Après les annonces de Macron contre la pauvreté du jeudi 13 septembre, voici les premières réactions syndicales CFDT, CGT et FSU.
- La CFDT :Stratégie pauvreté, de vraies ambitions et de nouveaux droits à concrétiser
Le Président de la République a présenté aujourd’hui la stratégie de lutte contre la pauvreté. La CFDT s’est largement investie dans son élaboration avec une conviction : la lutte contre la pauvreté implique d’avoir une vision globale des parcours de vie. Près de 9 millions de personnes sont aujourd’hui pauvres et cumulent des difficultés en matière d’emploi mais aussi de logement ou de santé.
L’objectif prioritaire de la CFDT est d’obtenir les moyens de disposer d’un droit pour chacun à l’accompagnement global, dans tous les territoires.
Cette stratégie cible les personnes les plus vulnérables et prévoit des dispositions de nature très différente pour répondre à ces multiples difficultés.
La CFDT salue particulièrement :
– Les mesures permettant d’améliorer l’accès aux biens et services essentiels des enfants,
– La simplification de l’accès à la complémentaire santé pour les plus vulnérables,
– Le renforcement, avec des moyens conséquents, des dispositifs d’accompagnement des jeunes pour l’accès à l’emploi, et notamment ceux qui sortent de l’Aide Sociale à l’Enfance
– L’instauration d’une obligation de formation pour tous les jeunes jusqu’à 18 ans
– L’augmentation significative du nombre de jeunes qui bénéficieront de la garantie jeunes, dispositif initié et défendu par la CFDT depuis 2014
– L’amélioration de l’accompagnement des allocataires du RSA
– Ainsi que l’augmentation de 25% des postes aidés sur l’insertion par l’activité économique.
Mais attention, les moyens aujourd’hui annoncés doivent être réellement à la hauteur des ambitions affichées. Les choix et arbitrages budgétaires ne peuvent se faire au détriment de dispositifs d’accompagnement des personnes déjà existants.
De plus, les mesures et les moyens, quels qu’ils soient, ne feront pas tout. Pour la CFDT, la construction d’une société d’inclusion par le travail ne peut se faire que dans le respect du droit à la dignité de chacun. Cette construction doit se faire en étroite collaboration avec les personnes en situation de pauvreté, les associations investies dans la lutte contre la pauvreté et tous les acteurs sociaux et économiques. Ce devra être particulièrement le cas pour la concertation relative à la création d’un revenu universel d’activité.
La CFDT poursuivra son action, résolue et forte pour veiller à l’effectivité des mesures de cette stratégie et à la réalité des moyens.
Le 13/09/2018.
- La CGT : La pauvreté ne mérite pas des déclarations de bonnes intentions. Elle doit être éradiquée.
Suivant, à la lettre, la déclaration du Président « on dépense un pognon de dingue », le plan pauvreté, comme tous ceux qui sont mis en œuvre depuis des années, déclare vouloir faire mieux avec moins.
On connaît déjà l’efficacité de ce type de plan.
De quoi parle-t-on ?
En France, est considéré comme pauvre tout individu vivant dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur à 60% du niveau de vie médian (1 015 euros par mois pour une personne isolée en 2015). Cela représente 14,2% de la population française.
– Parmi cette population pauvre, 1/3 sont des salariés.
Pour ceux-là, le gouvernement ne prévoit rien. La CGT propose d’engager partout des négociations salariales, d’augmenter le Smic immédiatement à 1 800 euros, d’agir pour l’égalité professionnelle femme/homme et de sanctionner les employeurs qui imposent le temps partiel à ses salariés.
– Parmi cette population pauvre, il y a les privés d’emploi dont 1 sur 2 n’est pas indemnisé ; et le gouvernement et le patronat envisagent encore d’économiser 1 à 4 milliards sur les allocations.
– Parmi cette population pauvre, il y a un tiers d’enfants. Si nous ne pouvons que nous féliciter de l’annonce de 30 000 postes de crèche (si les aides aux départements sont effectives, ce qui n’est pas le cas actuellement), un verre de lait au petit-déjeuner ne suffira pas à transformer un système éducatif qui accentue les inégalités sociales alors qu’il devrait les réduire.
– Parmi les 8,8 millions de pauvres, 1 million sont des retraités.
Pour ceux-là, M. Macron leur a dit de se serrer la ceinture.
La CGT propose que les pensions de retraites soient immédiatement augmentées et indexées sur le salaire moyen.
– Parmi cette population pauvre, il y a les bénéficiaires du RSA.
Là aussi, 1/3 de ceux qui y ont droit n’engagent pas la démarche pour en bénéficier. Il faut y remédier.
Le gouvernement entend regrouper l’ensemble des minimas sociaux y compris l’APL, dans un revenu universel d’activité (sans donner le montant) qui serait supprimé, si le bénéficiaire refuse à 2 reprises une offre d’emploi.
On connaît déjà le résultat d’une telle approche. Elle oblige le bénéficiaire à accepter n’importe quel boulot et donc l’éloigne de l’indispensable épanouissement que chacun doit avoir au travail et, surtout, elle permet de tirer vers le bas les salaires et les conditions de travail de tous les autres salariés.
Pour un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA, il ne faut pas, dans un même temps, envisager de supprimer 2 100 conseillers CAF d’ici 2022, de nombreux conseillers pôle emploi (la ministre n’ose pas annoncer le chiffre) et 50 000 fonctionnaires, notamment dans la fonction publique territoriale, qui est au cœur du dispositif de proximité. Il faut donc, au contraire, renforcer les moyens des services publics et des associations qui agissent, au quotidien, pour répondre aux besoins urgents des populations.
La CGT exige non seulement que les emplois soient maintenus mais aussi augmentés à hauteur des missions nécessaires.
Enfin, 1/3 de la population pauvre sont les jeunes de 18 à 25 ans. Pour eux, le gouvernement a déjà baissé les APL et renoncé à encadrer les loyers alors que ce secteur de dépense représente, pour certain, 60% de leur budget.
La CGT, avec les organisations de jeunesse, entend agir le 9 octobre et les prochains jours pour que ceux qui représentent l’avenir de notre pays ne soit pas sacrifiés. Fort de l’annonce de multiplier par 5 le nombre de bénéficiaires de la garantie jeune, nous devons poursuivre notre bataille pour sa généralisation et, surtout, que les moyens soient donnés aux missions locales pour y répondre correctement.
Les bénéfices du CAC 40 ont explosé en 2017 avec 94 milliards d’euros. Les aides et exonérations aux entreprises sont de 230 milliards d’euros chaque année, sans aucun contrôle.
Il y a un pognon de dingue pour éradiquer la pauvreté.
C’est sur cette base que la CGT présentera ses propositions le 17 octobre prochain, journée mondiale de refus de la misère.
Le 13 septembre 2018.
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Force ouvrière :
Plan Pauvreté : aide-toi, Jupiter t’aidera… ou pas !
Alors que les inégalités explosent et que les moins riches deviennent chaque jour plus nombreux, Force Ouvrière fondait de grands espoirs dans le Plan Pauvreté annoncé par le gouvernement. Or, sur un plan strictement comptable, face à 150 milliards d’aides publiques dédiées aux entreprises en seulement un an, les 8 milliards annoncés semblent relever de l’aumône. Peu de moyens donc, mais une ambition clairement affichée : la mainmise absolue de l’État sur toutes les politiques d’accompagnement et d’insertion et évidemment de leurs budgets respectifs – 80 milliards d’euros rien que pour la politique familiale, du logement et les minima sociaux. En matière de gouvernance, le cynisme est au rendez-vous en annonçant confier un rôle clé aux départements, alors même qu’une réflexion sur leur disparition a été engagée par ce même gouvernement. Le résultat est clair et en cohérence avec ce que Force Ouvrière a toujours dénoncé : une décentralisation à la carte des politiques sociales avec pour conséquence une inégalité généralisée.
L’annonce du plan pauvreté du chef de l’État a le mérite de parachever sa vision d’un « nouveau monde » où la France, start-up nation, serait un grand marché où les derniers de corvée auraient des « devoirs » afin de s’assurer une maigre chance de survie. Alors que s’achève une première année dédiée aux premiers de cordée, avoir multiplié les cadeaux aux plus aisés, avoir dérèglementé et privatisé à tout-va et avoir préparé le terreau de l’état de marché où règnent la loi de la jungle et le chacun pour soi, il est temps de faire rentrer dans le jeu de la concurrence les 90 % restants de derniers de corvée et en particulier ceux qui « coûtent un pognon de dingue ».
Deux angles d’attaque principaux voient le jour, dès le plus jeune âge une identification au sein des « gens qui ne sont rien » au cas où se trouverait « un petit Mozart » à-même de rejoindre le club restreint des premiers de cordée. Pour les autres la mise en place d’un « contrat d’engagement réciproque » par lequel chaque pauvre doit, dans le cadre d’un « projet productif » gagner sa « dignité » en prenant part à l’activité du pays et en remplissant des critères fixés par la puissance publique afin de percevoir un « revenu universel d’activité », filet de sécurité minimal que FO condamne fermement.
Fin du modèle social, fin de toute valeur républicaine de solidarité, fin des droits collectifs et individuels sans condition. Du passé il fait table rase, nous ne sommes rien soyons tout !
- La FSU : Lutte contre la pauvreté : mettre en cohérence les discours et les actes…La FSU prend acte des mesures annoncées par le Président de la République pour lutter contre la pauvreté.Avec près de 9 millions de personnes pauvres dans notre pays dont 3 millions d’enfants et plus d’un million de retraité.es, un plan d’urgence ambitieux s’impose.La FSU restera vigilante à ce que ces mesures bénéficient bien à toutes celles et ceux qui sont concerné.es et refusera toute volonté de mise en place d’un contrôle social à grande échelle.
Elle sera particulièrement attentive et exigeante en ce qui concerne les annonces faites sur la petite enfance, la formation obligatoire jusqu’à 18 ans, la création d’un service public de l’insertion et la reconnaissance des métiers qui y seront associés.Mais pour « Faire plus pour ceux qui ont le moins », il est urgent que la lutte contre la pauvreté soit intégrée dans toutes les politiques publiques : logement, transport, santé, affaires sociales, protection de l’enfance, formation, éducation, emploi, culture… « Pour n’oublier personne », l’engagement à lutter réellement contre la pauvreté doit se traduire aussi d’un point de vue budgétaire par une meilleure répartition des richesses et des moyens accrus donnés aux services publics. Pour cela, le rapport CAP 22 ne devra pas être mis en œuvre puisqu’il prévoit des milliards d’économies avec la mise en place d’une allocation sociale unique.La Fonction publique, de par ses missions et les valeurs qu’elle porte, a un rôle majeur à jouer pour contribuer à lutter contre la pauvreté et les inégalités entre les territoires. Or, les réformes libérales décidées actuellement restreignent grandement ses capacités d’action et la réduction programmée du nombre d’agent-es pour intervenir auprès des usager-es, ne lui permettront malheureusement pas de répondre aux enjeux de ce rendez-vous.La pauvreté n’est pas une fatalité sociale mais bien la conséquence de choix politiques.
La FSU alerte le gouvernement sur l’insuffisance de son plan pour faire reculer la pauvreté s’il n’est pas porté par d’autres orientations économiques et sociales. Elle souligne le paradoxe qui consiste à afficher une volonté d’éradiquer la pauvreté tout en menant des politiques qui contribuent à creuser les inégalités et à remettre profondément en cause notre modèle social.Engagée au quotidien pour davantage d’égalité et de justice sociale, pour garantir les droits fondamentaux de toutes et tous, la FSU demande au gouvernement de mettre en cohérence ses discours et ses actes.