Le mercredi 24 février 2021, la CGT donnait une conférence de presse en plein air devant le Ministère de l’économie, et présentait plusieurs dossiers sur la politique industrielle : métallurgie (dont automobile), verre et céramique, électricité-gaz, mais aussi chemins de fer, construction. Ont été abordés les liens entre l’industrie et les questions environnementales. Ci-dessous la vidéo de la présentation générale par Philippe Martinez (lire le texte plus bas) et l’accès à des fiches thématiques par secteurs.
https://youtu.be/JB0BpUWyFdQ
Urgence pour une reconquête industrielle
Intervention de Philippe MARTINEZ
- Télécharger le PDF : Intervention P. Martinez – Conf presse industrie – 24 02 2021
Paris, le 24 février 2021
Conférence de presse « Industrie »
Mesdames et messieurs les journalistes,
Tout d’abord, je vous remercie de votre présence à cette conférence de presse de la CGT portant sur les enjeux de l’industrie dans notre pays. Notre organisation a décidé de faire de ce thème, un des axes majeurs de son activité pour l’année 2021 forte du constat et des enseignements que révèlent la crise sanitaire que nous traversons et de ses conséquences sur l’activité économique de notre pays.
Je suis accompagné aujourd’hui par les principaux secrétaires généraux des fédérations industrielles ou de filières très dépendantes de ces secteurs et filières.
Il s’agit de 12 fédérations (Agro-alimentaire, Cheminots, Construction, Energie, FAPT, Filpac, Métallurgie, Ports et docks, Textile, Transports, Travailleurs de l’Etat, Verre et céramique)
Trois d’entre d’eux interviendront après moi en détaillant plus particulièrement les enjeux industriels liés à leur champ professionnel, mes autres camarades répondront bien évidemment à toutes les questions que vous voudrez bien leur poser.
La CGT a toujours fait du thème de l’industrie, une des questions majeures de son activité tant dans le domaine économique que social. Depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, la confédération et ses fédérations tirent la sonnette d’alarme sur le déclin du potentiel industriel de notre pays. Chiffres à l’appui, celui-ci est très facilement quantifiable. Ainsi, en 50 ans, l’industrie de notre pays a perdu plus de la moitié de ses effectifs, soit plus de 2 millions d’emplois dont 750 000, sur ces seules10 dernières années. Cette décroissance des effectifs s’est d’abord portée sur les catégories ouvrières. C’est un patron visionnaire, Serge TCHURUK, PDG d’Alcatel, qui déclarait en 2001 que son groupe devait devenir une entreprise sans usine. Petite parenthèse, le PDG visionnaire a disparu avec un parachute doré et ALCATEL n’existe plus. Une vision partagée et soutenue par les gouvernements successifs qui ont laissé faire et financé de multiples restructurations et délocalisations. Ainsi dans le secteur automobile, la production de voitures en France a été presque divisée par 2 en 15 ans, à l’image de RENAULT dont la part du « Made in France » dans le nombre de voitures vendues dans le monde est passée de 47,5% à 10,5% durant la même période.
On mesure bien les risques d’une telle stratégie consistant à délocaliser la production et les usines pour se concentrer sur des métiers à forte valeur ajoutée ou à l’ingénierie.
Aujourd’hui et après la production, c’est la « matière grise » qui est licenciée par les annonces de suppressions d’emplois dans l’ingénierie et la recherche comme chez AIRBUS, RENAULT, SANOFI ou AKKA par exemple avec des dizaines de milliers d’emplois supprimés. Avec ces annonces, c’est la capacité de développement et d’innovation qui est en péril.
L’exemple de SANOFI dans la période, en est la meilleure illustration.
Cette situation a un impact majeur sur l’économie du pays. Ainsi, la place du secteur industriel n’a cessé de décroitre, le faisant passer de 23,4% du PIB à 11,4% durant ces 50 dernières années, ce qui amplifie le déficit de la balance commerciale de la France. A titre de comparaison, cette place est de 23% en Allemagne.
Cela place notre pays en situation de dépendance vis-à-vis d’autres pays, notamment d’Asie. On le voit sur la pénurie de cartes à puces dans l’automobile qui risque la mise à l’arrêt de toute la filière en Europe, et évidemment sur les médicaments ou encore le vaccin dans la période.
On mesure également les conséquences sur l’environnement lorsque des produits font le tour de la planète pour être acheminés vers les consommateurs.
Il n’est pas trop tard pour corriger cette stratégie suicidaire car la France a des atouts. En effet, notre pays malgré ce que je viens de commenter, reste un des pays au monde, qui possède la plus grande diversité de filières industrielles encore présentes sur son territoire comme l’énergie, l’automobile, la navale, le textile, le verre, le ferroviaire, l’aéronautique, la sidérurgie, l’électronique, la santé ou la pharmacie pour n’en citer que quelques-unes.
Il existe des acteurs majeurs de l’industrie, des donneurs d’ordre, en France pour impulser une réindustrialisation dans de nombreux secteurs et le développement de nouvelles filières. Il faut également pour cela, un état stratège qui détermine des objectifs précis en matière économique et sociale et pour répondre aux besoins de la population.
Il faut rompre avec la logique financière car, encore aujourd’hui, le « quoi qu’il en coûte » répond d’abord aux intérêts des actionnaires plutôt qu’à ceux du monde du travail et de la population, de la formation ou de la recherche. Ainsi des dividendes ont encore été versés aux actionnaires en 2020 et les aides publiques, liées en théorie à la crise sanitaire, servent à financer des plans de restructuration.
Nous avons formulé des propositions concrètes à court et à long termes. Elles ont été portées à plusieurs niveaux comme au Conseil National de l’Industrie, au Conseil Economique Social et Environnemental, ou de nouveau récemment, auprès du ministre de l’Economie ou du Premier ministre. Le président de la République a été lui-même interpelé par courrier, fin d’année 2020.
A court terme, cela passe par l’annulation de tous les plans de restructuration ou PSE, en cours ou à venir, pour travailler des solutions alternatives, en favorisant la formation des salariés. Cela se conjugue avec notre demande de conditionnalité des aides publiques, qu’elles soient nationales ou territoriales afin que celles-ci soient uniquement flécher pour l’investissement et le développement de nouvelles filières, les relocalisations ou localisations d’activités, le maintien et la création d’emplois notamment pour les jeunes. Des emplois stables en CDI, respectant les qualifications et les salaires des salariés.
Nous avons travaillé sur plusieurs exemples d’entreprises menacées de fermeture ou déjà fermées qui pourraient être sauvées ou relancées rapidement. J’en cite quelques-unes :
- La Chapelle Darblay, LUXFER, JACOB DELAFON, des sites où des projets concrets existent pour un redémarrage rapide mais qui se heurtent au refus de vente des actifs par les multinationales propriétaires et à un gouvernement qui refuse, à ce jour, d’intervenir ou de légiférer pour les contraindre à
- Je pense également aux fermetures de capacités de production dans les verreries VERALIA ou O.I. en Nouvelle Aquitaine alors que les importations de bouteilles augmentent. Mohamed OUSSEDIK, secrétaire général de la fédération, en parlera après moi.
A plus long terme, il y a besoin :
- D’un véritable travail en filières. Par exemple, le gouvernement prétend développer l’activité ferroviaire, voyageur et fret dans son plan de relance. Nous l’avons dit, ce plan est largement insuffisant face aux investissements nécessaires. De plus, comment être à la hauteur des besoins sans aborder les capacités de production de l’industrie ferroviaire et leurs localisations. C’est le travail que réalisent ensemble nos fédérations des cheminots et de la métallurgie
- De créer de nouvelles filières industrielles par exemple sur l’imagerie médicale comme nous le proposons depuis près de 10 ans avec les syndicats du groupe
- De responsabiliser les donneurs d’ordres vis-à-vis des sous-traitants afin de mutualiser les investissements sur l’ensemble des valeurs, de favoriser les circuits-courts avec un équilibre dans la répartition des charges de travail. A titre d’exemple, cela pérenniserait le site SAM dans l’Aveyron alors que RENAULT préfère engager une fonderie en TURQUIE à 140% et avec les conditions de travail que cela suppose pour réimporter des pièces-moteurs en France. Cela passe également par la création de comités inter- entreprises, regroupant des représentants du personnel de chaque entité.
- De créer un protectionnisme social et environnemental en imposant par exemple, d’intégrer ces clauses dans les appels d’offres des marchés publics qui représentent 40% des investissements dans notre pays. Une telle mesure pourrait d’ailleurs être élargie à l’échelle européenne.
- De retrouver une indépendance nationale et répondre aux besoins vitaux de la population. C’est le cas pour l’énergie avec notre proposition de PPE, programme progressiste de l’énergie dont Julien LAMBERT, détaillera les contours dans son intervention. Cette question d’une maitrise publique des moyens de production se pose également pour l’industrie du médicament ou pour les télécommunications par exemple.
Ces propositions sont une véritable réponse à ceux qui sont privés d’emploi et particulièrement les jeunes.
Nos propositions font la démonstration qu’industrie et préservation de la planète, ne sont pas incompatibles à condition d’investir, d’écouter les salariés, les véritables experts de leur travail et de favoriser les circuits courts.
Nous avons compilé dans le dossier qui vous a été remis, plusieurs documents illustrant nos interventions et propositions. Nous allons durant toute l’année 2021 prendre des initiatives dans les territoires au rythme d’une par mois environ à l’instar de ce qui a été fait dimanche dernier à DECAZEVILLE où 3000 personnes se sont rassemblées pour exiger la pérennité de la fonderie SAM, de l’ensemble des emplois, mettant en évidence le rôle essentiel de l’industrie dans les territoires.