Dans l’Humanité des débats du 20 décembre 2013, Paule Masson commente le livre Nouveau siècle, nouveau syndicalisme. Nous l’en remercions.
Comment inventer le syndicalisme du XXIe siècle ?
Nouveau siècle, nouveau syndicalisme, collectif. Coordinateur : Dominique Mezzi. Éditions Syllepse, 2013, 189 pages, 8 euros. Voici un livre qui ose s’aventurer en terrain mouvant et tente d’explorer la manière dont le syndicalisme doit se réinventer. Construit en deux parties, l’une « Diagnostics » et l’autre « Propositions », l’ouvrage rassemble à la fois les principaux chercheurs sur le syndicalisme (Jean-Marie Pernot, René Mouriaux, Sophie Beroud) mais aussi des figures du mouvement syndical (Maryse Dumas, Annick Coupé, Gérard Aschieri). Dominique Mezzi, qui a coordonné l’essai, annonce d’emblée le parti pris de considérer le syndicalisme comme un mouvement social dans toutes les questions explorées, y compris celles qui traitent de son institutionnalisation. Ainsi, la thèse développée par Alain Touraine dans les années 1980, enfermant les syndicats dans l’idée de corps intermédiaires définitivement intégrés aux institutions (repli sur la fonction de négociation, coupure entre base et direction), est remise en question. « On ne peut opposer mouvements sociaux et institutions que si l’on considère les institutions comme des entités immuables, pétrifiées, pétrifiantes », écrit Sophie Beroud.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que le syndicalisme doit faire mouvement. Et ce mouvement est toujours fait de contradictions. Les (nombreux) retours sur l’histoire qui figurent dans le livre servent donc à éclairer les questions d’avenir. Deux, principalement. L’autonomie des syndicats vis-à-vis du politique, acté dans la charte d’Amiens de 1906, ne doit-elle pas être « amendée » ? La participation de la CGT à la campagne électorale contre la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012 ne participe-t-elle pas d’un « désir d’inventer une façon syndicale d’être actif dans le champ politique sans renier son indépendance », suggère Dominique Mezzi. L’unité syndicale, question particulièrement posée en France où le syndicalisme est très émietté (huit syndicats), rassemble aussi plusieurs contributions. La notion de « syndicalisme rassemblé », mise en avant par la CGT depuis 1995, amène différentes interprétations mais les auteurs s’accordent sur la place centrale occupée par ce syndicat dans le paysage, ce qui lui confère une responsabilité particulière. Il reste, selon René Mouriaux, « que la CGT est encore au milieu du gué, parvenant insuffisamment à changer pour rester elle-même ». Alors que le changement des règles de représentativité pousse à des regroupements, le politologue considère, en forme de conclusion, qu’une « CGT audacieuse ne peut que favoriser le rassemblement de la famille décomposée ».