Marc Peyrade était secrétaire général de la Fédération des industries du livre, du papier et de la communication (FILPAC) CGT lorsqu’il est décédé cet été 2016. Il a été le fondateur du syndicat Info-Com CGT, syndicat qui a succédé à la Chambre syndicale typographique parisienne, très ancien syndicat de l’histoire ouvrière française. Ses camarades ont voulu honorer sa mémoire en fondant la Lettre du cercle Marc Peyrade, qui vient de publier son 4ème numéro.
Ci-dessous des extraits du rapport de Marc Peyrade prononcé le 17 mars 2006 à la fondation du syndicat Info-Com CGT :
« Mes chers camarades, malgré tout le bonheur que nous pouvons ressentir chaque jour d’être au cœur de notre place forte syndicale, pouvons-nous seulement nous satisfaire de cette fierté ? Regardons vraiment autour de nous, au pied de nos remparts. Que voit-on ? Des dizaines de milliers de SDF qui vivent, dans nos rues débordantes de richesses et d’arrogants, comme nous ne supportons pas que vivent les animaux, des femmes et des hommes en loques, toujours plus nombreux, toujours plus jeunes et totalement déshumanisés. Des centaines de milliers, des millions de chômeurs, mais aussi des travailleurs pauvres, des Rmistes… Des millions de jeunes, dont l’avenir rime avec galère, précarité, marginalité, dépendance, et désespérance. Voici la réalité du monde d’aujourd’hui qui provoque chez nous tous un mélange de révolte et d’inquiétude. Révolte et inquiétude qui doivent renforcer le partage d’une conviction syndicale plus ferme que jamais. »
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« La crise actuelle de la politique a des répercussions sur le syndicalisme. L’effondrement du système politique des États socialistes d’Europe de l’Est et l’échec des politiques social-démocrates en Europe occidentale ont laissé un vide dans la représentation du mouvement social dans le domaine politique et institutionnel. Si l’on regarde l’évolution politique depuis 1981 (et ceci a marqué plusieurs générations de militants), on est frappé par le mouvement de balancier entre la gauche et la droite de la société française qui semble dire : on sort les sortants et on verra bien ce qui se passera après. Par delà ce mouvement de balancier, on retrouve plusieurs constantes : – la critique des politiques libérales mises en œuvre renvoie les deux camps dos à dos ; – à chaque fois les nouveaux se font élire sur la déception de l’action des premiers et sur l’importance qu’ils disent accorder au social ; – la société n’est pas écoutée, le rejet des politiques est indéniable, l’extrême droite progresse. »
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« La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain. De cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment la menace de la misère. »
(citation de l’ordonnance de lancement de la Sécurité sociale)
Marc Peyrade, rapport au congrès de la CSTP créant Info’Com, vendredi 17 mars 2006
RETOUR HISTORIQUE SUR LE SYNDICAT INFO-COM CGT FONDE EN 2006
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Il y a dix ans, trois syndicats parisiens s’interrogeaient sur l’évolution de leurs organisations respectives, au regard des mouvements économiques et professionnels qui opéraient de vastes ruptures dans leurs branches professionnelles. À partir d’une analyse commune, ils décidaient de s’engager dans un projet de constitution de syndicats de filière de métier : un syndicat représentant le secteur éditorial au sens large du terme, un syndicat représentant le secteur de l’imprimerie – Presse et Labeur –, le dernier devant représenter la distribution. L’ensemble devait être coordonné par une union syndicale du nom de INFO’COM-CGT.
Ce projet d’origine aura connu quelques modifications puisqu’une partie des protagonistes a disparu. Ce qui reste du Syndicat des correcteurs a été absorbé par des structures corporatistes, tandis que le syndicat SPPS n’est plus qu’une coquille vide, sans adhérent.
Seuls les ressortissants de la CSTP et les Imprimeurs Rotativistes sont allés au bout de leur démarche.
Les Imprimeurs-Rotativistes ont créé leur syndicat, le SIP-CGT, et représentent une partie des salariés des imprimeries de presse et de labeur, tenant compte de l’absence de discussion et d’évolution de certaines structures catégorielles en presse. A l’époque, la décision des rotativistes de créer un syndicat d’imprimerie s’adossait sur la prise en compte des réalités du moment et de leurs analyses des mouvements futurs.
Plusieurs modifications avaient déjà considérablement bouleversé le paysage industriel. Elles confirmaient l’explosion prochaine des frontières entre toutes les formes de presse et le rapprochement des secteurs de la presse et du labeur : – les manques d’investissements dans l’offre éditoriale, – les multiples plans de restructuration du secteur de la distribution qui ont entraîné la disparition de nombreux points de ventes, – la baisse des volumes papier, liée aux rachats puis fusions des titres par les groupes de presse qui se répartissaient le territoire.
A cela s’ajoutaient les évolutions professionnelles et les transversalités que les outils industriels modernes et la nature des nouveaux travaux induiraient entre les catégories traditionnelles.
Les choix et l’analyse des élus de l’époque ont été confirmés durant la dernière décennie.
Si le géant français dont Nicolas Sarkozy rêvait aux assises de la presse en 2008 n’est pas encore né, l’information est désormais aux mains de quelques grands groupes – Bolloré, Dassault, Bernard Arnault, Patrick Drahi… Leurs tailles les contraignent de nourrir en permanence leurs tuyaux et leurs réseaux de l’information, d’où leur investissement considérable dans le numérique, financé par ce pillage toujours en vigueur de l’argent que rapporte encore le papier.
Ces choix impactent nécessairement la vente des journaux papier et accélèrent la baisse des volumes dans toutes les imprimeries. Pour autant, rien ne vient signer la disparition du support papier, imaginé par les pseudo-spécialistes des nouvelles technologies, lesquels n’avaient probablement pas prévu que le papier constituerait entre 70 et 80 % des recettes pour les quotidiens en 2016.
Au moment où les représentants des syndicats et catégories concernées travaillaient à la mise en œuvre d’une union de syndicats, Paris comptait, en 2007, sept imprimeries pour fabriquer les quotidiens nationaux dans sa zone de distribution, bien que patronat et pouvoirs publics visaient l’éradication totale de la CGT et de la convention collective presse dans les entreprises de presse. Demeurent aujourd’hui quatre imprimeries sous convention presse qui, tels que le prévoyaient les représentants du SIP, impriment des quotidiens, nationaux et étrangers ainsi que des publications venues du secteur labeur.
En province, la situation présente quelques différences sur la forme, en raison des positions très régionalistes des dirigeants de groupes. Mais tout cela préfigure une situation bien plus compliquée sur le fond.
Si, comme en Ile-de-France, la baisse des volumes de la PQN en région et de la PQR se traduit par la mise en concurrence des imprimeries, aucun plan d’investissement n’est avancé par les groupes de presse concernés et aucune réflexion industrielle nationale n’est engagée, ni par les acteurs de la profession ni par les représentants de l’Etat. Ces derniers continuent de verser des aides publiques richissimes groupes Dassault, Bernard Arnaud, Patrick Drahi, Bolloré…
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