Ex-codélégué général de l’Union syndicale Solidaires, Simon Duteil a fait paraitre dans le Club de Médiapart une réflexion pour les acteurs et actrices du mouvement social et syndical, notamment en cas de victoire du Nouveau Front Populaire: un « Comité de vigilance ».
Un « comité de vigilance » pour le Nouveau Front populaire ?
Comment faciliter le soutien au Front populaire, respecter les spécificités des syndicats et des associations, limiter les renoncements futurs du gouvernement tout en conservant l’indépendance et la critique nécessaire des mouvements sociaux et de la société civile ?
Cette courte phrase présente dans le texte des partis politiques du lundi 10 juin n’est pas anecdotique : les syndicats, comme les associations ont un rôle majeur à jouer dans les jours et semaines qui viennent pour gagner, y compris en appelant à soutenir et voter Nouveau Front populaire
Mais comment ne pas en rester à une formule creuse de circonstance ? Le sujet de fond n’est pas d’avoir quelques député.es qui viendraient du mouvement syndical ou de la société civile. Nous ne sommes pas sur des questions individuelles, mais bien de structures collectives.
Et si le Nouveau Front populaire inventait un nouvel espace démocratique ?
Imaginons la création d’une sorte de “comité de vigilance” libre et indépendant, composé des structures syndicales et associatives ayant annoncé soutenir le Nouveau front populaire. Il rencontrerait régulièrement le gouvernement et la majorité parlementaire pour échanger sur les réformes en cours et vérifier l’application des promesses électorales.
On pourrait même imaginer qu’il soit un espace pour suggérer des décrets et des lois pour appliquer le deuxième programme : celui de la société civile et du mouvement social. Car il reste de nombreux trous dans celui publié le 14 juin..
Par exemple, il est flagrant pour n’importe quel syndicaliste qu’il y a peu d’éléments sur les droits des travailleuses et des travailleurs, alors que c’est une partie importante de nos combats, en particulier depuis la scélérate “loi travail” de 2016.
La priorité c’est la victoire dans quelques semaines. Mais ça ne peut pas être que ça. Même dans ce cas l’extrême droite restera à un haut niveau. Nous avons nos revendications à porter. Décevoir l’espoir c’est reculer pour mieux sauter.
Syndicats, nous restons un contre-pouvoir utile et nécessaire à la vie sociale et démocratique. La victoire du Nouveau Front populaire sera un soulagement par rapport au danger de l’extrême-droite et aux années de macronisme. Et nous serons là pour construire le rapport de force nécessaire pour appliquer les revendications issus du monde du travail, qui implique de fait la lutte écologiste et la lutte contre les discriminations, pour l’égalité des droits pour toutes et tous.
Nous ne sommes pas naïves ou naïfs. L’exercice du pouvoir par la gauche nous a habitués à vivre de nombreux renoncements, parfois des trahisons, qui ont participé à construire la montée de l’extrême-droite. Ne pas les anticiper serait mortel, avec une extrême-droite certes battue le 7 juillet mais qui sera la principale opposition politique.
Nous avons quelques jours pour réfléchir à la façon de créer des relations démocratiques nouvelles qui permettrait d’incarner concrètement le rassemblement inédit qui se dessine. Le “comité de vigilance”, s’il est reconnu comme légitime par les organisations politiques du Nouveau Front populaire, pourrait en être un outil, sans jamais remplacer la nécessité d’un mouvement social fort capable quand ce sera nécessaire de critiquer publiquement le gouvernement ou lancer des grèves.
Il y a tout à inventer pour créer un espoir commun, ne perdons pas de temps.