Alors que JC Mailly ne tarit pas d’éloges sur la qualité d’écoute du gouvernement avec les syndicats, François Hommeril, président de la CFE-CGC, est bien plus critique(« Dans le projet d’habilitation, il y a toute une série de vieilles lunes patronales« ). En témoigne cette interview parue dans l’Humanité du 5 juillet 2017.
François Hommeril : « La concertation entre les syndicats est nécessaire »
Alors que l’étau se resserre sur les intentions du gouvernement, le président de la CFE-CGC, exige que le texte des ordonnances soit enfin mis sur la table et n’exclut pas de se mobiliser le 12 septembre prochain. Entretien.
Depuis la présentation de la loi d’habilitation, vous faites part de vos inquiétudes, d’un certain « malaise ». Une deuxième phase vient de s’ouvrir, le « déséquilibre » de la réforme s’est-il accentué ?
François Hommeril La notion d’équilibre renvoie à la négociation. Ce n’est pas cette méthode qui a été retenue. Dans une négociation, il y a un texte sur lequel nous pouvons avancer. Comme nous ne l’avons pas, nous sommes obligés de mesurer la confiance que nous avons vis-à-vis de nos interlocuteurs dans leurs capacités à retenir les éléments apportés. Dans le projet d’habilitation, il y a toute une série de vieilles lunes patronales. Et aucune garantie sur les propositions que nous avons portées. On ne veut pas faire le constat avant l’accident, mais le mur se rapproche bien trop près de nous.
La ministre du Travail a récemment déclaré que le Code du travail « n’est pas fait pour embêter 95 % des entreprises » . Cette réforme n’est-elle pas construite sur une base idéologique erronée selon laquelle le Code du travail serait un frein à l’embauche ?
François Hommeril Le gouvernement est parti sur une fausse piste. Je l’ai d’ailleurs dit au premier ministre. Je ne nie pas qu’il existe des freins au dynamisme économique, à l’embauche, à la fluidité de l’emploi. Nous les avons identifiés. Il s’agit par exemple des problèmes de mobilité géographique, de compétences réelles et concrètes. Cela n’a rien à voir avec le Code du travail. Cela ne peut être un simple malentendu. Depuis plus de vingt ans, les réformes successives ont consisté à assouplir le Code du travail, le gouvernement devrait faire l’effort d’analyser le lien entre ces réformes et la situation de l’emploi. Il y a une urgence à ne pas faire les mêmes erreurs que par le passé.
Vous vous êtes farouchement opposés aux CDI de chantier. Quelles sont vos autres lignes rouges ?
François Hommeril Tout comme le CDI de chantier, qui n’est autre que l’intérim sans le coût, le rétrécissement du périmètre économique à la filiale et non plus aux résultats à l’échelle internationale pour évaluer les licenciements économiques est scandaleux. Qui peut penser que faciliter les licenciements en France dans les grandes multinationales pourrait avoir un effet positif sur l’emploi ? Une fois de plus, nous sommes dans ce même fantasme qui a inspiré dix-sept réformes du marché du travail.
Que pensez-vous de l’élargissement accordé à la primauté des accords d’entreprise ?
François Hommeril La norme sociale est la seule norme en France qui peut être dérogeable. Regardez ce qui s’est passé à Londres une fois que le gouvernement a baissé les normes de sécurité… Une catastrophe. Aujourd’hui, on interdit de polluer la vie des poissons, et c’est très bien, mais on pourrit la vie des salariés. Puisqu’il sera autorisé d’y déroger à l’infini.
Vous n’êtes pas la seule organisation à vous opposer au projet du gouvernement. Une rencontre entre organisations syndicales est-elle à l’ordre du jour ?
François Hommeril La concertation entre les syndicats est plus que nécessaire. Nous avons tous nos numéros de téléphone et nous avons des contacts rapprochés et officieux afin d’échanger sur ce qui a été dit lors des différentes rencontres bilatérales. Et sur ce qui nous paraît important de tenir comme position. Il arrivera un moment où nous devrons nous réunir officiellement pour faire part de nos désaccords communs avec le gouvernement. C’est ce que le pays attend de nous. L’ensemble des Français vivrait mal que nous soyons à nouveau divisés.
La CGT propose une première journée de mobilisation interprofessionnelle le 12 septembre. Envisagez-vous d’y participer, alors qu’en 2016 vous n’aviez jamais appelé à faire grève ?
François Hommeril Je n’exclus rien. Nous essayons de construire la réponse la plus appropriée. Ce qui va guider notre choix, c’est le caractère rassembleur de cette mobilisation et sa capacité à créer un rapport de force suffisant nous permettant de sortir de l’impasse.