Nous publions ci-dessous le communiqué commun du 17 octobre 2016 de la CGT, la FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec-FTQ) et la CSN (Confédération des Syndicats Nationaux- CSN-Canada) à propos du CETA.
Dans le cadre de l’accord de libre-échange négocié entre l’Union Européenne et le Canada (Accord économique et commercial global – AÉCG, CETA en anglais), un document de 5 pages nommé « déclaration interprétative », censé venir en annexe des 1600 pages du texte de l’accord, a été rendu publique le 5 octobre. Ce texte a pour objectif d’apaiser les critiques et craintes émises par les opposants de l’accord, de plus en plus nombreux au Canada et en Europe. Malheureusement, dans sa forme et dans le fonds, il ne change rien.
Principalement, déjà, les extrapolations économiques sur l’impact à moyen terme sont incertaines, et n’offrent aucune justification claire en faveur de la conclusion d’un tel accord. Selon les assomptions de départ, les inconvénients prévaudraient même nettement !
La portée juridique de ce texte n’est pas supérieure au contenu de l’accord lui-même qui continue à prévaloir. Il ne peut que venir apporter des éléments de contexte au texte lui-même mais non pas l’amender. Aussi les rappels faits sur la protection de l’environnement, le respect des droits sociaux et du travail, le droit des Etats à réguler restent des déclarations d’intention sans que les stipulations contraires dans le texte même de l’accord CETA soient annulées.
De plus, les principales critiques faites à l’encontre du CETA ne sont pas prises en compte. C’est le cas de l’ICS (Investment Court System), tribunaux créé pour arbitrer les conflits entre les entreprises et les Etats, qui n’est ni remis en cause, ni modifié. Il est juste rappelé que ce système sera « équitable et transparent ». Les entreprises pourront toujours saisir ce système si elles estiment que les législations et choix de politiques publiques des États et collectivités menacent leurs intérêts financiers. Ainsi, le problème fondamental, à savoir l’attribution de droits exorbitants uniquement aux investisseurs étrangers, n’est même pas évoqué. Quelle marge de manœuvre pour un État donc à réguler dans la mesure où il pourra être attaqué ensuite par une entreprise via l’ICS ? Rappelons que le Canada fait actuellement face à des poursuites totalisant plus de huit milliards de dollars canadien en raison de mécanismes similaires !
La déclaration précise que les services publics seront protégés. Cependant, rien n’est évoqué quant au principe de la liste négative en matière de libéralisation des services. La liste négative prévoit que les Etats précisent les secteurs qui échappent à la libéralisation. Tout service qui ne serait pas évoqué explicitement serait libéralisé de fait. Les syndicats n’ont eu de cesse de demander l’exclusion pure et simple des services publics actuels et futurs. Rien dans la déclaration ne tient compte de cette demande. Dans le cas des services, l’ICS s’applique également. Un Etat qui déciderait de renationaliser un service pourrait se voir attaquer encore devant les tribunaux d’arbitrage.
Alors que les mesures à l’égard des investisseurs sont des obligations, les provisions liées au respect des droits sociaux, environnementaux, du travail, ne sont pas contraignantes. De même, aucune obligation n’est faite quant à la ratification des 8 conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail, ratification que les organisations syndicales considèrent comme un préalable dans le cadre de la conclusion d’un accord commercial, et ce dans la perspective notamment d’éviter le dumping social. La question du droit du travail n’est pas exclue du périmètre de la coopération réglementaire au risque de voir nos modèles sociaux mis à mal par la signature du CETA. La négociation collective deviendrait-elle soumise à un examen préalable du « conseil de coopération réglementaire » ? Par ailleurs, le texte exclut également en matière d’expertise sur la question sociale la sollicitation et la consultation des parties en cause, dont les syndicalistes…
Qui plus est, en matière de droit du travail, ceux qui seraient les mieux placés pour soulever des cas de violation, soit les organisations syndicales, ne pourront elles-mêmes pas déclencher d’investigations en la matière ! Il leur faudra plutôt quérir le soutien de leur gouvernement.
Sur le chapitre agricole, c’est silence radio. La CGT revendique la suppression de la clause «standstill » empêchant le rétablissement de barrières douanières si nécessaire, l’établissement d’un mécanisme de sauvegarde pour les productions agricoles exclu par le traité et d’autoriser la limitation des importations et exportations.
De même, le principe de précaution, assurant la protection des travailleurs et travailleuses, des consommateurs et des citoyennes et des citoyens en général, ne trouve aucun cadre garantissant sa pérennité. Ainsi, toute l’architecture, construite pendant des décennies de définition de normes et règlements techniques, risque d’être mise à mal.
En matière de biens culturels et l’ « exception culturelle » prônée par la France, ainsi que l’exclusion de la culture dans les accords commerciaux demandée par le Canada et le Québec, ne concerne en fait que le secteur de l’audiovisuel. Rien ne vient garantir les productions des industries culturelles en plein évolution, ce qui viendrait contraindre dans l’avenir la mise en œuvre et la détermination des politiques liées à la culture dans les Etats signataires.
La « déclaration interprétative » qui devrait être jointe au texte du CETA ne change strictement rien. Sa valeur juridique se limite à une déclaration de bonnes intentions. La
Confédération Européenne des Syndicats (CES) et le Congrès du Travail Canadien (CTC), qui ont signé une déclaration commune contre le CETA, de même que la CGT, la CSN (Confédération des Syndicats
Nationaux, Canada) et la FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec) s’opposent à la ratification de cet accord.
Tant que de réels amendements ne modifient le texte de l’accord, des déclarations de ce genre s’apparentent à de la poudre aux yeux. Pourquoi les parties qui proposent cette déclaration, tout en nous assurant qu’elle reflète exactement ce qu’ils avaient toujours voulu dire, ne l’écrivent finalement pas explicitement dans l’accord lui-même avant de le signer ?
Tant que le texte n’est pas effectivement et explicitement amendé, et ce dans le sens demandé par les différents groupes et les syndicats des deux côtés de l’Atlantique depuis fort longtemps, le CETA reste inacceptable à nos yeux.