Le site de l’Université populaire de Toulouse publie une interview du secrétaire du syndicat CGT Latécoère. Latécoère est un équipementier aéronautique qui fournit des grands constructeurs aéronautiques (Airbus, Boeing, Bombardier, Dassault Aviation et Embraer). On voit bien ci-dessous l’interconnexion entre la décision patronale de travailler et les besoins plus « symboliques » que réels du donneur d’ordre Airbus dans le marché mondial.
Interview de Florent COSTE, secrétaire du syndicat CGT Latécoère*.
par
« La peur c’est la peur de créer un syndicat, de se syndiquer, de se présenter aux élections des représentants du personnel, de participer à un débrayage, à une grève, à une manif, de protester d’une manière ou d’une autre. La peur en somme c’est la peur de sortir du rang. La peur est un puissant inhibiteur et un adversaire coriace pour nous militants syndicaux. »
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- Extrait : « pourquoi obliger à travailler »
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Université populaire : A radio Mon Pais tu as déclaré que la relance de la production est criminelle, qu’ est ce qui pousse les patrons à agir de la sorte, l’attrait de bénéfice, le refus de voir syndicats et salariés avoir un droit de regard sur l’organisation du travail, ne pas laisser la population constater que moins d’avions dans le ciel c’est bénéfique pour la planète?
Florent Costes- Nous avons effectivement qualifié de criminelle la décision de la direction de rouvrir les usines en ceci que cette décision mettait en danger les salariés concernés et leur entourage, en ceci encore qu’elle risquait de contribuer à la propagation du virus dans la population et en ceci enfin qu’elle risquait d’ajouter aux difficultés des services hospitaliers et de mettre en danger leurs personnels.
Pourquoi ont-ils pris cette décision ? Ils nous ont dit différentes choses.
Que Latécoère n’était pas éligible au chômage partiel alors qu’ils en ont finalement fait la demande auprès de l’administration fin mars et que celle-ci a été acceptée.
Que la situation économique de l’entreprise et que le niveau de sa trésorerie ne permettaient pas un arrêt prolongé.
Que nos clients avaient repris, qu’ils comptaient sur nous et que nous devions les livrer avant finalement de nous expliquer début avril que les mêmes clients n’acceptaient pas nos livraisons et que donc nous il nous fallait stopper la production.
Que l’État recommandait de maintenir l’activité économique.
Qu’il fallait maintenir l’activité même à un niveau réduit pour pouvoir mieux repartir demain.
Mais mon intervention préférée a été celle du président de notre conseil d’administration, Pierre Gadonneix, qui s’est contenté d’un communiqué de trois lignes expliquant simplement qu’il fallait maintenir l’activité point-barre, sans aucune explication ni justification comme si la chose allait de soi.
Ce que l’on sait, parce que certains patrons l’ont dit clairement, c’est qu’Airbus a mis la pression sur sa chaîne d’approvisionnement pour reprendre la production. Et je crois que les raisons de la décision de la direction de Latécoère de rouvrir nos usines ne sont pas à chercher ailleurs.
Selon moi la décision d’Airbus de remettre la filière au boulot n’obéit à aucun objectif industriel ou économique puisqu’en réalité à peu près rien n’est produit mais plutôt à un souci d’affichage destiné à rassurer les marchés financiers : regardez même en ce moment on continue à produire, gardez confiance ne paniquez pas, ne vendez pas. Voilà au nom de quoi, j’en suis convaincu, on expose des quantités de travailleurs à un virus mortel : défendre le cours de l’action c’est-à-dire le patrimoine des actionnaires.
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