Voici des réactions syndicales et associatives à la loi dite de « sécurité globale » dont l’examen débute à l’Assemblée nationale le 17 novembre 2020. Ci-dessous une tribune collective signée par Solidaires, puis la CGT, FO, FSU. La LDH appelle aussi à manifester.
Contre la loi « sécurité globale », défendons la liberté de manifester
Nous nous opposons à la proposition de loi « sécurité globale ». Parmi les nombreuses propositions dangereuses de ce texte, trois articles risquent de limiter la liberté de manifester dans des proportions injustifiables, liberté déjà fortement restreinte sur le terrain et de nouveau remise en cause par le Schéma national du maintien de l’ordre.
L’article 21 concerne les caméras portables qui, selon les rapporteurs du texte, devraient équiper « toutes les patrouilles de police et de gendarmerie […] dès juillet 2021 ». S’il est voté, le texte autorisera donc la transmission des flux vidéo au centre de commandement en temps réel. Cela permettra l’analyse automatisée des images, et notamment la reconnaissance faciale des manifestants et des passants, en lien avec les 8 millions de visages déjà enregistrés par la police dans ses divers fichiers.
Ces nouveaux pouvoirs ne sont justifiés par aucun argument sérieux en matière de protection de la population et ne s’inscrivent aucunement dans une doctrine de gestion pacifiée des foules. L’effet principal sera de faciliter de façon considérable des pratiques constatées depuis plusieurs années en manifestation, visant à harceler des opposants politiques notamment par des placements en « garde à vue préventive », par l’interdiction de rejoindre le cortège ou par des interpellations arbitraires non suivies de poursuites. Ces pratiques illicites seront d’autant plus facilement généralisées que l’identification des militants et des militantes sera automatisée.
L’article 22 autoriserait la surveillance par drones qui, selon le Conseil d’État, est actuellement interdite. Ici encore, la police n’a produit aucun argument démontrant qu’une telle surveillance protégerait la population. Au contraire, nous avons pu constater en manifestation que les drones sont avant tout utilisés pour diriger des stratégies violentes contraires à la liberté de manifester : nassage, gaz et grenades lacrymogènes notamment. Comme pour les caméras mobiles, la reconnaissance faciale permettra ici aussi d’identifier des militantes et militants politiques.
En clair, le déploiement massif des caméras mobiles et des drones, couplés aux caméras fixes déjà existantes, entraînerait une capacité de surveillance généralisée de l’espace public, ne laissant plus aucune place à l’anonymat essentiel au respect du droit à la vie privée et ne pouvant avoir qu’un effet coercitif sur la liberté d’expression et de manifestation.
L’article 24 vise à empêcher la population et les journalistes de diffuser des images du visage ou de tout autre élément d’identification de fonctionnaire de police ou militaire de gendarmerie. Autrement dit, les images des violences commises par les forces de l’ordre ne pourront dés lors plus être diffusées. Le seul effet d’une telle disposition sera d’accroître le sentiment d’impunité des policiers violents et, ainsi, de multiplier les violences commises illégalement contre les manifestantes et manifestants.
Nous appelons les parlementaires à s’opposer à ces trois dispositions qui réduisent la liberté fondamentale de manifester dans le seul but de faire taire la population et de mieux la surveiller.
Signataires
- ACAT France
- Action Droits des Musulmans
- Alternatiba Marseille
- Antanak
- ANV-COP21 Marseille
- Association Dédale
- Assodev-Marsnet
- ATTAC
- Bee-home
- Canal-D
- CCPA – Collectif Climat Pays d’Aix
- CECIL
- Cliss 21
- CNNR
- COLL•E•C – Collectif d’Échanges Citoyens du Pays d’Aix
- CREIS-TERMINAL
- DONUT Infolab
- FAIbreizh
- FAImaison
- FDN
- FFDN
- Franciliens.net
- GISTI
- Globenet
- Hoga
- Illyse
- Indie Hosters
- INP-net
- L’Auberge des Migrants
- La Quadrature du Net
- Les-Tilleuls
- Ligue des droits de l’Homme
- Mailden
- Marseille révoltée
- Minga
- MODE 83
- Moutons Numériques
- Mouvement Écologiste Indépendant »
- Numericatous
- Observatoire des Libertés et du Numérique
- Parti Pirate
- Ploss Auvergne Rhone Alpes
- Rap Marseille
- ReAct
- RESINE média
- RevLibre
- ritimo
- Sherpa
- Solidaires Informatiques
- Syndicat de la Magistrature
- Syndicat des Avocats de France
- Toile-Libre
- Union syndicale Solidaires
- Vélorution Paris-Île-de-France
Un projet de loi sécurité qui n’est pas au service de la population
Ce 17 novembre, débute l’examen à l’assemblée nationale de la proposition de loi relative à « la sécurité globale », dans le cadre d’une procédure accélérée.
Ce texte contient de nombreuses atteintes au droit de la vie privée, à la liberté d’informer, au principe d’égalité et à des principes constitutionnels de légalité des peines et délits comme l’a dénoncé la défenseure des droits dans son avis publié le 5 novembre.
Pour la CGT, comme pour de nombreuses associations et organisations, il s’agit là d’un cran supplémentaire gravi par le gouvernement dans la remise en cause de la liberté de manifester. L’utilisation de caméras et drones permettant la reconnaissance faciale des militant.es lors de manifestations constitue un outil supplémentaire de surveillance généralisée.
Nous ne sommes pas dupes, ces dispositifs n’ont pas vocation à protéger la population ou à contribuer à la pacification des manifestations mais à faciliter la répression des militant.es et à intensifier les pratiques de nassage, de gaz et grenades lacrymogènes.
La liberté de la presse est également dans le viseur avec la création d’un nouveau délit qui empêche la diffusion d’images d’agent.es de police ou de gendarmerie. Or, le caractère public des « forces de sécurité » et le nécessaire contrôle démocratique de celles-ci ne sont pas compatibles avec cette grave atteinte à la liberté d’informer.
Par ailleurs, les entreprises de sécurité privée se voient habilitées à exercer des missions de service public. Les polices municipales se voient dotées de prérogatives importantes qui relèvent pourtant des missions de l’État et, ce, à titre expérimental pour une durée de 3 ans. La liste des infractions qu’elle pourra constater est élargie (usage de stupéfiants, conduite sans permis, vente à la sauvette, dégradations, etc.), elle pourra participer à la sécurisation des manifestations culturelles, sportives et récréatives. La ville de Paris aura une police municipale de droit commun.
Cet ensemble de dispositions concourt à un processus de privatisation à peine déguisée qui remet en cause les principes d’égalité. En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme le droit inaliénable à la sûreté qui protège les citoyen.nes de l’arbitraire de l’État et l’immunise contre les arrestations ou les emprisonnements arbitraires. Aujourd’hui, la vision de la « sécurité », c’est précisément le contraire.
Le tout sécuritaire ne peut être la réponse à la crise que traverse notre société. Les solutions sont à trouver par une autre répartition des richesses, par une politique marquée du sceau de la justice et du progrès social et la mise à bas des politiques d’austérité menées ces dernières années par les gouvernements successifs.
Pour la CGT, la « sécurité » de demain doit être au service de toute la population et assurée par un service public uniforme sur tout le territoire ; dotée de moyens humains et matériels ; contrôlée par la population de façon démocratique et être garante de la devise de la République : Liberté – Égalité – Fraternité.
La CGT appelle à rejoindre les rassemblements organisés ce mardi 17 novembre, à 16 heures, à proximité de l’assemblée nationale et ce samedi 21 novembre, Place des Droits de l’Homme, pour défendre la liberté de manifester, la liberté d’informer et des services publics garants de toutes les libertés.
Montreuil, le 17 novembre 2020
|
||
|
Comme cela avait été annoncé il y a plusieurs mois déjà, le gouvernement présente actuellement son projet de loi « sécurité globale ». Ce projet prévoit des mesures qui restreindraient gravement les libertés publiques et notamment le droit à la vie privée et la liberté d’information, sans offrir aucune garantie supplémentaire contre le terrorisme, empêchant de fait toute dénonciation de dérives et violences policières.
La FSU, en accord avec les associations de défense des droits de l’Homme et de la liberté de la presse ainsi que la Défenseuse des droits, dénonce de graves dangers pour le respect de la vie privée, la liberté d’information et la liberté d’expression garantis par la Constitution. Des principes que Samuel Paty, notre collègue assassiné a justement payés de sa vie, et qu’il serait indigne de bafouer ainsi.
Les policiers municipaux pourraient consulter les images de vidéoprotection – alors même qu’ils ne peuvent enquêter sur des actes terroristes ; les images des caméras piétons des policiers pourraient être exploitées en temps réel, sans objectif explicite, mais le risque est patent qu’elles servent notamment à la reconnaissance faciale des manifestant-es et des passant-es, en lien avec les données enregistrées par la police dans ses divers fichiers.
Enfin, l’utilisation de drones permettrait une surveillance très étendue et particulièrement intrusive, contribuant à la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel.
Le gouvernement entend également restreindre, voire interdire la diffusion d’images de policiers dans l’exercice de leurs fonctions, y compris par la presse et même en l’absence d’intention malveillante envers les fonctionnaires de police. Cela entre sinistrement en résonance avec la logique confrontationnelle en matière de maintien de l’ordre qui prévaut depuis plusieurs années et la montée en puissance des violences policières. S’il est légitime de vouloir protéger l’identité des fonctionnaires de police en dehors de leurs fonctions, dénoncer les violences de certains individus est un droit.
Mais qu’y a-t-il donc à cacher ? Les images de violences policières font mauvais effet, et sont plus difficiles à nier pour un gouvernement qui a théorisé une pratique violente de maintien de l’ordre, décriée sur le plan international. L’action des forces de sécurité est par nature publique, et la publication d’images relatives aux interventions de police est légitime et nécessaire au fonctionnement démocratique, comme à l’exercice de ses propres missions de contrôle du comportement des forces de sécurité. Pour la FSU, une police républicaine au service de la population ne doit rien avoir à cacher, et le droit à l’information doit être respecté.
Une société dominée par le répressif et l’arbitraire s’appuyant sur le contrôle, la surveillance des populations, de surcroît par le fantasme de nouvelles technologies salvatrices mène à l’impasse. Au contraire, et plus fortement encore aujourd’hui, c’est l’exigence démocratique, corollaire d’apaisement, qui doit prévaloir et c‘est à l’amélioration des conditions de vie, à la résorption des inégalités, à la fin des discriminations, au renforcement et à l’accès aux droits sociaux, à l’éducation, à la culture…qu’il faut s’attacher.
Les Lilas, le 16 novembre 2020