Congrès extraordinaire de l’Union syndicale Solidaires

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L’Union syndicale Solidaires a tenu un congrès extraordinaire à Saint-Denis des 13 au 15 octobre dernier. Syndicollectif l’a déjà évoqué (ici : https://wp.me/p6Uf5o-3K5) en publiant la « motion d’actualité » du congrès (juste avant la tragédie des attentats) . Nous donnons accès ci-dessous à la résolution principale et unique de ce congrès, visant à donner une réponse à la crise sanitaire, sociale, écologique.  Nous publions en outre : un article sur ce congrès et un extrait de la résolution portant sur « l’articulation des luttes », mais aussi sur des débats contemporains concernant le féminisme, les violences de toute nature, les racismes et leur complexité, les dominations et le croisement de celles-ci.

  • Télécharger la résolution du congrès : imposons_un_autre_avenir_resolution_finale-solidaires « La situation ouverte par la crise mondiale de la Covid-19 a des répercussions énormes. Ces conséquences, pas encore toutes connues, aggravent les crises sociales, économiques, écologiques et démocratiques. Tout cela à l’échelle internationale. La nécessité pour les bourgeoisies de restaurer les taux de profit conduit d’ores et déjà à une amplification des politiques antisociales avec, comme corollaire, des inflexions de plus en plus nettes vers l’autoritarisme. Nous sommes en première ligne sur nos lieux de travail et dans notre quotidien face aux impacts économiques, écologique et sociaux de la crise sanitaire…« .Lire la suite par téléchargement

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  • Notre article  : La méthode démocratique de Solidaires (Jean-Claude Mamet)

L’Union syndicale Solidaires a tenu un congrès extraordinaire du 13 au 15 octobre 2020, à la Bourse du Travail de Saint-Denis (93). Extraordinaire parce que la crise sanitaire n’a pas permis de tenir un congrès complet cet automne comme c’était prévu (le congrès ordinaire est repoussé au printemps 2021). Et aussi parce que le renouvellement du Secrétariat national (SN) suite au départ prévu de plusieurs membres (avec reconversions professionnelles déjà engagées) obligeait à un renouvellement. Enfin, la tenue d’un congrès permettait un débat et des décisions sur la situation nouvelle provoquée par la crise sanitaire. Ainsi les deux co-délégué-es généraux Eric Beynel et Cécile Gondard-Lalanne quittent leurs fonctions. Deux autres co-délégué-es généraux ont donc été élu-es : Murielle Guibert (qui vient de Solidaires Finances publiques) et Simon Duteil (de SUD Education et de l’Union Départementale Solidaires de Saint-Denis)

 

Alors que l’Union syndicale Solidaires a acquis ces dernières années une visibilité plus grande, notamment dans l’animation de luttes ou d’initiatives fortes, elle est encore traversée par des difficultés de fonctionnement pour l’animation nationale interprofessionnelle. C’est en partie ce qu’a montré ce congrès au sujet de l’animation du Secrétariat national, qui implique certainement une disponibilité de tous les instants, mais aussi la capacité de savoir arrêter d’être permanent. Ce qui n’est pas toujours le cas dans toutes les organisations syndicales.

Une visibilité plus forte

La première partie du congrès a été consacrée, comme il se doit, au bilan d’activité. Nous ne donnons ici que quelques repères.

Un document très complet servait de support au rapport des deux co-délégué-e sortants, Cécile Gondard-Lalanne et Eric Beynel. Il a été souligné que lors du conflit sur les retraites, Solidaires a eu une place importante, grâce au poids de SUD-Rail notamment dans l’animation de la grève SNCF. Noter aussi que la dénonciation publique de la crise du travail sous hégémonie néolibérale s’est faite à grande échelle lors du procès de France Télécom, grâce à l’action de SUD PTT impulsant un évènement judiciaire qui fera date dans la santé au travail. Lors du confinement, SUD Amazon, premier syndicat de la multinationale en France, a remporté une victoire dans le respect de la santé : obligation de fermeture des entrepôts, pour prendre des mesures. L’Union nationale interprofessionnelle des retraitées (UNIRS Solidaires) joue un rôle d’impulsion dans l’action régulière des 9 organisations syndicales de retraitées, depuis plusieurs années.

Néanmoins, cette visibilité ne s’est pas traduite par une amélioration de la représentativité lors des élections professionnelles. Elle se « stabilise » (à 3,47% dans le privé, et 4,64% en cumulant privé et public), mais ne « progresse pas ». Sauf dans la Fonction publique où Solidaires est maintenant présent dans les trois versants (avec un progrès notable dans la territoriale).

Les deux co-rapporteurs n’ont pas caché les difficultés de fonctionnement de l’union : mauvaise fréquentation des instances syndicales, tensions dans l’attribution des moyens financiers (certains syndicats, notamment l’industrie, dénonçant des inégalités), une féminisation qui ne dépasse pas 33 % en instances. Et il/elle ont évoqué les débats et les tensions internes que connaissent tous les syndicats, par exemple sur les violences et le sexisme (voir sur ce point l’excellent numéro 14 de la revue Les Utopiques consacré aux luttes féministes).

Le débat qui a suivi sur le bilan a entre autres mis en avant un malaise dans les secteurs privés industriels : SUD Industrie (3 000 adhérent-es) est la seule structure à voter contre le bilan. 13 structures professionnelles (dont des fédérations) n’ont pas pris part au vote (NPPV), et 27 ont voté pour. Dans les Solidaires locaux (structures interpro), 27 ont voté pour et zéro contre.

On peut s’interroger sur un point qui n’a été qu’effleuré dans les échanges : si Solidaires est plus visible dans l’action, totalement reconnu maintenant dans les intersyndicales nationales, quel est vraiment son avenir alors que la revue Les Utopiques a consacré deux dossiers à la nécessité d’un syndicalisme unifié, au-delà de la seule unité d’action ?  L’unité syndicale a certes été débattue, et pour certains le « suivisme », notamment vis-à-vis de la CGT a été critiqué. Il a été aussi souligné que Le mouvement des retraites a permis de contrer les idées sur le « déclin du syndicalisme » qui ont fleuri médiatiquement pendant le mouvement des Gilets jaunes. Néanmoins la force interprofessionnelle globale du syndicalisme demeure amoindrie depuis des années. Les cortèges de tête en sont le symptôme. Une des réponses est pour partie contenue dans le réseau du Collectif urgence sociale et écologique (CUSE), souvent nommé Plus jamais ça, valorisé dans le bilan, réseau qui associe syndicats et associations sur le lien entre « social et écologie ». Mais est-ce suffisant ?  Si ce réseau est fondamental pour l’avenir des luttes sociales, Il n’est pas une solution à la crise syndicale elle-même.

 

L’avenir

« Pour un autre avenir » : tel est en effet le titre du document unique mis à l’ordre du jour et à amendements de ce congrès (à part les motions d’actualité, et notamment celle portant sur la situation immédiate). Ce texte avait pour ambition de discuter d’une réponse la plus complète possible aux crises entremêlées : sanitaire, sociale, écologique. Avec l’idée « qu’un nouveau champ des possibles » s’est ouvert depuis l’année 2020.

Je n’ai pu assister (par visioconférence) qu’à une partie des échanges, puisqu’il y avait deux commissions en parallèle. L’une portait sur l’appréciation du processus Plus jamais ça et ses 34 propositions mises dans le débat public depuis mai 2020. S’y ajoutait l’adoption d’un document spécifique synthétisant les revendications de Solidaires face à la situation. Il est intéressant de noter que la CGT a eu la même discussion en juin dernier, sur le thème : les 34 propositions ne doivent pas empêcher les élaborations propres de la CGT. D’autant que tout est allé assez vite, et que certaines mesures Plus jamais ça n’ont pas vraiment été discutées dans les syndicats !

La deuxième commission, à laquelle j’ai assisté, portait sur la stratégie de Solidaires dans les luttes et le contexte plus général. Plusieurs débats se sont déroulés. Si l’innovation de Plus jamais ça est très largement approuvée, une discussion subsiste sur ce qu’elle peut changer dans le futur. Solidaires Finances publiques insiste sur l’aspect « primordial » de ce qui a démarré et qui doit « engager » l’union, mais SUD Chimie pense plutôt qu’il s’agit d’un « point de départ » ou d’un « support » encore inachevé.

D’autres débats (déjà évoqués ci-dessus) portent sur la distinction entre « unité d’action syndicale », unanimement recherchée, et critique de « l’émiettement » du syndicalisme, pour en déplorer les conséquences négatives. Des délégué-es critiquaient l’évocation de « l’émiettement » comme si cela revenait à déplorer le pluralisme syndical. D’autres au contraire voyaient dans ce terme une invitation à discuter de la « recomposition du syndicalisme ». Ce débat reste donc à approfondir et il ne concerne pas que Solidaires !

Les notions de « socialisation et d’autogestion » (mises en valeur dans le texte initial) ont également donné lieu à débats déjà notés au précédent congrès de Solidaires. La fédération Finances publiques en particulier estime que ces mots renvoient à des moyens pour l’émancipation, mais qu’ils ne sont « pas la seule voie », et qu’il n’existe « pas de solution clef en main » pour un projet de société.

Cependant ce sont des questions politiques (dites de « société ») plus générales et très actuelles qui ont partagé les délégué-es et donné lieu à des échanges nourris, mais dans le respect des idées. On le sait : ces questions font clivage aujourd’hui dans la société, avec le projet de loi dite « sur le séparatisme » (en passe d’être renommée) et plus encore avec le crime odieux contre Samuel Paty qui s’est produit un jour après la fin du congrès. Le congrès a donc débattu sur l’approche de la laïcité, du racisme et des personnes « racisées », sur les « avantages » supposés des personnes non discriminées, sur le mot « islamophobie » (qui peut être compris comme un refus de critiquer une religion et qui serait remplacé par « le refus de discriminations liées à une religion »), sur la portée historique du « colonialisme » et ses rapports avec la « république ». Des formules consensuelles ont été recherchées ou des débats reportés, par exemple l’engagement d’un travail sur la laïcité.

Un respect scrupuleux de la démocratie

Redisons-le encore : Il faut souligner la qualité du débat démocratique dans Solidaires.

Tous les documents sont discutés en commissions ouvertes, composées de délégué-es mandaté-es par leurs structures pour porter des modifications ou des ajouts. On connait la règle de Solidaires, qui parfois fait sourire dans d’autres syndicats, parce qu’elle est complexe, exigeante et donc quelque peu chronophage : les documents ou les modifications ne sont pas adoptés à la majorité (50 % plus 1 voix), mais au consensus. Cette règle nécessite une véritable écoute et un très grand respect des structures, des idées et des propositions, et cela quel que soit la « puissance » des syndicats qui les portent. Cela oblige à rechercher des formulations qui permettent un accord large, pour aller au bout du débat et de la précision des notions, sans édulcorer pour autant les points de désaccords s’ils persistent.  Dans ce cas, le vote a lieu avec une règle d’adoption aux 2/3 pour emporter une décision, chaque structure, petite ou grande, ayant une voix. Une structure peut toujours utiliser un droit de veto sur une question, ce qui bien sûr est potentiellement générateur de crise ou de paralysie. En réalité ce n’est quasiment pas utilisé si le travail en amont est bien fait. Mais cela prend du temps.

Cette recherche du consensus, qui n’est pas autant fouillée dans les autres organisations, est cependant la méthode qui s’impose assez souvent dans la vie réelle.  Dans les structures de base ou dans les échanges nombreux du mouvement social d’aujourd’hui. Par exemple dans le collectif Plus jamais ça, dans les collectifs pluralistes très divers. Dans les luttes elles-mêmes, dans des assemblées par exemple, le vote est plus fréquent. Mais n’aboutit-il pas parfois à des frustrations dans l’expression des personnes ? Ou à laisser les problèmes sous le tapis plutôt que les poser au grand jour ?

La complexité des situations impose de plus en plus souvent de parier sur l’écoute, car la confiance ne s’impose pas toute seule.

Jean-Claude Mamet

 

  • Extrait de la résolution du congrès :

[…]

« Articuler les luttes »

 

«  Le syndicat est un outil de défense et d’émancipation des travailleuses et des travailleurs. Il s’est principalement développé pour défendre les intérêts de la population qui n’a que le travail comme moyen de subsistance et qui subit l’exploitation capitaliste. L’action du syndicat s’inscrit donc clairement dans le cadre de la « lutte des classes ». Mais d’autres systèmes de domination sont à l’œuvre et qui interagissent, ce qui rend indispensable de réfléchir pour agir sur l’ensemble de ces systèmes. L’outil syndical doit contribuer à briser l’ordre social hiérarchisé par les systèmes de domination capitaliste, patriarcale ou raciste.

 

Les luttes internationales féministes en particulier le refus des violences faites aux femmes et du patriarcat ont créé des dynamismes de lutte sans précédents. Les luttes LGBTQI+, anti-racistes ou contre les discriminations liées à la religion réelle ou supposée principalement musulmane et juive réaffirment ce refus des dominations. Ces dominations sont des constructions sociales. Elles doivent être expliquées, dénoncées, pour pouvoir les déconstruire, notamment en mettant en évidence les conséquences pour les personnes qui les subissent et les avantages que représente le fait de ne pas les subir. Au-delà des victimes directes des discriminations, les luttes contre toutes les dominations bénéficient à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs.

 

La question écologique est devenue cruciale dans la lutte contre le capitalisme destructeur de la planète. Ce système basé sur l’exploitation des ressources et des populations provoque un changement climatique qui mène à une crise sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ces luttes pour de réels changements agrègent maintenant de nouveaux militants et nouvelles militantes parmi les plus jeunes. Il est indispensable que notre union syndicale et ses équipes militantes, après les tentatives des dernières années, fassent de ces questions une priorité de formation et d’implication dans les luttes.

Nous cherchons dans notre combat syndical à articuler l’ensemble de ces luttes essentielles pour construire une société débarrassée de l’exploitation, des discriminations liées à des systèmes de domination, capable de sortir du productivisme et réfléchir et de décider de sa production et de sa consommation en harmonie avec les écosystèmes.

 

Notre syndicalisme est un outil collectif d’émancipation dont doivent pouvoir s’emparer toutes les personnes discriminé·e·s, y compris dans nos rangs. Il doit faire bouger les choses en rendant visible ce qui souvent ne l’est pas. Chacun·e d’entre nous peut porter des a priori, des stéréotypes qui sont l’héritage de l’histoire des sociétés humaines et/ou de la propagande capitaliste qui défend son système et des idéologies dominantes qui visent à la conforter. Ils peuvent avoir des spécificités par pays : ainsi le colonialisme français (dans ses différents régimes politiques successifs y compris la république) a des conséquences sur ce qu’est le racisme aujourd’hui. Nous devons, mettre en lumière pour mieux  les déconstruire les systèmes de domination et d’aliénation (sexe, “race”, orientation sexuelle, classe..) et aller de l’avant pour inventer un monde nouveau.

 

La violence policière et les pratiques racistes de l’Etat banalisent la déshumanisation des migrant·es et des personnes victimes de racisme. A titre d’exemple, durant le confinement, la Seine-Saint-Denis a concentré, à elle seule 10% des contrôles effectués sur l’ensemble du territoire français. Les violences issues de la répression au nom de la sécurisation des quartiers populaires et des frontières européennes menacent toute mobilisation sociale.

Solidaires doit donc être aux côtés des victimes de violences policières et se joindre aux mobilisations dénonçant la répression policière : à l’instar des travailleurs et des travailleuses sans-papiers et de ceux et celles qui se sont mobilisé.es après la mort de George Floyd aux Etats-Unis au mois de juin en bravant de surcroît les interdictions de manifester.

Solidaires dénonce les comportements racistes, l’impunité des policier·es, l’utilisation d’armes et de techniques qui peuvent être mortelles et soutient la régularisation de tou·tes les sans-papiers. Notre union syndicale doit renforcer ses liens et son activité en direction de ces secteurs militants. Cette articulation des luttes nécessite aussi un développement de nos réseaux à l’échelle internationale sur ces problématiques.« 

[…]

 

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