Voici plusieurs correspondances de Toulouse (par ordre de date à partir de la plus récente le 12 mai), par des camarades (et entre autre des syndicalistes) organisant l’Université Populaire, sur le mouvement de lutte contre la loi Travail. Egalement des éclairages (!) sur de la Nuit Debout toulousaine et des interview.
site : www.universitepopulairetoulouse.fr
L’ Université Populaire de Toulouse est une association loi 1901. L’association est domiciliée au Bijou, 123 avenue de Muret à Toulouse.
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Au cours de ces dernières décennies, de profondes transformations scientifiques, économiques, sociales, culturelles, écologiques, géostratégiques… sont intervenues. Un monde différent s’est ainsi mis en place. Le sens dans lequel il se développe s’y est révélé : inégalités, pauvreté, insécurités, sexisme, crise écologique, extrémismes religieux. La crise et son ampleur en ont souligné l’instabilité.
L’humanité est aujourd’hui devant des choix décisifs pour son avenir. Mais, faute de penser les temps nouveaux que nous vivons, nous les subissons. Si nous voulons transformer ce monde, il faut que nous nous efforcions d’en comprendre les dynamiques et les contradictions en explicitant et en faisant vivre de nouvelles utopies collectives qui tracent la voie d’une nouvelle civilisation.
Nous voulons donc permettre et favoriser l’expression de l’ensemble des diverses pensées critiques qui s’opposent au règne sans partage de la raison économique et de la marchandisation généralisée du Monde.
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En attendant les routiers et les cheminots
lundi 16 mai 2016
par
popularité : 100%Le 12 mai, la manifestation, appelée par l’intersyndicale, a conclu une semaine riche en mobilisations.
Ce fut la riposte immédiate à l’annonce du 49-3 le mardi 10 dès 18h00 qui a réuni 1500 personnes (au moment le plus fort selon La Dépêche). Le lendemain, à l’appel du collectif « Y a pas d’arrangements »réunissant Dal, Attac, Cip, Nuits debout, coordination lycéenne,l’opération choco BN,une visite à la permanence de la députée Mme Martinel ,s’est soldée par quatre arrestations de militants.La manifestation du 12 mai est presque une réplique du 28 avril quant au nombre de manifestant e s ( 3000 pour la police et 12000 pour l’intersyndicale, la réalité se situant plus vraisemblablement autour de 6000 à 6500″), manifestation combative composée majoritairement de salarié-e-s avec une présence importante du privé, dont la métallurgie, dans le cortège CGT . La jeunesse était, pour l’essentiel ,regroupée derrière les banderoles Nuits Debout. La manifestation s’est terminée devant le Conseil Départemental et le commissariat central, de part et d’autre du canal. Les responsables des OS départementales CGT, FSU, Solidaires et des étudiant-e-s et lycéen-ne-s ont obtenu qu’une délégation de l’intersyndicale soit reçue et ressorte moins de 3/4h après, accompagnée des 4 militants qui avaient été placés en GAV….lire ici
Au coeur de l’après-midi une nouvelle manifestation a sillonné les rues de Toulouse donnant lieu à des affrontements avec la police et neuf nouvelles interpellations.
La tonalité de la presse, radios et TV en particulier a mis l’accent sur une mobilisation qui marquerait le pas, tout en signalant que la semaine à venir pouvait conduire à une poussée gréviste, routiers, cheminots, industrie chimique, ports.
Ce qu’il est essentiel de retenir de la semaine écoulée c’est d’abord l’immédiateté et la détermination de la riposte juste après l’annonce du 49-3,avec une multitude de mobilisations dans de nombreuses villes et l’élargissement de la fracture, déjà béante, avec le PS dont bon nombre de locaux ont été malmenés (par exemple occupation par la CGT de celui de Montauban…) Le débat qui a eu lieu au détour de la motion de censure est important à plus d’un titre, les frondeurs du PS ont refusé la censure au prétexte qu’il provoquerait la chute du gouvernement et précipiterait le retour de la droite. Une élection à l’heure J en 2017 provoquera le même effet Ce qu’ont fait les frondeurs, qui seront mis,à la fin, dans le même sac que les autres députés PS, c’est de privilégier l’appareil afin d’ éviter toute scission espérant par là une improbable unité du parti.
En agissant ainsi, ces derniers ont envoyé un message à la gauche radicale (dont une partie pensait, à tort, que l’arc de force pour 2017 passait par ces mêmes frondeurs) sur les limites de leur disponibilité pour construire une alternative au libéralisme. Le vote de la motion de censure, entraînait, de facto, la chute du gouvernement en provoquant de nouvelles élections, la définition d’un programme, des alliances invraisemblablement…sur la base d’une rupture avec le social libéralisme et la construction d’une alternative ; le tout sur fond de mobilisation sociale. Un mode d’approche de la politique très éloigné de la pensée des frondeurs. C’est la reproduction de la bureaucratie qui commande ici et non le rapport entre la politique et le social.
C’est donc dans la rue que va se jouer la partie, mais cela ne nous étonne pas.
La semaine qui vient sera décisive et elle verra, ou pas, le développement de la grève. L’intervention du secrétaire général de la CGT le 13 mai sur France Inter mettant en avant la reconduction de la grève à partir du 16 est sans équivoque, mais l’appel en lui-même ne suffira pas. Il faudra que les équipes syndicales s’en emparent et convainquent les salarié-e-s que l’épreuve de force a sonné. L’entrée en lutte de secteurs significatifs au pouvoir bloquant (comme les routiers et les cheminots) peut avoir une force d’entraînement ; y compris dans des secteurs où le mot d’ordre de grève générale reste assez largement inaudible.
Ce sera aussi pour Nuits Debout un bol d’air, pour trouver un second souffle. L’apport du mouvement est incontestable pour la suite, à condition que ces immenses débats ne soient pas conclus par une défaite sur l’élément déclencheur de Nuits Debout, la loi El Khomri.
A Toulouse Nuits Debout a la particularité de fonctionner, pour les actions, au sein d’un collectif unitaire réunissant le DAL, ATTAC, les intermittents,des individus, lycéen-n-e-s étudiant-e-s…collectif appelé « Y a pas d’arrangements ». Ce fonctionnement a aussi ses propres travers ; il ne réunit pas toujours/souvent toutes les forces qui pourraient se retrouver là et a, de fait, ses propres limites en terme de capacité de mobilisation.L’addition de sigles ne résout pas la question du nombre. Lors de ces manifestations « coup de poing » on constate la présence de nombreux-ses militant e s syndicaux, politiques ; cela contribue à la réussite de la mobilisation et à sa propagation dans la société. Mais il faut raison garder, les actions symboliques ont pour fonction de frapper l’opinion, de réveiller les consciences. Et si le réveil social n’a pas lieu, si le nombre ne vient pas, les actions symboliques mourront d’elles-mêmes. Le blocage d’une zone industrielle n’a de sens que si dans la foulée ceux et celles qui y travaillent l’occupent eux-mêmes.
Nuits Debout maintient une permanence dans l’action. La présence de syndicalistes CGT, FSU, Solidaires dans les assemblées est un fait indiscutable…En revanche, pour l’instant, la jonction s’arrête là : Nuits Debout n’est pas rentré dans les lieux de travail et d’études.
Lire interview Nuits Deboutlire ici
http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article705
- Manifestations, violences, radicalité. Un cocktail sans saveur si le mouvement social ne s’organise pas à la base.
par
Du seul point de vue comptable, la manifestation du 28 avril a été en deçà du 9 avril ; mais ce constat doit être modulé par la période des vacances scolaires. La détermination pour en finir avec la loi El Khomri reste intacte comme en témoigne le nombre de manifestants dans les régions hors vacances scolaires ou bien le blocage routier tôt le matin du 28 dans la banlieue toulousaine (comme dans beaucoup d’autres villes). Le 1er mai n’est pas à la hauteur (6 000 à 10 000 manifestant.e.s), autour de la question essentielle de « la loi travail » ; ce n’est pas la meilleure façon de débuter ce mois crucial pour le mouvement de grève et pour Nuits Debout.
Dès le début, nous avions écrit que le mouvement serait long à se mettre en place ; il alterne journées de fortes mobilisations comme le 31 mars et journées de mobilisation s de moindre ampleur comme le 28 avril. L’essentiel dans la construction du mouvement étant, à l’étape actuelle, de maintenir la continuité depuis le 9 mars.
Dans ce contexte, la grève significative des cheminots le 26 avril, les acquis substantiels arrachés par les intermittents occupant de nombreux théâtres dans le pays,et la lutte à l’hôpital ainsi qu’au conseil départemental sont des leviers importants pour la mobilisation. Les luttes catégorielles, au sens de catégories de travailleurs, ne diluent pas le combat général mais le renforcent.
Nuit Debout à Toulouse peine à devenir massif, comme dans d’autres villes, Paris en particulier , même si de Nuits Debout en Nuits Debout la mobilisation reste forte et correspond par conséquent à une véritable attente. .lire ici
La venue avec prise de parole du secrétaire général de la CGT place de la République est un geste fort qui concrétise la volonté de jonction entre les organisations syndicales et le mouvement ainsi que la nécessité d’aller vers la grève reconductible. Nous ne sommes pas dans la situation d’opposition entre d’une part une bureaucratie syndicale en haut qui bloquerait toute extension de la grève et d’autre part une base qui piafferait d’impatience pour y aller. En revanche l’accumulation de défaites dans les grandes batailles engagées depuis des années pèse fort dans la décision de s’engager dans une épreuve de force importante.
Grève générale, grève reconductible.
La reconduction de la grève, appelée, décrétée … à partir du 28, n’a pas eu lieu parce que la grève n’était dans aucun secteur suffisamment forte. Les cheminots n’ont pas reconduit le 26 parce qu’ils ont un calendrier propre de mobilisation lié à l’évolution du travail dans l’entreprise confrontée à la concurrence. C’est donc pour le moment la faiblesse globale du mouvement de grève qui interdit toute reconduction. Cheminots, enseignants, postiers…, le secteur public en général a beaucoup été à la pointe du combat depuis la fin des années 70. Avec la défaite des sidérurgistes en 1979, le secteur privé, touché de plein fouet par la désindustrialisation, la fermeture d’usines et donc l’affaiblissement des syndicats,va accompagner les luttes du secteur public en 1995 (on parle beaucoup depuis de grève par procuration) ; puis, on assistera à l’apparition des manifs le samedi et parfois le dimanche. Il faudra attendre 2010 pour voir une branche hors secteur public,les raffineries, jouer le rôle de moteur d’une grève interprofessionnelle. Sans revenir sur 1968 et encore moins sur 1936, beaucoup de militant e s présent e s dans cette mobilisation ont participé aux luttes de 1995-2003-2006-2010. Chacune d’entre elles a eu sa propre logique, mais c’est la participation massive des salarié e s aux assemblées générales qui a été déterminante pour le déclenchement d’une grève quasi générale dans le secteur public en 1995.
A l’époque, la base piaffait d’impatience et avait envie d’en découdre. En 2003, après la trahison, pour la deuxième fois,de la CFDT sur les retraites, les AG vont mincir et la grève, hormis les jours des temps forts, sera faible dans la plupart des secteurs, sauf chez les enseignant e s. En 2010, alors que le débat sur la reconduction est ouvert et présent dans la plupart des syndicats, la participation des salarié e s aux AG est très minoritaire dans beaucoup de secteurs (Education nationale, poste, télécom…). Bon nombre de militant e s absent e s des AG diront qu’ils ne voulaient pas être confronté e s au débat sur la reconduction… lire ici
Pourtant, la question essentielle est bien celle de la participation massive des salarié e s aux AG pour décider la grève et sa reconduction. Nous touchons ici au deuxième obstacle au déclenchement de la grève et de sa reconduction : la faiblesse du syndicalisme, parfois divisé entre organisations, opposées pourtant à la loi El Khomri.
Si CGT-FO-Solidaires-FSU ne font pas preuve dans les entreprises de la même unité que dans la rue, il est fort peu probable alors que des AG massives aient lieu pour décider la grève. La jeunesse est trop peu mobilisée pour aller, comme en mai 68, aux portes des usines convaincre de l’utilité de se mettre en grève. Serait-ce suffisant d’ailleurs pour faire débrayer Airbus ? Peut-on imaginer, sur la loi travail, les salariées d’un commerce en grève et ceux d’Airbus au travail… ? Des militant e s parfois hostiles aux syndicats, aux leaders… reprochent à ces mêmes syndicats de ne pas appeler à la grève générale.
Mais laissons de coté ces contradictions. Si les 4 syndicats, CGT-FSU-Solidaires-FO, appelaient à la grève générale, la base répondrait-elle enfin présente ? Certains pensent que c’est ce qui fait défaut, un appel du sommet des syndicats compensant le secteur (comme les raffineries en 2010) pour déclencher une grève et sa généralisation même partielle. Nous sommes convaincus que si cela avait lieu, il y aurait sans aucun doute une secousse dans le pays et une peur bleue des gouvernants… Mais cela suffirait il à produire des AG massives ? Là est la question essentielle.
La violence
Le danger qui guette désormais le mouvement est la violence, entrevue le 28 avril à Toulouse, et présente depuis le début dans d’autres villes comme Rennes ou Paris. Par violence, nous entendons ici la systématisation de l’affrontement avec la police à chaque manifestation ; et nous sommes convaincus, par ailleurs, qu’un changement de politique ne se fera pas sans heurts.lire ici Dans le mouvement en cours, les exactions de la police sont responsables, depuis le début, de la plupart des affrontements constatés lors des manifestations. Les dispositifs policiers, en uniforme et en civil, sont démesurés. Gardes mobiles, CRS et BAC sont à quelques mètres des manifestant e s sur tous les parcours des manifestations. De nombreuses vidéos montrent la police tabassant des manifestant e s (un jeune étudiant a perdu un œil à Rennes…) Si les forces de l’ordre agissent de la sorte, alors qu’elles savent que tout le monde peut filmer, c’est qu’elles ont toute latitude pour le faire. La brutalité policière a une fonction politique précise : faire mal et faire peur, dissuader de revenir ou de venir et faire comprendre que même si on n’a rien fait, c’était une erreur d’être là. Mater la foule !voir ici
C’est une politique assumée du gouvernement que de répondre par la violence au mouvement social et d’arrêter des jeunes, des syndicalistes en espérant que l’opinion publique se retourne contre les manifestant e s. Et la grève qui tarde à s’installer renforce cette logique. La droite, depuis un bon bout de temps, exige l’interdiction de Nuits Debout et des députés demandent l’interdiction des manifestations ;de fait il est à craindre que le gouvernement y consentira s’il sent que le mouvement se durcit sans se renforcer.voir ici
Ce qui est en jeu pour le gouvernement, c’est le socle de sa politique libérale que Pierre Dardot et Christian Laval analysent ainsi : « …Il s’agit en dernière analyse de soustraire les règles du droit privé (celui de la propriété et de l’échange marchand ) à toute espèce de contrôle exercé par une « volonté collective » car » un état qui adopte pour principe de soumettre son action aux règles du droit privé ne peut prendre les risque d’une discussion publique sur la valeur de ses normes, a fortiori ne peut-il accepter de s’en remettre à la volonté du peuple pour trancher cette discussion » (citation tirée de l’ouvrage « Nouvelle raison du monde »).lire ici
La protection des manifestations se trouve maintenant posée de façon sérieuse. Protéger une manifestation contre les agressions policières est une tâche qui ne fait plus partie des traditions du mouvement syndical. Ce serait pourtant d’une grande utilité au vu de tout ce que les vidéos ont montré ; ainsi elle inciterait beaucoup de personnes à venir grossir les rangs des manifestations protégées par ceux qui les organisent. Car c’est bien le nombre qui est la solution au problème.
Mais il y a un autre aspect dans ce débat pour un certain nombre de militant e s : il ne s’agit pas, pour eux-elles de protéger la manifestation et les manifestant e s mais de profiter de celle-ci pour affronter la police. Nous ne portons pas de jugement sur les militant e s qui pensent ainsi, c’est leur droit ;en revanche nous contestons le fait que la décision d’affronter la police soit le choix d’un petit nombre qui s’impose à tout un mouvement. Ce n’est pas la même chose que la mise en place d’un rapport de force collectif sur le terrain, basé sur une organisation permettant à tous et à toutes de « tenir la rue » dans des conditions de sûreté avérées. En effet, la grande majorité des personnes qui viennent à une manifestation n’est pas prête, pas préparée à subir ces assauts de violence ; et ce sont souvent des manifestant e s isolé e s, pas préparé e s, qui sont de fait interpellé e s. Coups, passage à tabac, insultes… produisent, dans la plupart des cas, de la peur et non de la radicalisation.voir ici
Il y a, en outre, un paradoxe dans le positionnement adopté par certain e s manifestant e s revendiquant la violence de rue : contester toute forme d’organisation, surtout celle d’un service d’ordre, au nom de la liberté de chacun e de faire ce qu’il veut et ainsi vouloir imposer à tout un cortège le choix de l’affrontement avec la police ; cela sans jamais rendre de compte à qui que ce soit.
L’enjeu politique
Au delà de ces considérations sur la violence, il y a pourtant dans ce mouvement qui balbutie toujours, un fait d’une importance capitale : c’est la fracture profonde, définitive, entre la majorité de la population, salarié e s, jeunes…et le parti socialiste (le récent congrès de la CGT en étant un exemple marquant). La loi El Khomri est le catalyseur de toutes les rancœurs accumulées à l’encontre de ce gouvernement. Cela paraît simple, évident mais c’est la première fois, qu’à cette échelle, tant de salarié.e.s, de jeunes descendent dans la rue pour s’opposer à un gouvernement de « gauche ». C’est aussi la première fois qu’un président sortant est en passe d’être battu dès le premier tour et devancé par un candidat de la gauche radicale. Cela paraît « aller de soi », particulièrement pour les jeunes dont c’est le premier acte politique ; mais ce débat sur la nécessaire autonomie par rapport au PS (ce que la fracture politique actuelle traduit) a commencé en 1997 à travers l’appel « Nous sommes la gauche » revisité en 2008 par un article de Jérôme VIDAL, « Que faire du Parti Socialiste » dans La Revue Internationale des Livres et des Idées, RiLi n°8 (décembre 1988). A lire ou à re lire.
Que sortira-t-il de cela ? Mai 68 nous a appris qu’une grève générale ne suffisait pas à balayer le pouvoir.
Le mois de mai est là. Le débat à l’assemblée nationale débutera le 3 mai, l’usage du 49-3 démange le gouvernement, mais il peut aussi faire lanterner le débat pour un vote en juillet. Le MEDEF est tenté par un coup de force. Ce qui est décisif maintenant, c’est un plan de lutte et l’inscription d’une nouvelle grève qui doit poser la question de la reconduction et de ses modalités. Des AG sur les lieux de travail, sur les lieux de vie, sur les places publiques doivent être proposées.
Il est essentiel et urgent que la question de la possibilité de manifester librement et en toute sûreté soit posée.
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14 avril – 7ième journée de mobilisation contre la « loi travail »
dimanche 17 avril 2016
parComme le 5 avril la journée de mobilisation intermédiaire du 14 avril a une double signification : ne rien laisser passer dans l’actualité en lien avec le sujet essentiel, maintenir la mobilisation de rue par des blocages, des manifestations. De ce point de vue cette journée est une réussite.
Images de la manif du 14 avril actucotétoulouselire ici
Images FR3 lire iciPierre GATTAZ, venant faire une conférence devant les patrons sur le thème de « La solitude du chef d’entreprise » devient la blague du moment « La patron du Medef moqué par les manifestants » titre de La Dépêche , de fait sa venue suscite une mobilisation, elle est relayée par les médias, et en outre elle se produit à un moment où un certain nombre de chefs d’entreprise sont mêlés à des affaires d’argent. L’argent même dont ils veulent priver les salarié-e-s pour s’en mettre plein les poches.
La bataille idéologique sur la loi travail est gagnée, 70% de la population est hostile au projet, le MEDEF est déconsidéré par une majorité de la population. Mais ce mouvement social a une autre dimension, il synthétise le refus de la politique menée et rejette clairement l’oligarchie en place, sans pour autant formuler une autre alternative. Cette bataille là n’est pas gagnée.
On est au coeur de la problématique majeure qui perturbe le mouvement social. Les grèves de 95 débouchent en 1997 sur la victoire aux législatives de la « gauche ». En 2012 Hollande est élu contre Sarkozy. Des victoires par défaut accompagnées dès 2002 par une première secousse : la présence au second tour de Le Pen et l’élimination de Jospin, une alerte qui n’aura servi à rien, puisque le FN, n’a jamais été aussi haut
. Depuis quelques années maintenant, rapidement après l’élection de Hollande on assiste à une rupture profonde et probablement irréversible pour un certain nombre d’années, entre le PS et le mouvement social.
Pour la première fois, une bataille sociale contre la loi travail est associée au changement politique, c’est à dire la volonté de se débarrasser d’un gouvernement, que le mouvement social a contribué à mettre en place, s’exprime clairement. On avait noté ces premières fractures dès 2013 quand les syndicats CGT-FO-FSU-Solidaires à Toulouse ont appelé à plusieurs rassemblements devant les locaux du Parti Socialiste. Aujourd’hui on macule ces locaux de peintures, on pisse sur les devantures …une rupture profonde, qui est la condition sans aucun doute d’un changement politique.
Nuits Debout, symbolisent cet aspect de la mobilisation, de façon imprécise, balbutiante, voire puérile, mais il y a dans ce mouvement le souci de s’adosser à une mobilisation pour aller plus loin. Saura-t-il s’emparer de cette tâche ?
Ce que l’on constate pour le moment c’est un élargissement territorial des Nuits Debout, jusque dans les petites villes, pas d’agressivité ou de rejet à l’encontre des syndicalistes, d’intellectuels, des militant e s organisé e s mais l’accueil est différent à l’encontre des politiques. Il y a un temps pour les discussions aussi importantes soient elles et un temps pour l’élaboration, ce que Lordon énonce à sa façon dans l’interview à Reporterre. Lire ici On note qu’à l’instar des mouvements sur les places d’Espagne, les occupant e s sont friands de la commission* comme mode de fonctionnement symbolisant probablement l’horizontalité. A Toulouse, il y a plusieurs commissions dont une santé, éducation…la question qui est posée est quelle est la différence entre l’élaboration de ces commissions et ce qui est élaboré dans les syndicats, les associations de parents d’élèves, pour l’éducation ? S’il y a une différence comment la commission peut soumettre son travail au personnel, aux parents d’élèves ? En matière d’action comment la commission peut-elle compléter, enrichir voir dépasser…ce que proposent les syndicats. Ces questions pourraient s’appliquer aux autres commissions thématiques, mais aussi aux commissions actions. Dans le texte que nous reproduisons de Médiapart , opposant dans un débat Lordon et David Graeber, anthropologue américain et activiste du mouvement Occupy Wall Street, la question de la verticalité surgit vite, et elle divise Lordon et Graeber. Voir texte de Médiapart ci dessous. Elle est proposée par Lordon adossée à l’idée de « porte-parole élus, contrôlés, mandatés et révocables », idée bruyamment saluée par le public. La question des porte paroles et donc d’une certaine centralité du mouvement Nuits Debout semble être la question majeure qui va se poser dans les semaines qui viennent Par exemple il est paradoxal que la Société générale épinglée dans l’affaire des « Panama papers » n’ait été la cible d’occupations que dans une seule ville Paris. L’étape de l’indignation n’a pas été franchie et ce sont des responsables politiques qui ont formulé des propositions : mise sous tutelle. Est-ce le paradoxe d’un mouvement qui rejette les leaders, les portes paroles, sans savoir formuler des propositions que la situation ouverte par la société générale imposait ?
Le temps long que nous évoquions depuis le début de nos articles, se poursuivra probablement jusqu’à juin il a commencé le 9 mars.
D’autres rendez-vous importants sont déjà dans les agendas, le 26 avril pour les cheminots, le 28 avril l’interprofessionnelle qui coïncidera avec la fin des congés scolaires sans compter les velléités de grève reconductible à la SNCF.
*Dans une de ses « vilaines chansons » La Révolution, Léo FERRE chantait « Quand on ne veut pas faire la révolution, on l’a met dans une commission, de l’armée de préférence »* 6 ième journée de mobilisation contre la loi travail : un tassement problématique
lundi 11 avril 2016
parLa manifestation du 9 avril est incontestablement moins massive que le 31 mars. Les chiffres de la CGT passent de 100 000 le 31 mars à 20 000 le 9 avril. Le différentiel est énorme ,80 000 et inexplicable, c’est probablement le produit d’une exagération constante du nombre de manifestants.
Pour autant, à vue d’œil le 9 avril la jeunesse n’était pas au rendez-vous. La coordination lycéenne avait bien précisé lors d’une intersyndicale les difficultés à être là le 5 et le 9. Les étudiants n’étaient pas plus nombreux le 9 que le 5 lire ici. Les salarié-e-s manquaient. La CGT, dont le cortège était le plus important, était loin des ses cortèges habituels du 9 et 31 mars qui peuvent être l’équivalent des autres cortèges réunis FO-Solidaires-FSU, voir plus.lire ici
La manifestation du samedi a été inventée par les syndicats, elle devait permettre à ceux et celles qui, travaillant dans de petites boites, pouvaient être en difficulté pour faire grève. lire ici
C’est ce qui a marché en 95, 2003, 2006, 2010, parce qu’alors la manif du samedi complétait la mobilisation de la semaine, grève reconductible et temps forts. Il n’y a pas, pour le moment, cette mobilisation,ainsi les salarié-e-s ayant fait grève et manifesté le 31, ne sont pas tou-t-e-s revenu-e-s le 9 et ceux-celles pour lesquel-le-s la manifestation était organisée ce samedi ne sont venu-e-s qu’en petit nombre.
Ceci montre que la solution pour se débarrasser de la loi travail, voire d’aller plus loin, est dans la grève d’abord. L’idée que ceux et celles qui sont dans de petites boîtes, sont en danger devant l’acte de la grève est certes un argument toujours légitime, néanmoins il cache le vrai problème, celui de la faiblesse des syndicats (1). Quand 70% de la population est pour le retrait de ce texte, cela signifie que la majorité des salarié-e-s y est favorable . Favorable ne signifie pas pour autant être disponible, capable…d’organiser dans une boîte, sans représentation syndicale, et/ou sans une solide connaissance du droit du travail, une grève ,un débrayage.
C’est la fonction et la place des syndicats : agir ensemble, aller dans les déserts syndicaux, appeler à la grève, accompagner, expliquer… enfin soutenir et défendre les salarié-e-s en débrayage ou en grève (si) des sanctions possibles de patrons irascibles En réalité le 9 avril a montré la faiblesse des syndicats, la petitesse des équipes syndicales à la fois concentrées sur leurs propres entreprises toujours pas en grève reconductible, ainsi que leur manque de disponibilité pour aller là où le besoin de syndicats est crucial pour accompagner une grève.
1-Quand on y regarde de plus près on note que dans de très grosses usines notamment de l’aéronautique et de l’espace la grève est rare.La période est propice à la publication de beaucoup d’écrits, d’analyses sur le mouvement et Nuit Debout particulièrement. Nous en publions ci-dessous un certain nombre ; un a retenu notre attention,lire ici parce qu’il pose la question de l’articulation du mouvement contre la loi travail et ce qui est apparu durant ce mouvement Nuits Debout. Nous avons répondu plus haut sur l’argument de la difficulté de la grève, dans maints endroits mais cela ne peut nous exonérer de regarder pourquoi la grève ne se développe pas là où il n’y a pas à priori de « risques ».
Selon Christophe AGUITON, la manifestation, ici dans la version statique de l’occupation des places, serait donc une forme complémentaire voire supérieure à la grève parce qu’elle offrirait les mêmes besoins : une continuité dans la lutte sans les risques de répression. L’argument peut s’entendre, mais il oublie tout de même des faits essentiels, même le gouvernement Hollande n’a pas reculé face aux mobilisations de la droite contre le mariage pour tous . Nos immenses mobilisations de 2003 et 2010 n’ont pas suffi pour gagner sur les retraites. La manifestation et l’occupation de places ne présentent aucun danger si elles ne s’accompagnent pas de fait d’un blocage de l’économie par la grève et d’une remise en cause du pouvoir. Il y a une différence fondamentale entre l’occupation de Tharir et la Puerta del sol. En Egypte, la mobilisation a débouché sur la contestation du pouvoir et de sa remise en cause entraînant des centaines de morts, pas en Espagne.
Il est essentiel d’observer le cheminement d’une mobilisation sociale ,car en effet on constate que quelle qu’en soit sa forme, elle pose à un moment donné la question du pouvoir, elle le conteste. En Espagne la question est revenue par un chemin classique, par Podémos, issue en partie des Indignés,celui-ci est un parti politique voulant conquérir le pouvoir par cette voie là. Ce n’est pas une critique mais un constat. De la même façon les mobilisations de 1995 à 2010 ont contesté les décisions des gouvernements mais par leur légitimité. Ceci pourrait être l’objet d’un débat approfondi
L’autre aspect de ce texte qui attire notre attention est celui consacré à la triple rupture, la question sociale, la loi travail, question morale, déchéance de la nationalité et les positions de Vals (réfugiés…) Nous partageons ce point de vue. En un temps très court, les conditions pour une mobilisation sociale de rue et allant au-delà de la question du départ, « Loi travail » étaient réunies. Situation qui n’a pas existé au moment des appels à mobilisation contre l’état d’urgence. Pour autant ce sentiment constaté depuis le 9 mars, « La loi El Khomri, mais pas que… » existe bien mais reste très diffus, très timide .
Comment alors passer d’une situation très éclatée où les questions politiques se traitent les unes après les autres,sans souci de lien et de logique, à une situation où ces mêmes questions apparaissent avec leur logique, leur cohérence, dans leur globalité, sans que pour autant, pour le moment, une autre logique et une autre cohérence apparaissent.
Comment passer d’une situation où les luttes sont cantonnées à l’établissement, l’usine…à une situation où le rejet massif majoritaire du texte met à l’ordre du jour une mobilisation dont la grève et sa généralisation est un élément clef.
Ce sont les questions essentielles du moment.Est-ce que Nuit Debout contribuera à résoudre ces contradictions ?