La grève des « chefs de bord » (contrôleurs) des trains à la SNCF, qui bloque des trains le week-end de Noël, fait couler beaucoup d’encre. Elle a été déclenchée par un Collectif national des agents contrôleurs (CNA) formé sur Facebook (plus de 3000 abonné-es), et donc pas directement par les syndicats (qui cependant négocient en lien avec les grévistes). Cette action est significative de la situation actuelle du syndicalisme, souvent décalé des modes d’auto-organisation, y compris dans une entreprise fortement syndiquée. Nous proposons à nos lecteurs et lectrices de lire un article paru dans Médiapart sur le Collectif CNA des Agents du service commercial train (ASCT), décrivant notamment l’effet des ordonnances Macron (de 2017) limitant la représentation du personnel. Plus bas, nous publions des prises de position syndicales : la CGT cheminots de la région Provence Côte d’azur (interview à France Bleu PACA), et un tract de SUD Rail national.
- Médiapart et le Collectif des ASCT : controleurs SNCF-mediapart
- Tract SUD Rail : SUD Rail-12.2022.sud.rail.communique_.asct.statut_quo_v2_1_
Extraits de l’article Médiapart :
[…] « Un nombre toujours plus réduit de représentants du personnel«
(Ci-contre à droite : image du Collectif ASCT sur Facebook)
De son côté, Olivier ne s’étonne guère que la mobilisation soit partie sans les organisations : « Depuis des années, nos revendications ne sont pas prises en compte, ni par nos syndicats, ni par notre direction. On a dû tordre le bras à nos syndicats pour qu’ils s’occupent de nous. » Et de s’attrister du manque de soutien de la part du syndicat majoritaire : « Pendant des années, on a été le bras armé des grèves de la CGT parce que quand on ne travaille pas, les trains ne roulent pas et la grève est visible. Sauf qu’on fait toujours grève pour des revendications globales, pour soutenir les autres, mais jamais pour nous-mêmes. »
Désormais, les négociations avec la direction se mènent avec trois des membres du collectif et les représentants des quatre syndicats qui ont embrayé. Au cours des négociations qui démarrent aujourd’hui, une table ronde sera dédiée spécifiquement aux demandes des chefs de bord, le jeudi 8 décembre. À l’occasion du lancement des discussions, un préavis de grève a été déposé pour ce mercredi 7 décembre par la CGT, la CFDT et Sud Rail avec pour mot d’ordre « l’augmentation générale des salaires » et « la reconnaissance de l’expertise, de la qualification et de l’ancienneté des cheminotes et des cheminots tout au long de leur carrière ».
Interrogés sur la spécificité de la mobilisation des contrôleurs, partie de la base, les syndicats expliquent le détachement avec leurs structures par le nombre toujours plus réduit de représentants du personnel depuis les ordonnances Macron de 2017 et la fusion des anciennes instances représentatives (délégués du personnel, CHSCT et comité d’entreprise) dans le Comité social et économique (CSE).
« À la SNCF, la mise en place de l’instance unique s’est faite n’importe comment, on a perdu 70 % des délégués du personnel, explique Erik Meyer. Maintenant on a des instances uniques qui doivent traiter de tous les sujets mais qui, en plus, ont des périmètres géographiques très larges. » Et de prendre l’exemple du CSE de l’axe TGV Sud-Est, une instance censée représenter à peu près quatre mille agents de Paris à Montpellier en passant par Nice, Lyon ou encore Chambéry. « Une trentaine d’élus ne peuvent pas couvrir tout ce territoire en étant tout le temps sur le terrain. Et comme la représentation s’éloigne, les agents s’organisent entre eux. Donc, avec ce collectif, la boîte ne récolte que ce qu’elle a semé en cassant la représentation du personnel. »
Même constat du côté de Didier Mathis, à la tête de l’Unsa ferroviaire : « Avant ces ordonnances, les délégués du personnel étaient élus au niveau de l’établissement et avaient les moyens de pouvoir tourner auprès du personnel. Aujourd’hui, avec le CSE, on ne peut plus le faire parce que nos élus sont accaparés à 100 % par leurs missions. Ils sont moins nombreux, moins disponibles et doivent gérer des secteurs parfois énormes. À la SNCF, notre plus grand CSE est censé représenter 13 500 agents. »« […]
Grève SNCF : « Il suffit que la direction engage une séance de négociations », pour la CGT cheminots PACA
- France Bleu Provence
- Nelly Assénat
Un train sur trois annulé pour le week-end de Noël selon les prévisions de la SNCF. Face au mécontentement des milliers d’usagers qui ne pourront pas rejoindre leurs familles pour les fêtes, François Téjédor, secrétaire général CGT des cheminots en PACA explique les raisons de la grève.
Un train sur trois annulé pour le week-end de Noël, 200.000 voyageurs concernés selon les prévisions de la SNCF. Un tiers des TGV, par exemple, sera supprimé dans le Sud-Est pour ce week-end de Noël. Face au mécontentement des usagers, François Téjédor, secrétaire général CGT des cheminots PACA répond à France Bleu Provence ce mercredi matin.
France Bleu Provence : La CGT n’appelle pas formellement à la grève pour ce week-end de Noël, mais maintient quand même son préavis, pourquoi cette position, n’est-ce pas « se moquer du monde » comme le clament beaucoup d’usagers ce matin ?
François Téjédor : Pas du tout. On pourrait considérer que se « moquer du monde » serait plutôt le niveau des négociations annuelles obligatoires concernant les salaires. Nous avons déposé un préavis de grève qui couvre toute la période des négociations qui été ouverte du mois de novembre jusqu’au mois de janvier. Nous avons été contraints de déposer un préavis de grève de cette sorte pour que les cheminots puissent mettre sous pression les négociations. Nous avons du mal à trouver le bon dialogue social avec l’entreprise. La SNCF a beaucoup changé les dates des négociations. Donc, du coup, nous avons été contraints de déposer ce préavis de grève là pour mettre la pression sur l’entreprise, pour qu’elle négocie des augmentations générales de salaires.
La CGT « n’appelle pas fermement à la grève«
Concrètement, vous, vous appelez à faire grève ou pas ? Ou alors vous dites aux contrôleurs « c’est vous qui voyez » ?
On n’appelle pas fermement à la grève à la CGT. Mais ce qu’il y a, c’est que les négociations pour les contrôleurs ne se sont pas bien passées du tout et sont très en deçà de ce qu’ils attendent et ils sont en colère. Donc du coup, ils ont choisi de se mettre en grève. Il suffit juste que la direction se remette à la table des négociations pour apporter des changements de situation.
La direction estime avoir fait un gros effort sur les salaires. Pour un contrôleur en milieu de carrière, par exemple, ça représente une hausse de 200 euros nets par mois. Proposition rejetée par le collectif des contrôleurs. 200 euros nets de plus par mois, ce n’est pas suffisant ?
Ce n’est pas 200 euros aujourd’hui. On conteste ce chiffre. Et pour se donner un peu une idée de la perte de pouvoir d’achat que les cheminots ont dû subir depuis des années, il faut savoir qu’aujourd’hui, la SNCF n’est pas en capacité d’être attractive et nous avons des problèmes pour recruter des contrôleurs, des aiguilleurs, des agents du matériel, de la police ferroviaire et même des agents de conduite. Donc c’est pas bon pour dire que même s’il y a un niveau d’augmentation qui est historique par rapport au fait qu’on a eu les salaires gelés depuis dix ans, là cette année, on a une augmentation générale des salaires de 2% alors que l’inflation est à 6%. Donc on voit bien les difficultés ne sont pas réglées.
« La direction avait la possibilité de négocier » selon la CGT
Ce sont des centaines de milliers de personnes qui ne vont pas pouvoir fêter Noël en famille alors que ça fait des mois qu’elles attendent ça. Pourquoi déposer des préavis à cette période des fêtes ou des vacances, à chaque fois ?
Notre préavis de grève a une longue durée, il ne se limite pas aux périodes de fêtes. La direction avait la possibilité de négocier. Elle n’a pas assez négocié. Elle a connaissance que les contrôleurs ne sont pas satisfaits des mesures et elle continue ! Du coup, elle a encore 48 heures pour pouvoir mettre en place une négociation rapide pour débloquer la situation. Ça ne tient qu’à elle.
Très concrètement, les voyageurs sont prévenus individuellement 48 heures au plus tard avant leur départ, par SMS ou par email. Ça veut dire que s’il y a un train pour le voyage aller, je ne suis pas sûr d’en avoir un pour le voyage retour, trois ou quatre jours plus tard. Autrement dit, je ne vais pas forcément prendre le risque de partir et mes vacances sont fichues…
Justement, on nous a contraints sur le droit de grève avec le service minimum pour que la SNCF puisse mesurer 48 heures avant le niveau de trafic pour pouvoir informer les voyageurs. Il y aura quand même un service minimum adapté. Je ne peux pas me mettre à la place de chaque usager.
Elle ne vous gêne pas cette situation ?
Moi, ce qui me gêne, c’est qu’on soit arrivé là, alors que la direction sait que les contrôleurs ne sont pas satisfaits du niveau de négociations et laisse aller jusqu’au dépôt des intentions de grève pour essayer de résoudre la situation. Nous, ce qu’on dit, c’est que les agents ont 24 heures pour se remettre au travail. Il suffit que la direction engage une séance de négociations, qu’elle donne satisfaction et du coup, dans 24 heures, tout le monde est au boulot et la situation sera débloquée.
- Retrouvez l’intégralité de cette interview de ce mercredi matin à 7h45 sur France Bleu Provence
C’est Statu Quo !!
« Collectif National ASCT !! »
« Depuis bientôt deux mois, la Fédération SUD-Rail a mis son outil syndical à disposition d’un collectif national de contrôleurs, le CNA. Après une première séquence de grève massive du 2 au 5 décembre, » les négociations ont débouché sur un relevé de décisions de la direction de l’entreprise avec des propositions qui auraient dû être soumises à l’appréciation du collectif et faire l’objet d’une consultation nationale en ligne des ASCT.
Victime de manipulations à grande échelle, cette consultation a tourné court et, finalement, ce sont tous les contrôleurs qui en sont les victimes. Ces manipulations ne peuvent être le fait de personnes isolées mais sont bien le fruit d’une réflexion de plus grande ampleur visant à mettre à bas l’initiative et à jeter le discrédit sur les animateurs du CNA et les organisations syndicales qui ont accompagné la démarche.
« À SUD-Rail, nous faisons du syndicalisme « avec et non à la place des salariés » !!
Un statu quo dont l’entreprise doit tenir compte !! »