait 20 ans depuis la dernière victoire (une victoire défensive : on n’a pas gagné sur nos revendications, mais seulement empêché un recul). Constat d’échec à faire bouger seuls les lignes. Ces défaites pèsent sur le mouvement social : elles posent aussi la question de la fragilisation du syndicalisme (morcelé, divisé, en baisse de syndicalisation, absents sur des pans entiers du salariat). Ensuite, les « valeurs » que porte notre syndicalisme se retrouvent dans celles portées par certaines formations politiques. « Front commun » n’est pas fusion ou absorption ; il est possible, souhaitable de joindre nos forces pour peser tout en gardant son identité. Et ces jonctions existent déjà ponctuellement, OS et formations politiques travaillent ensemble dans les forums altermodialistes, dans des collectifs de défense des droits (droit au logement, au transport gratuit…). De telles jonctions sont d’une plus grande simplicité au plan local : militant-es syndicaux-ales et politiques se côtoient, se connaissent… Même communauté d’idées et d’actions.
- La Charte d’Amiens a plus d’un siècle, le contexte est évidemment différent. Nous sommes toujours très attaché-es à l’indépendance syndicale, mais les choses ont évolué : il y a nécessité d’une unité d’action avec les forces progressistes de gauche, syndicales ET politiques ; l’indépendance impose aussi de se tourner vers toutes les formations qui partagent une orientation alternative au libéralisme (pour faire court), sans privilégier un parti en particulier, et de respecter l’identité de chaque composante. Le syndicalisme de transformation sociale sait qu’il doit en passer par une transformation politique, donc ce n’est pas choquant. Il faut assumer la dimension politique d’un projet de société. Et on n’a pas le choix car avec Macron, il s’agit de la destruction en profondeur du modèle social de notre pays.
- Pourtant, on n’y est pas à la FSU. L’invitation de Solidaires à la réunion du 4 octobre (associations, OS, formations politiques) n’a pas rassemblé les OS (les directions de la CGT et FSU ont décliné l’invitation) : certes, c’était une mauvaise date (avant le 10, sans perspective de rencontre intersyndicale autre à ce moment-là), d’où le refus FSU. Mais de toute façon, ce n’est pas mûr. Il existe des rapprochements de militant-es syndicaux-ales à titre individuel (à la manif du 23 par ex, avec FI), des signatures d’appels de rapprochement syndical-politique à titre individuel, mais pas au nom de la fédération. Une rencontre a eu lieu courant octobre, à l’initiative de FI, avec toutes les OS et aussi avec les associations, collectifs (ATTAC), etc : FI a proposé une grande manifestation qui joindrait le mouvement social, syndical et politique. Pas de réponse de la FSU, mais pas d’autre réponse non plus des autres forces…
- Beaucoup de forces convergentes actuellement, de tentatives de « réconciliation » entre le champ politique et le champ syndical : c’est aussi parce que la situation actuelle se présente comme une impasse. Absence de perspective politique à court terme : le syndicalisme est un espace de résistance aux mauvais coups (du patronat, du gouvernement), mais se fait peu à peu conscience que seul, on se limite à la résistance et qu’on ne gagnera pas. On hérite d’une situation faite de cumuls de défaites syndicales, sociales, mais aussi politiques ! Après le dramatique quinquennat de Hollande, et malgré la lutte exemplaire contre la loi El Khomri, c’est Macron qui l’emporte. Difficile de réinvestir le mouvement social après ça.
- Quel rôle joue le Front social dans ce paysage ? Est-ce un aiguillon pour les OS ? Agit-il avec volontarisme pour déclencher la colère des salarié-es (effet d’entraînement) ? Est-ce une impulsion réelle du mouvement social ? Pour le moment, on ne perçoit pas de réelles capacités de mobilisation au-delà des convaincu-es… C’est un volontarisme qui semble ne pas tenir compte du contexte (contre productif ?)
- Quelques pistes : ici ou là se sont tenus des meetings unitaires (associations, politiques, syndicats) comme au Havre fin septembre, à Toulouse récemment. Ce sont des initiatives qui remportent du succès : il faut aller dans cette voie
– syndicalisme et salariat, représentation
- La FSU est issue de la scission de la FEN, elle s’est construite en affirmant son autonomie, mais sans la théoriser, et pour une période provisoire ; le provisoire (20 ans) commence à durer, ce n’était pas fait pour ça. Malgré les volontés d’élargissement, notamment l’élargissement du congrès de Perpignan en 2004 à tous les secteurs de la FP, le fait de na pas être confédéré affaiblit le poids de la fédération; vis-à-vis du gouvernement car ce n’est pas un interlocuteur (ex : en ce moment, sur les chantiers apprentissage et formation professionnelle : le gouvernement reçoit les confédérations, la FSU ne participe pas aux discussions (sauf si GT interministériel, éducation et travail). Même chose déjà lors des conférences sociales avec Hollande, déjà sur l’apprentissage. Pourtant, la FSU est concernée par la formation des jeunes… Elle a également un poids relatif dans les luttes, à côté des partenaires sociaux (et indépendamment de la capacité à mobiliser).
- Depuis les accords de Bercy, c’est un problème accru : d’où l’importance de l’échéance des élections professionnelles. C’est une question tellement prégnante (et pas que pour la FSU : cf résultats des élections dans les petites entreprises et passage de la CFDT devant la CGT) que ça pollue d’ores et déjà les relations intersyndicales dans la période : les élections ne sont vécues qu’à travers le prisme de la logique concurrentielle.
- De fait, la FSU n’a pas d’ancrage chez les salariés du privé (à part à Pôle emploi avec le Snutefi) ; difficile alors de faire le pont (de façon spontanée) entre la situation des agents et celle des salarié-es, de montrer que c’est la même politique gouvernementale, la même cohérence et donc, à terme, les mêmes effets. C’est difficile quand il n’y a pas de revendications unifiantes (cf 2010 sur les retraites). Cette difficulté de mobilisation s’est ressentie contre la loi El Khomri, et contre la loi Travail, sur les dossiers interpros actuels, c’est le même problème. Pendant la mobilisation en 2016, la FSU a été très présente dans l’interpro et très active : malgré tout, elle n’a pas influé sur le rythme des mobilisations des confédérations, elle n’a pas la main, ne se sent pas légitime (ne l’est pas !) pour impulser la mobilisation.
- On rencontre un problème pour faire prendre en compte par les personnels qu’on représente (en l’occurrence les fonctionnaires) les enjeux des salarié-es du privé comme dans le cadre de la loi travail, y compris quand les attaques auront à terme des incidences sur les salarié-es du public. Contre la loi El Khomri, la FSU a eu un positionnement juste, mais elle n’a pas été suivie par les personnels qu’elle représente. Cela s’est révélé vrai également pour les autres OS même si cela s’est moins vu « physiquement » dans les manifs parce que ces organisations sont confédérées et que les salarié-es du privé répondent davantage à leur appel. C’est vrai aussi dans l’autres sens : certaines OS ont appelé les salarié-es du privé à rejoindre la mobilisation du 10 dans la FP (la défense des services publics, c’est un enjeu de société, donc tous concerné-es !) mais ça n’a pas pris non plus…
- Les syndicats représentent-ils les salarié-es ? Difficile : il y a une défiance des salarié-es envers les syndicats car ils n’ont pas fait la preuve de leur utilité (défaites successives) ; autre raison, les nouvelles formes d’organisation du travail, la transformation du salariat (précariat, ubérisation, répression…) : des pans entiers de travailleur-ses ne sont pas représenté-es. Quid de la population au chômage, de l’avenir du travail, de la question de la numérisation des emplois ? Pourtant, des luttes existent à l’échelle de l’entreprise, souvent dures -GM&S, Good Year- (et encadrées par les syndicats), y compris (plus difficilement) quand ce sont des travailleur-ses précaires ou uber (Cf Deliveroo cet été).
- La jeunesse étudiante : n’est pas salariée (ou à temps partiels, ne se vit pas comme « salariée »), pas syndiquée, pas mobilisée. C’est difficile d’organiser des luttes avec les nouvelles formes très individualisées du rapport aux études (moins d’AG, d’occupations de facs). Les cadres collectifs s’éloignent, ne font plus sens. Mais, paradoxe, le cadre collectif est rechérché dans l’expérience Nuits debout (population moins « jeune » et qui n’est plus scolarisée) : besoin de parler, d’échanger, de reprendre la main sur une forme de démocratie. Cette mobilisation n’a concerné qu’une petite partie de la jeunesse. Nuits debout s’est constituée hors des cadres syndicaux : les syndicats n’ont pas trouvé leur place, (la FSU n’a pas voulu, contrairement à CGT-Sol) ; pour nous EE, c’est une occasion manquée.
- Sujet brûlant : la sélection à l’université. Ce serait un recul historique ! L’empêcher nécéssite au moins de faire la jonction entre les syndicats enseignants et les orgas de jeunesse pour impulser la mobilisation.
Conclusion :
Les difficultés sont multiples : il n’y a pas de stratégie syndicale (pas de vision, de pré-vision des luttes à mener) et pas de réflexion commune sur les modalités d’action : on peut interroger la pertinence des journées perlées (le 16 nov, 4ème journée d’action depuis la rentrée), et réfléchir à d’autres formes protestataires. On a fait l’expérience de la grève reconductible (2003), et des blocages sur points stratégiques (zones industrielles…, notamment Le Havre 2010 et 2016) : les salarié-es ne veulent plus de ces actions.
Face à ce gouvernement, inflexible, brutal, qui frappe dur, vite et en profondeur : l’objectif est bien de faire front, d’agréger, de rassembler.
Mais ne faut-il pas, pour atteindre cet objectif, penser comme nécessaires des étapes et avoir des réponses multiples ? Face à la fragmentation des attaques, des réponses fragmentées : luttes sectorielles, multiplicité des fronts… Parsemer le paysage d’un climat social protestataire ? Et chercher ensuite à donner une cohérence à toutes ces formes protestataires pour leur permettre de peser….