Le quotidien L’Humanité poursuit son cycle d’interview des responsables de l’intersyndicale. Ici Cyril Chabanier, président de la CFTC.
Cyril Chabanier, de la CFTC : « Nous sommes en position de force »
Publié le Mardi 16 mai 2023Samuel Ravier-Regnat
Élisabeth Borne reçoit mardi et mercredi les leaders des syndicats représentatifs avec un double objectif : tourner la page de la réforme des retraites en lançant ses interlocuteurs sur son programme des « 100 jours », et affaiblir l’unité syndicale lors de ces rencontres bilatérales. Mais l’intersyndicale s’en est prémunie en appelant, dans un communiqué publié ce lundi, à manifester le 6 juin contre la réforme, qu’elle qualifie d’ « injuste et brutale, tout comme l’est par exemple la dégressivité des allocations-chômage, la conditionnalité d’accès au RSA ou des bourses étudiantes ». Soit les thèmes portés par la première ministre.
Président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), Cyril Chabanier sera reçu ce mercredi à Matignon. Il réaffirme cette communauté de vue syndicale, du moins jusqu’au 8 juin, date de l’examen à l’Assemblée de la proposition de loi d’abrogation des 64 ans présentée par le groupe Liot.
Qu’irez-vous dire à Élisabeth Borne, mercredi ?
La réforme des retraites demeure notre principale préoccupation. Le sujet n’est pas clos et nous continuons d’œuvrer pour que ce texte soit retiré. Ce n’est donc pas parce que nous acceptons l’invitation de la première ministre que nous passons à autre chose. Ensuite, nous souhaitons aborder des thématiques d’actualité qui nous tiennent à cœur.
Près de 150 branches professionnelles sur 171 ont des premiers niveaux de rémunération qui sont en dessous du Smic, ce qui n’est pas acceptable »
L’augmentation des salaires, les grilles de classification : dans le privé, près de 150 branches professionnelles sur 171 ont des premiers niveaux de rémunération qui sont en dessous du Smic, ce qui n’est pas acceptable car cela implique que des personnes restent au Smic pendant des années. Le partage de la valeur, l’organisation du temps de travail, le télétravail, les problèmes que pose la suppression des CHSCT par les ordonnances Macron en 2017… Il faudra aussi aborder certaines questions évoquées pendant le débat sur la réforme des retraites, comme la pénibilité ou l’emploi des seniors.
C’est le bon moment pour mettre tous ces sujets-là sur la table : après quatre mois de mouvement social pendant lequel le gouvernement n’a rien voulu entendre, nous sommes en position de force. Le gouvernement ne peut pas ne rien lâcher sur aucun sujet.
L’exécutif peut-il encore renoncer à sa réforme ?
Oui, il y a encore un espoir d’obtenir ce que l’on souhaite. Malheureusement, les manifestations n’ont pas permis de faire reculer le gouvernement et le RIP a été mis de côté. Désormais, le gros enjeu est le 8 juin. C’est pour cela que nous appelons à une journée de mobilisation le 6 juin et que nous avons écrit aux députés et aux sénateurs pour leur demander de voter ce texte.
Nous savons que, si la proposition de loi est adoptée à l’Assemblée, elle risque d’être rejetée par le Sénat, mais cela ferait quand même l’effet d’une petite bombe, avec de grosses conséquences politiques. En cas de rejet par les députés, c’est sûr que cela deviendrait compliqué de continuer à espérer un retrait.
On pourrait s’étonner du fait que des syndicats réputés réformistes, comme le vôtre, appellent à continuer à se mobiliser contre une loi qui a déjà été adoptée et promulguée. Faut-il y voir une évolution dans votre ligne ?
Notre ligne n’a pas bougé. C’est vrai que nous avons la réputation d’être légalistes : quand une loi est adoptée, elle est adoptée. Là, on est dans un cas particulier : cette loi n’a pas été votée par les députés. Elle a été adoptée par le biais de plusieurs articles de la Constitution qui visent à accélérer les débats au Parlement, jusqu’au recours au 49.3 à l’Assemblée nationale. Nous ne contestons pas la légalité de ces décisions, mais nous considérons qu’elles posent un problème de légitimité. C’est le constat de ce passage en force contre la population qui fait la différence.
Souhaitez-vous que l’intersyndicale perdure ?
Le fait qu’on ait mené ce combat ensemble a permis de renforcer la mobilisation. Nous avons eu un discours clair, des revendications qui tenaient la route et les gens ont vu que nous étions capables d’avancer ensemble. Cela a contribué à ce que les syndicats reprennent du poil de la bête.
À la CFTC, nos adhésions sont en hausse de 30 % sur les quatre premiers mois de 2023 »
À la CFTC, nos adhésions sont en hausse de 30 % sur les quatre premiers mois de 2023. Faut-il donc maintenir l’intersyndicale ? Il existe toujours de fortes différences entre nous. Je pense que, quand il y a un sujet sur lequel nous avons des positions communes, il faut le mener ensemble, car on sera plus efficaces. Quand on n’est pas d’accord, en revanche, chacun retourne chez soi et travaille de son côté.