L’article ci-dessous est paru dans la revue juridique Chronique ouvrière. Nous avions rendu compte ici (https://wp.me/p6Uf5o-4HA) de la manière dont la direction de la Fédération des métaux CGT avait démis de ses fonctions le délégué syndical central des 14 établissements de PSA, alors que 12 syndicats (l’écrasante majorité) se prononçaient en sa faveur. Certes, il y avait sans doute d’importantes divergentes politiques, mais le respect du droit est fondamental, explique Pascal Moussy, juriste à Chronique ouvrière, sinon il y a dérive « bureaucratique ». L’article ci-dessous lui donne raison avec l’arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2023.
Présentation: « Chronique Ouvrière réunit des militants qui ont été confrontés aux questions soulevées par le droit du travail à l’occasion des luttes qu’ils ont menées dans leur entreprise ou devant les juridictions ».
www.chronique-ouvriere.fr
La Cour de cassation donne une leçon de démocratie syndicale aux dirigeants de la FTM-CGT
Les statuts de la Confédération Générale du Travail énoncent clairement que le syndicat est la « base de toute la CGT ».
C’est dès lors en toute logique que les statuts de la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie CGT (FTM CGT) présentent le syndicat comme le pivot de la « construction démocratique des propositions de mandats ».
Il est précisé par l’article 7 bis des statuts de fédération que celle-ci, qui est habilitée à désigner les représentants syndicaux nationaux et européens, ne dispose pas d’un pouvoir de désignation discrétionnaire mais doit désigner les représentants « choisis par les syndicats des entreprises et groupes ».
La fédération a donc une « compétence liée » en matière de désignation des représentants syndicaux. Elle ne saurait procéder à une désignation qui ne serait pas l’exact reflet du choix arrêté par les syndicats.
En mai 2022, au moment de la désignation du délégué syndical central CGT au niveau de l’entreprise PSA, la FTM CGT a pris la décision de s’affranchir du principe de « construction démocratique » affirmé par ses statuts.
Douze des quatorze syndicats CGT d’établissement existant au niveau de l’entreprise PSA s’étaient prononcés en faveur de la désignation de Jean-Pierre MERCIER et contre la désignation d’un autre candidat, [X].
Une assemblée générale des syndicats avait lieu à Montreuil pour présenter le résultat des votes aux dirigeants de la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM) CGT.
Il apparaissait alors que 82,5 % des représentants des syndiqués CGT travaillant dans les différents établissements PSA qui avaient participé au vote s’étaient prononcés contre la désignation de [X].
La FTM CGT désignait néanmoins [X] en qualité de délégué syndical central CGT.
Saisi de la demande d’annulation de la désignation de [X), le Tribunal judiciaire de Versailles a rejeté cette demande en considérant que « l’exigence d’une construction démocratique des propositions de mandat était remplie par la seule consultation des syndicats, leur avis ne pouvant, en l’espèce, être respecté dès lors que l’une des candidatures n’était pas recevable ».
Le Tribunal judiciaire s’est manifestement mépris sur le sens des statuts fédéraux. Au regard de l’article 7 bis des statuts de la FTM CGT, les syndicats ne sont pas seulement consultés préalablement à la désignation d’un représentant syndical national. C’est aux syndicats qu’est reconnue la prérogative de choisir quel sera le représentant national (central) dont la désignation sera notifiée par la fédération auprès de la direction de l’entreprise.
Par son arrêt du 20 décembre 2023, la Cour de cassation a censuré la motivation qui avait conduit au rejet de la demande d’annulation du candidat adoubé par les dirigeants fédéraux bien que non choisi par les syndicats.
La Cour de cassation a reproché au Tribunal judiciaire de Versailles d’avoir violé l’article 7 bis des statuts de la FTM CGT en validant la désignation du protégé des dirigeants fédéraux dont la très grande majorité des syndicats de la société PSA n’avait pas voulu comme représentant et qui n’avait donc pas été choisi par les syndicats de PSA.
Il sera relevé que la nouvelle mouture de l’article 7 bis issue du 42ème congrès de la FTM CGT qui s’est tenu à Montpellier du 31 janvier au 4 février 2022 est elle aussi sans équivoque sur la préoccupation des syndicats qui constituent la fédération d’affirmer « la construction démocratique des propositions de mandats ». Elle énonce que la fédération est « seule habilitée à désigner les représentants syndicaux nationaux et européens, après validation par les syndicats des entreprises et groupes, suite à la décision des syndiqués, conformément à la charte CGT des élus et mandatés ».
La Charte CGT des élus et mandatés à laquelle fait référence la nouvelle version de l’article 7 bis des statuts souligne que « c’est au sein du syndicat qu’appartient la décision de proposer des candidatures aux différents mandats » et que celles-ci « doivent être débattues avec les syndiqué(e)s, en réunion de direction des syndicats pour permettre à toute la Cgt de fonctionner selon ses besoins ».
En définitive, la conjugaison de la règle fondamentale faisant du syndicat « la base de toute la CGT » et du principe affirmant « la construction démocratique des propositions de mandats » est assez simple à mettre en œuvre. Les dirigeants fédéraux doivent appliquer les choix arrêtés par les syndiqués et les syndicats et ne sauraient imposer leurs propres désiderata en procédant à des désignations bureaucratiques.