Interview Jean-Marie Pernot : « l’habit d’Arlequin » du syndicalisme en France

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Dans une interview à Médiapart (mardi 26 mai 2015), Jean-Marie Pernot, chercheur à l’IRES, parcourt un grand nombre de questions aigües sur le syndicalisme : crise de la démocratie sociale comme productrice  de « compromis » positifs (autre échec de Hollande), crise du rapport au salariat, description du MEDEF comme organisation patronale archaïque en Europe, analyse des stratégies syndicales (la CFDT dans « l’impasse« ,  la CGT en risque « d’effritement continu« ), et constat d’une division effrénée (« habit d’Arlequin« ). Il salue néanmoins les facteurs de renouveau : changements de direction dans certaines fédérations CGT (santé), expérience du Collectif de liaison intersyndicale du commerce parisien (CLIC-P), poussée des jeunes générations qui inventent « leurs formes d’organisation collective » . Il en appelle aussi à une meilleure compréhension mutuelle entre CFDT et « le reste du mouvement syndical« , « partenaires obligés« .

Cliquez pour le texte complet : entretien

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Coups d’oeil :

  • le patronat : « …le Medef est redevenu la caricature de lui-même, il renvoie à cette réalité profonde qui est que le patronat français ne sait pas, n’a jamais su, ce qu’était un compromis social. Il n’y a pour lui que des accords ponctuels, tactiques, il fait ses courses dans le mouvement syndical et chaque fois qu’il peut reprendre par derrière ce qu’il a fait mine de concéder, il le fait ».
  • bureaucratie : « La bureaucratie, c’est aussi ce qui sert à perdurer, à passer des moments difficiles, ça peut contribuer à la continuité de la puissance. L’important pour que les
    organisations syndicales vivent, c’est qu’il y ait en leur sein et dans leur rapport à la société suffisamment de tensions pour éviter que la bureaucratie ne les transforme en mouvement qui n’a de souci que sa propre préservation. Or aujourd’hui, on a le sentiment que persévérer dans leur être a pris le pas sur la redéfinition de leur raison d’être. La crise de direction à la CGT a révélé un pan de cette situation » […] »J’ai dit ailleurs que ce que la chute du mur de Berlin n’a pas fait à la CGT, la CGT peut se le faire toute seule aujourd’hui. Il y a un vrai risque, non pas d’effondrement mais d’effritement continu et de marginalisation ».
  • CFDT : Question Médiapart : En étant l’alliée du gouvernement dans ses réformes, la CFDT ne se dirige-t-elle pas dans une impasse ?
    Réponse : On peut discuter de sa stratégie. Moi je trouve qu’elle part d’une bonne idée. La société française manque d’un espace propre au social. On a un État qui organise tout à l’image de la nouvelle carte des régions dessinée dans le bureau du président en un week-end. Il en va ainsi pour le social. Donc, créer de l’espace, certes, mais la constitution d’un partenariat est un objet de lutte quand on a un patronat qui n’a pas cette stratégie. La voie de la sur-institutionnalisation, des accords privilégiés avec le patronat pour gérer l’Unedic, la CNAM ou le contrat de travail, cela n’a rien produit car la précarité n’a cessé de croître. De ce fait, en 20 ans, la CFDT n’a ringardisé personne si ce n’est qu’elle court le risque de se ringardiser elle-même et le fait qu’elle est le soutien affiché de tous les « modernisateurs » n’y changera rien ! Il faudra qu’elle se résolve un jour à comprendre que ses partenaires obligés sont d’abord dans le reste du mouvement syndical et pas du côté du patronat ou du gouvernement, quelle que soit la couleur de celui-ci. Ce jour-là, elle essaiera de leur faire partager un certain nombre d’idées ou de démarches intéressantes dont elle est par ailleurs porteuse.
  • Jeunesse : « Les jeunes générations ne se reconnaissent pas dans les syndicats actuels, elles sont en train de se construire une expérience sociale différente de celle de leurs
    aînés et dans bien des domaines plus difficiles, en particulier en matière de précarité de l’emploi. Ils sauront, tôt ou tard, traduire cette expérience en formes de résistance et celles-ci trouveront leurs formes d’organisation collective. À ce moment-là, il y aura des syndicats capables d’être des réceptacles de ces engagements et il y en aura d’autres qui ne sauront pas et qui disparaîtront de la scène ».

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