Laurent Degousée (SUD Commerce) nous adresse un article d’informations sur la répression syndicale, dans le cadre d’un dossier paru dans Anticapitaliste, hebdomadaire du NPA.
Accès complet au dossier : http://npa2009.org/arguments/repression-syndicale-un-acharnement-politique
GRANDEUR ET MISERE DES SALARIES PROTEGES
Les salariéEs protégés, ce sont les 600.000 représentantEs du personnel, élus ou mandatés, soit 6 % de l’effectif du secteur marchand (un taux à rapprocher de celui de syndicalisation, qui se stabilise à 8 %) qui assurent, dans les entreprises du privé, la permanence de l’action collective et syndicale, le plus souvent contre vents et marées.
Le législateur, pour contrer la toute puissance patronale, les a doté de longue date (les déléguéEs du personnel remontent à 1936, les déléguéEs syndicaux à 1968) d’un statut exorbitant au regard du droit commun : aucune modification de leur contrat de travail ne peut leur être imposée et leur licenciement, quel qu’en soit la cause, doit faire l’objet d’une demande d’autorisation, au nombre de 15.000 chaque année, auprès de l’inspection du travail.
Le motif économique qui fait souvent suite aux licenciements collectifs-en particulier ces dernières années dans le cadre de restructurations dans l’industrie et de liquidations- prédomine, ce qui explique que le taux d’acceptation est de 85 % (le ministère ne publie plus de statistiques sur le sujet depuis 2004). On ne sera pas malheureusement pas surpris de la surreprésentation des représentantEs syndiqués, en particulier ceux et celles affiliés à la CGT, dans les demandes liées à un motif disciplinaire, où la réticence à autoriser le licenciement est cependant plus forte, d’où la hausse du taux de recours hiérarchique auprès du Ministre du travail dans 7 % des cas, majoritairement côté employeurs (58,5 % des décisions sont confirmées par le ministre dans un délai de quatre mois).
Réprimer ou domestiquer
Le revers de l’action syndicale depuis son origine, c’est la répression. Les premières grèves visaient d’ailleurs à réintégrer les meneurs eux-mêmes licenciés. En 2015, on peut parler non pas d’une mais de plusieurs répressions, plus ou moins insidieuses ou brutales. La plus courante est celle à l’avancement : ainsi, une enquête récente a montré que les déléguéEs syndicaux sont payés 10 % de moins que leurs collègues non syndiqués. La mieux combattue aussi, avec la mise en place, d’abord chez Peugeot, d’une méthode syndicale de panel comparatif, qui a abouti à des condamnations importantes puis à des accords de reconstitution de carrière des militantEs ainsi lésés.
C’est la volonté patronale, fort répandue, d’écarter la présence syndicale qui constitue la première des violences : ainsi, 66 % des entreprises qui y sont assujetties n’ont pas de déléguéEs du personnel quand il ne s’agit pas tout bonnement de les morceler pour éviter les effets de seuils et donc la mise en place des instances représentatives du personnel. La montée d’un capitalisme de la franchise dans le secteur du commerce et des services, qui ne compte que 2 % de syndiquéEs, exacerbe cette situation. Selon une enquête de 2005, les salariéEs et donc leurs représentantEs y sont davantage soumis au régime disciplinaire que dans les autres activités.
« Une attaque contre un est une attaque contre tous »
Restauration rapide, People & Baby, Virgin : ces récents conflits, consécutifs à l’éviction manu-militari de déléguéEs et de grévistes, donnent lieu à des luttes au long cours qui aboutissent souvent à des réintégrations. Ils illustrent à l’extrême la judiciarisation grandissante de ces situations (deux ans et demi de délai d’attente devant le Tribunal administratif de Paris par exemple) et les moyens militants et financiers nécessaires à mettre en œuvre pour les contrer, d’où il résulte également un préjudice pour l’organisation concernée. On comprend alors mieux pourquoi la peur des représailles est la première cause invoquée par les salariéEs pour ne pas se syndiquer.
La réponse ne viendra pas de ce gouvernement qui, d’un côté, promet la mise en place d’une action collective contre les discriminations, et de l’autre, réduit la portée du délit d’entrave avec la loi Macron ou bien instaure, dans le cadre du projet de loi relatif au dialogue social, un mécanisme d’augmentation moyenne de salaire pour les déléguéEs les plus investis tout en bloquant la proposition de loi sur l’amnistie des faits syndicaux sous Sarkozy… Elle est plutôt à trouver du côté de la prise en compte grandissante, par les centrales mais aussi de plusieurs acteurs judiciaires, de ce phénomène qui s’est traduit par la mise en place de l’observatoire de la répression syndicale (http://observatoire-repression-syndicale.org/).
Laurent Degousée
Pour poursuivre la réflexion :
– un livre : Répression et discriminations syndicales, collectif (Syllepse)
– une série d’articles (sur le site Terrain de luttes) : http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?cat=202