Une tribune de Patrick Brody, syndicaliste CGT, parue dans l’Humanité du 7 décembre 2018.
Chers gilets jaunes,
Je suis syndicaliste et je soutiens votre mouvement depuis le 15 novembre. Au début, comme beaucoup, j’ai douté un petit moment : c’est quoi cet ovni partant de la base ? L’extrême-droite ne va-t-elle pas s’en emparer pour en tirer avantage ?
Et puis très vite, j’ ai reconnu toutes celles et tous ceux que le syndicalisme a du mal à organiser : les précaires, les intérimaires, les salariés des TPE, du commerce, les temps partiels, les chômeurs, les retraités avec leurs petites pensions. Et, surtout les femmes, dont le rôle est absolument prépondérant dans cette révolte! Sur les barrages, les rond-points, ou les plateaux télé, quelle force, quel courage !
Vous avez établi une revendication initiale, le retrait de la taxe sur le diesel, et puis très vite, en voyant les 41 autres revendications que vous avez communiquées, nous avons vu que nous en partageons l’essentiel : SMIC à 1800 € brut, hausse des salaires, retour de la retraite à 60 ans, hausse des pensions, rétablissement de l’ISF, etc.
Vous avez échangé, parlé, et vous avez fait de la vraie politique : plus de démocratie, comment faire ? A quoi servent les institutions si elles ne représentent pas le plus grand nombre ? Doit-on laisser la représentation citoyenne aux technocrates? aux professionnels de la politique ? C’est à nous tous d’en décider. Les bonnes institutions (par exemple l’Assemblée Nationale) sont, à n’en pas douter, celles qui n’écartent pas les travailleurs, les chômeurs, les précaires
Vous étiez invisibles, et vous avez fait irruption sur les plateaux télévisés pris à leur propre piège de l’audience. Tous les commentateurs qui soutenaient Macron comme la corde soutient le pendu (Calvi, Barbier, Elkrieff, Pujadas et tous les autres) ont essayé de vous opposer, de vous diviser entre gilets jaunes modérés (minable opération du JDD) et soi-disant radicaux. Vous avez déjoué les pièges grossiers qui vous étaient tendus.
Ils vous ont traité de « séditieux, de peste brune, BHL de Saint Germain des Près en était sûr : c’était un mouvement poujadiste, piloté par Mélenchon et Le Pen. Jean-François Kahn a traité François Ruffin, un de vos soutiens, de fasciste ! Ah ils en ont dit des énormités ces derniers jours ! Encore plus que d habitude. Vous n y avez pas prêté attention. Et vous avez eu raison.
Désormais, les étudiants, les lycéens, les infirmières, les salariés du transport routier, les dockers etc…s’y mettent aussi
Le 14 décembre à l’appel de la CGT (et j’espère d’autres syndicats), c’est l’ensemble du monde du travail qui doit rentrer dans la bagarre, car oui, c’est une évidence reconnue maintenant, votre lutte est celle de tous les travailleurs, de tous les dominés.
Vous nous avez réveillés, remués, secoués, vous avez eu raison.
Nous respectons votre auto- organisation, nous sommes complémentaires, nous devons agir ensemble car nous avons les mêmes adversaires : Macron et le Medef
C’est tous ensemble que nous les ferons céder, c’est tous ensemble que nous allons reprendre nos affaires en mains. Ensemble, l’avenir nous appartient.
A très vite. Salut et fraternité !