1968-2018 : la CGT de Peugeot Montbéliard fait l’histoire

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Mai et juin 68, à Peugeot Sochaux et Montbéliard (Doubs),  ont marqué les mémoires ouvrières locales, encore plus qu’ailleurs peut-être. Des ouvriers sont morts dans les affrontements avec la police pour la reprise de l’usine occupée (25 000 ouvriers à l’époque, beaucoup de jeunes). Le 11 juin 1968, Pierre Beylot (24 ans) est tué par balles par les CRS et Henri Blanchet (49 ans) meurt d’une chute d’un mur près de l’usine assiégée . Le syndicat CGT organise cette année des débats variés sur cette époque. Le quotidien régional l’Est Républicain publie deux pages, ainsi que France Bleu Belfort-Montbéliard.

La CGT du Pays de Montbéliard se prépare à commémorer la grève du printemps 68

lundi 26 février 2018 à 18:56 Par Emilie Pou, France Bleu Belfort-Montbéliard

La CGT du Pays de Montbéliard annonce toute une série de rendez-vous pour commémorer les 50 ans des événements du printemps 1968 dans les usines Peugeot: la grève, les occupations et les graves affrontements du 11 juin 68. La CGT veut surtout informer les plus jeunes pour que « le combat continue ».

Manifestation devant l'usine Peugeot le jour de la reprise du travail le 20 juin 1968
Manifestation devant l’usine Peugeot le jour de la reprise du travail le 20 juin 1968 – (archives CGT)

Sochaux, France

Le 20 mai 1968 la grève est lancée dans les usines Peugeot du Pays de Montbéliard. Une grève qui fait suite au mouvement étudiant lancé quelques semaines plus tôt et que l’on retrouve dans beaucoup d’usines françaises. Des négociations avec la direction s’engagent, mais elles piétinent, et le 10 juin, une courte majorité d’ouvriers vote la reprise du travail.

Deux morts et 150 blessés

Le 11 juin, tout le monde est appelé à reprendre le travail, sous la protection des CRS, sauf que les grévistes décident de poursuivre l’occupation. C’est là que les échauffourées commencent. Deux ouvriers trouvent la mort. Pierre Beylot, 24 ans, meurt d’une balle tirée par un CRS. Henri Blanchet chute d’un mur. Il y aura également 150 blessés.

Le drapeau rouge a flotté sur l'usine durant la grève - Aucun(e)
Le drapeau rouge a flotté sur l’usine durant la grève – (archives CGT)

50 ans après, la CGT du Pays de Montbéliard veut commémorer ces événements. La mort des deux ouvriers bien sûr, mais aussi les avancées sociales qui ont découlé de la grève.

Jean Cadet avait 32 ans à l’époque, il était l’un des secrétaires CGT qui menaient les négociations avec la direction: « nous avons obtenu 14% d’augmentation des salaires, une généralisation de la quatrième semaine de congés payés, une réduction de 75 minutes du temps de travail et la reconnaissance de l’action syndicale« .

Des animations tournées vers la jeunesse

Plusieurs animations vont ainsi être organisées sur le pays de Montbéliard en avril, en mai et en juin, tournées vers la jeune génération : « Cet anniversaire, nous voulons absolument qu’il soit tourné vers la jeunesse » explique Bruno Lemerle, délégué CGT des retraités de PSA Sochaux, « car les jeunes de l’époque avaient les mêmes préoccupations. Ils se demandaient comment vivre avec un petit salaire, si la grève valait vraiment le coup. Le mouvement de 68 montre que, quand on dépasse tout ça, on arrive à construire quelque chose de grand, ces questions là sont complètement d’actualité« .

L'affiche des animations prévues au printemps par la CGT - Aucun(e)
L’affiche des animations prévues au printemps par la CGT – (CGT)

Une exposition itinérante basée sur des photos d’archives

Parmi les événements organisés: un repas dansant à Audincourt le 28 avril, une exposition interactive avec des photos et des vidéos qui se déplacera dans tout le Pays de Montbéliard en mai et en juin (du 11 au 17 mai à l’espace Gandhi à Audincourt, du 22 au 26 mai à la mairie de Sochaux, du 28 mai au 2 juin à l’Arche de Bethoncourt). Il y aura également un livre décliné en feuilleton qui sera distribué dans les usines et puis un concert du groupe HK au Moloco d’Audincourt le 15 juin.

Toutes les informations seront données régulièrement sur la page facebook de la CGT retraités. 

PAYS DE MONTBÉLIARD Histoire et société

Mai 68 : ils en font un vrai feuilleton

TEXTES SOPHIE DOUGNAC

 

Pour le cinquantenaire, l’union locale CGT du pays de Montbéliard multiplie, entre mai et juin, les expositions, débats, concerts. Les militants, anciens et nouveaux, ont même créé un roman à partir de la véritable histoire locale.

 

« Dans l’imaginaire collectif et notamment dans celui des plus jeunes, Mai 68, c’est d’abord la révolte étudiante, l’effervescence du Quartier latin… » Sous les pavés la plage donc. Sauf qu’ici, dans l’alors très industriel et industrieux pays de Montbéliard, le souffle révolutionnaire s’est lui essentiellement décliné, comme le souligne Véronique Bourquin Valzer, la responsable de l’Atelier, sous forme de luttes ouvrières encore plus fortes qu’ailleurs en France.

 

Notre territoire détient en outre, dans ces événements dont on célébrera le cinquantenaire dans quelques mois, une triste particularité : c’est aussi le seul endroit où l’on dénombre deux morts (Pierre Beylot, Henri Blanchet), deux ouvriers gravement blessés (ils auront le pied arraché) et 150 blessés, à l’issue d’une manifestation pacifique (et de 22 jours de grève) le 11 juin 1968 devant l’ancienne ARS à Montbéliard.

 

•   Le tourbillon de la vie

Pour se souvenir des camarades tombés, victimes, dixit Bruno Lemerle, représentant des retraités, des « violences policières et de l’entêtement du patronat », la CGT, qui fut le fer de lance du mouvement, n’a pas attendu le cinquantenaire. Depuis ce funeste 11 juin, tous les ans, elle rend hommage aux disparus devant la stèle du square Dagnaux. Cela posé, le syndicat, qui n’oublie pas, a, pour cet anniversaire, la forte volonté de se tourner vers l’avenir et de toucher les jeunes.

« Le but est de faire connaître aux générations d’aujourd’hui les motivations et la détermination des générations d’hier », souligne Guy Mongery. « On ne veut pas se focaliser sur le passé, mais plutôt savoir quelle empreinte ont laissé les événements. »

L’homme fait partie du « groupe 68 », qui mêle jeunes et anciens militants CGT, et qui depuis huit mois planche sur les célébrations locales. Elles se dérouleront du 28 avril au 11 juin (ci-dessous), en huit phases, trois dates emblématiques et un fil rouge. Ce dernier, c’est un feuilleton en neuf épisodes. Pas de panique, il ne s’agit pas de Dallas ! Le feuilleton en question est écrit, dans le genre popularisé, au XIXe siècle, par Eugène Sue et Maurice Leblanc.

L’histoire ? Celle de deux héros fictifs, Jeanne et Lucien. À Sochaux, et plus largement dans tout le pays de Montbéliard, le couple est plongé dans l’effervescence, parfois tragique, des événements. En ce qui concerne ces derniers, tout est vrai : les épisodes ont été écrits, à plusieurs mains, à partir des témoignages de ceux qui ont vécu Mai 68. « Chacun peut se reconnaître dans ce feuilleton, se demander ce qu’il aurait fait à l’époque », souligne Bruno Lemerle.

 

•   Le vent se lève

Ce « roman vrai », où le couple habite en face de chez Pierre Beylot à la Chiffogne, sera présenté, sous forme d’épisodes dans différentes entreprises (dont PSA à Sochaux) du pays de Montbéliard. L’initiative, inédite, a également retenu l’attention d’un éditeur : sous le titre « Jeanne et Lucien dans le tourbillon de 1968 », un livre sortira de presse à la mi-avril et sera publié aux « Belles Lettres ».

« On peut vraiment se mettre dans la peau des héros », note Aurore Métais, jeune membre du groupe 68. « C’est important car se souvenir, c’est bien mais que la lutte de nos aînés serve pour l’avenir c’est encore mieux. » Cinquante ans après, un souffle de jeunesse mais aussi un vent de fronde se lèvent sur le pays de Montbéliard. Vivifiant, non ?

 

 

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