Procès France Télécom : un article CGT

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Pour le dernier jour du procès France Telecom, Christian Mathorel, secrétaire général de la CGT FAPT et Jérôme Vivenza, membre de la direction de la CGT en charge des questions travail-santé rappellent la nécessité d’une «petite révolution par l’introduction d’une véritable démocratie sociale dans l’entreprise» pour éviter les drames et les souffrances liées au travail.

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La démocratie contre tous les mépris de classe

Ce 11 Juillet 2019 se termine le procès France Télécom et de ses dirigeants jugés pour harcèlement moral. Deux mois de procès, comme un récit tragique, révélateur de l’évolution des conditions de travail, dans une entreprise dont la finalité de ce travail est passée en quelques années de la réponse aux besoins des usagers du service public, à la soumission aux exigences de rentabilité financière imposées par un marché des télécom ouvert à la concurrence.

Durant ces deux mois, les prévenus ont tenté de justifier leur action en nous faisant croire qu’il s’agissait de sauver l’entreprise. Pourtant, à cette époque, France Telecom affichait un taux de marge de 37,5%, un cash flow de 7,5 milliards d’euros et un chiffre d’affaires en croissance de 2,5%. Tous ces éléments d’analyse démontrent à l’inverse de la bonne santé de l’entreprise. En réalité, seuls les objectifs d’augmentation du cash exigés par les actionnaires ont guidé ces « chauffards du travail », comme les nommera la procureure, sur la route très fréquentée qui mène au profit pour le profit.

Le silence des prévenus n’était pas celui du recueillement, mais celui du mépris comme l’a si justement dit Maitre Cittadini, avocate de la CGT dans sa plaidoirie. Leur absence assumée de compassion, a révélé jusqu’où pouvait aller le cynisme du capital et de ses serviteurs. « On est dans une considération humaine, mais c’est la logique business qui commande » dira même un des prévenu dans un film présenté en séance au tribunal.

Si comme nous l’appelons de nos vœux, le jugement vient confirmer les peines requises par le parquet – 12 mois de prison ferme pour les trois premiers dirigeants, 8 mois pour les autres et 75000 euros pour l’entreprise en tant que personne morale – ce ne sera que justice rendue aux familles des victimes et à toutes celles et ceux qui souffrent encore dans leur chair du traitement que cette politique managériale leur à fait subir.

Mais ce sera aussi un point d’appui déterminant dans la lutte dans les entreprises pour que plus jamais la fin ne puisse justifier les moyens. Un point d’appui également pour gagner la ratification de la convention et sa transcription dans la loi française qui condamne toute forme de violence et de harcèlement au travail. La CGT comme d’autres organisations l’ont exigé dans le cadre des 100 ans de l’OIT à Genève. Car ce serait une erreur grave de laisser penser, particulièrement en ces temps où patronat et gouvernement œuvrent de concert pour livrer administrations et entreprises publiques telle que La Poste, SNCF et autres aéroports de Paris aux appétits de la finance et ces critères de rentabilité, que l’affaire France Télécom serait une exception dans une économie socialement vertueuse.

Ainsi, chez Orange comme ailleurs la mise en œuvre des nouvelles organisations du travail basées sur la flexibilité du travail et l’auto-exploitation, sous couvert de répondre aux attentes des nouvelles générations de travailleurs, portent en elles les ferments de nouvelles souffrances. Elles se traduisent par un renforcement de la charge de travail physique et cognitive et de l’individualisation au service d’objectifs de rentabilité omniprésents. La qualité du travail telle que la conçoit chaque travailleur et chaque collectif de travail est niée, et même réprimée au profit de modes de travail dégradés où l’utilité sociale, l’impact sur l’environnement et la santé sont volontairement mis de côté par les dirigeants.

L’évolution des aspirations des nouvelles générations vis-à-vis du travail est une réalité : équilibre vie privée, vie professionnelle, autonomie, reconnaissance par le salaire et la promotion, droit à la déconnexion, droit d’intervention dans l’organisation du travail… Toutes sont légitimes et étaient au cœur des problématiques qui ont présidé aux cinq chantiers de négociations qui en 2010 ont permis aux salariés de France télécom de sortir de la phase aigüe de la crise sociale. La CGT, alors première organisation syndicale, s’est fortement investie dans ces négociations qui ont, entre autres, mis fin aux mobilités forcées, conclu un accord sur l’équilibre vie privée vie professionnelle, et conduit à la création de 10 000 emplois.

L’utilisation du numérique pour démultiplier les gains de productivité, faire plus de profits avec moins de salaires à payer rend incontournable l’intervention des salariés dans l’organisation du travail pour préserver sa santé, donner un sens à son travail et une finalité autre que générer des profits pour le profit. C’est tout le sens de l’appropriation publique démocratique sur les choix stratégiques et les finalités du travail dans chaque secteur d’activité, chaque entreprise.

La loi sur « la raison d’être des entreprises » sensée intégrer le mieux-disant social dans les stratégies d’entreprise apparaît en l’état comme un leurre visant à améliorer l’image détériorée des entreprises dans l’opinion. Le vrai progrès social dans les faits passera par autre chose, une petite révolution : l’introduction d’une véritable démocratie sociale dans l’entreprise permettant aux salariés, et à leur représentant, un droit de veto sur les restructurations imposées et un droit d’imposer des propositions alternatives dès lors que ces dernières sont majoritaires. Bien des drames et des souffrances liées au travail auraient été ainsi évités.

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