André Martin, ancien délégué syndical CFDT d’une grande entreprise, nous fait parvenir cette proposition de soutien financier aux grévistes, en prévision de grèves reconductibles après le 7 mars 2023. Deux articles : le premier est une critique du projet Macron-Borne, et un appel à soutenir les grèves. Le deuxième (plus bas) est constitué de propositions détaillées sur la manière de construire des caisses de grèves et de recueillir le soutien de personnalités.
Le site d’André Martin : http://www.retraites-enjeux-debats.org/
1er article :
Nous soutiendrons financièrement les salariés en grève reconductible
lundi 13 février 2023, par
Texte associé Suggestions pour des collectes massives et transparentes de soutien aux grévistes
Imposer un choix de vie aux plus de 62 ans est une régression sociale intolérable
Décident aujourd’hui de partir à 62 ans ceux qui, ayant les annuités requises, sont soit au chômage, soit usés et fatigués par leurs conditions de travail. Et ceux pour qui le « Travailler plus, pour Gagner plus, pour Consommer Plus, pour Polluer plus » représente une impasse civilisationnelle dangereuse pour les nouvelles générations. Ils estiment être plus utiles et plus heureux, en se consacrant à des activités associatives ou d’intérêt général, comme s’occuper des petits-enfants, agir pour limiter le dérèglement climatique, laisser des emplois aux jeunes. Ou avoir des activités culturelles, sportives, de jardinage, … Leur refuser ce choix de vie responsable serait une régression sociale intolérable.
Aujourd’hui, tous ceux qui le souhaitent, le peuvent ou en ont besoin, peuvent travailler au-delà de 62 ans. Jusqu’à 64, 66, 70 ans ou plus. Du fait que le droit au cumul emploi-retraite est ouvert à tous et constitue même une incitation. Ce droit, aujourd’hui sans aucune limite, devrait absolument être de nouveau encadré.
De ce fait, notre système basé sur une condition d’âge et une condition d’annuités, laisse une liberté de choix de l’âge de départ presque aussi grande que dans un système à points tant vanté à l’automne 2019. A condition de ne surtout pas augmenter l’âge légal à 64 ans. Et de se limiter à des mesures incitatives.
Le grand mensonge par omission : les pensions de retraite vont fortement baisser
A chaque réforme des retraites les ministres expliquent : « Il y a seulement 3 paramètres sur lesquels on peut agir : augmenter l’âge de départ, baisser les retraites ou augmenter les cotisations. En baissant les retraites ou en augmentant les cotisations, nous ferions baisser le pouvoir d’achat des retraités ou des salariés. Nous ne le voulons pas ».
Ça paraît tellement logique que tous les ministres et députés de droite le répètent tous les jours, sur toutes les chaînes télé et radio. Or c’est le parfait mensonge par omission. Puisque les retraites vont continuer à baisser fortement. Ce que confirme la baisse prévue par le COR du poids des pensions dans le PIB. Voici ces prévisions :
• « Entre 2020 et 2050, pour un salarié du privé non-cadre, le taux de remplacement (rapport entre la pension de vieillesse et le salaire en fin d’activité) baissera en moyenne de 75,6 % (génération née en 1955) à 64,4 % (génération née en 1985). Pour les cadres, le taux de remplacement moyen baissera de 55,5 % (génération née en 1955) à 42,7 % (génération née en 1985) ». A lire sur « Taux de remplacement » (4)
• « Rapport du COR de juin 2021 : Le poids des pensions dans le PIB, à législation constante, devrait diminuer dans les décennies à venir. Après un pic exceptionnel autour de 15 % en 2020, il redescendra entre 11 % et 13 % d’ici 2070 » – A lire dans « Luc Peillon pour CheckNews » (3)
Sous influence des lobbies et de Mac Kinsey, le Président de la République organise l’appauvrissement de l’Etat. Et transfère progressivement la protection sociale à des groupes privés
Non seulement il refuse toute proposition qui permettrait d’accroitre les ressources des caisses de retraites (cotisation sur les revenus du capital, augmentation des salaires au moins égales à l’inflation, égalité salariale hommes-femmes, légère augmentation des cotisations …). Mais il organise l’appauvrissement de l’Etat. Exemples :
• « Entre 100 et 120 milliards de perte de recettes fiscales annuelles sur le budget général de l’état depuis 2000 », selon le Rapport de juin 2010 du député UMP Gilles CARREZ : « 2000 à 2010 : dix années de pertes de recettes non compensées » (5)
• Il refuse que soient augmentées de 2 € par mois les cotisations retraite. Mais les détenteurs de gros SUV et de voitures de luxe ont bénéficié à l’automne 2022 de la ristourne de l’Etat de 0,20 € par litre. Soit plusieurs milliards d’euros de subventions dont ils n’avaient pas besoin, payées par l’ensemble des contribuables !
• Les heures supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 7 500 €. Un pur scandale que dénonçait en 2018 le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner « C’est 4 milliards de coût et 100.000 emplois perdus » ! (6)
• Les heures supplémentaires sont également exonérées partiellement de cotisations sociales(8). L’Etat compense-t-il totalement ces exonérations de cotisations auprès des organismes de protection sociale ? On voudrait vérifier pour en être sûr !
• Suppression de la redevance pour l’audiovisuel public
• On peut estimer au moins à 2 milliards d’euros, l’économie annuelle pour les caisses de retraite qui résulterait du rétablissement des plafonds au cumul emploi-retraite en vigueur jusqu’en 2008. Année où Sarkozy a supprimé tous ces plafonds, permettant ainsi à plus de 100 000 hauts revenus de cumuler sans limite une retraite très élevée et un salaire très élevé ! (7)
L’autoritarisme d’Emmanuel Macron et sa politique antisociale alimentent la désespérance et la défiance à l’égard de la démocratie parlementaire
Nous savons depuis 2017 que Macron a très peu de considération pour les corps intermédiaires. Laurent Berger le rappelle dans son interview à l’OBS : « Macron ne veut rien entre le peuple et lui », « Il est persuadé qu’il peut transformer la société française à lui tout seul ».
Avec 93 % des actifs opposés au report à 64 ans, les directions des organisations syndicales et des partis de la NUPES ne peuvent pas échouer une nouvelle fois. Elles doivent, ensemble, se donner les moyens d’obtenir le retrait de l’article 7 de la réforme. Il en va de leur crédibilité et de celle de l’ensemble des forces progressistes et humanistes. La défiance à l’égard de la démocratie parlementaire augmentant le risque d’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Nous soutiendrons financièrement les salariés en grève reconductible
La déclaration de l’intersyndicale du 11 février reconnait implicitement que seule la grève reconductible dans quelques secteurs stratégiques permettra de faire reculer le Président de la République. Ce qui nécessite obligatoirement qu’un soutien financier massif aux salariés en grève reconductible soit organisé rapidement, dans un maximum de villes et de métropoles. Et ce, au moins jusqu’au retrait de l’article 7 de la réforme. C’est à cela que les signataires de cette contribution souhaitent contribuer, avec leurs analyses et propositions.
De plus en plus de syndicalistes se rendent compte en effet que, dans leurs entreprises, les nouvelles organisations du travail (télétravail, des millions de techniciens et de commerciaux passent rarement au bureau ou à l’entreprise, …) conduisent des millions de salariés à estimer que s’ils font 3 ou 4 jours de grève, cela ne gêne quasiment pas leur employeur. Car ils devront de toute façon s’acquitter des mêmes tâches, alors que l’employeur leur aura retenu des jours de salaire ! Mais des millions seraient prêts à verser, ou à collecter autour d’eux, l’équivalent de quelques jours de salaire, en soutien aux grévistes.
Nous, responsables syndicaux et associatifs, scientifiques, universitaires, artistes, écrivains, économistes et élus des différentes sensibilités de la gauche, décidons d’apporter notre soutien financier aux salariés en grèves reconductibles.
Les signataires de cet appel s’engagent à verser, ou à collecter dans leur entreprise ou leur entourage, au moins l’équivalent d’une journée de salaire. Pendant chaque semaine que dureront les grèves reconductibles dans leur région.
Nous invitons les citoyens à relayer cette initiative dans les syndicats, les associations et via les réseaux sociaux.
André Martin – Fondateur du site http://www.retraites-enjeux-debats.org/
Délégué syndical CFDT pendant 20 ans dans un grand groupe multinational
Vous pouvez transmettre votre accord pour être signataire de cette contribution … via Message sur https://www.facebook.com/andre.martin.9085
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(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/04/herve-le-bras-les-scenarios-du-conseil-d-orientation-des-retraites-sont-irrealistes-en-matiere-de-mortalite_6160507_823448.html
(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/10/reforme-des-retraites-le-montant-minimum-de-1-200-euros-concernera-un-tres-petit-nombre-de-personnes_6161265_823448.html
(3) https://www.liberation.fr/checknews/le-systeme-de-retraite-en-france-est-il-financierement-en-peril-20220414_XSOSZXYK6ZB3TNJATN2REPNIAM/?xtor=EREC-21-%5BNL_CheckNews__14-04-2022%5D-&actId=ebwp0YMB8s1_OGEGSsDRkNUcvuQDVN7a57ET3fWtrS_IpMN0RkIXO7c4pV2SgE4L&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=515881
(4) https://retraite.ooreka.fr/astuce/voir/502081/taux-de-remplacement
(5) http://www.retraites-enjeux-debats.org/IMG/pdf/rapport_CARREZ_du_30_juin_2010_1_.pdf
(6) https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/la-defiscalisation-des-heures-supplementaires-castaner-a-longtemps-ete-contre_136507.html
(7) http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article1591&fbclid=IwAR2Xou_eNXzLbCFmbjZ0D9TNlNxmO-nrK3EtsQsDmmShHaewfr6ktGfIb3U
(8) https://www.urssaf.fr/portail/home/employeur/beneficier-dune-exoneration/exonerations-generales/la-reduction-de-cotisations-sala.html
(9) http://www.retraites-enjeux-debats.org/spip.php?article514
(10) https://www.seuil.com/ouvrage/comment-les-riches-detruisent-la-planete-herve-kempf/9782757888322
2ème article :
Suggestions pour des collectes massives et transparentes de soutien aux grévistes
lundi 13 février 2023, par
Des collectes de fonds à grande échelle, permettant de soutenir les grévistes jusqu’au succès, supposent d’en définir les modalités collectivement, dans chaque ville ou Métropole.
Porter à la connaissance des citoyens d’une ville ou d’une métropole, des modalités pratiques et de transparence
• Définir et afficher des lieux et horaires de collectes (mairie, théâtre, stade, …). Et sur les lieux d’arrivée des cortèges de manifestants. Informations à partager via les associations et les réseaux sociaux.
• Effectuer les collectes en présence de syndicalistes représentants des entreprises en grève, d’élus locaux et de militants associatifs.
• Ceux qui collectent des fonds dans leurs entreprises, associations, partis politiques, ou dans leur entourage, les apporteront sur ces lieux de collecte publics.
Afin d’assurer un maximum de transparence, ainsi qu’un peu d’émulation, seront notés dans un registre
• La date, l’heure et le montant des sommes recueillies ou apportées
• Les noms des entreprises où les militants syndicaux ont collecté ces dons. Idem pour les services publics, associations diverses, associations de retraités, …
• Le total des sommes recueillies sera calculé chaque jour. Et tenu à la disposition de tous et notamment de la presse locale.
• Informer les journalistes des journaux et médias locaux et nationaux, afin qu’ils informent sur les lieux de collectes, les fonds récoltés, …
Organiser prioritairement ces collectes dans les villes où une grande entreprise locale va partir en grève reconductible (raffineurs, dockers, énergéticiens, transporteurs, …)
• Dans ces villes, les forces progressistes (syndicats, associations, élus de gauche) ont l’habitude de travailler ensemble.
• L’objectif, en frappant un grand coup, est d’éviter le pourrissement des grèves et de limiter dans le temps la gêne pour les citoyens.
Autres suggestions pour un soutien financier aux grévistes, rapide, massif et visible
• Des appels pourraient être initiés dans les régions ou métropoles. Pour converger ensuite dans un Appel national
• Jusqu’ici très peu d’intellectuels, artistes ou personnalités connues se sont engagés publiquement en soutien aux grèves et mobilisations. La déclaration de l’intersyndicale du 11 février reconnait implicitement que seule la grève reconductible dans quelques secteurs stratégiques est susceptible d’amener à la raison le Président de la République. Cette déclaration forte devrait conduire des intellectuels, artistes et personnalités à apporter publiquement leur soutien.
• Aussi faudrait-il que les militants locaux sollicitent des personnalités connues et appréciées des Français : responsables de grandes associations, scientifiques, sportifs, universitaires, artistes, écrivains, économistes, élus des différentes sensibilités de la gauche. Afin de recueillir leur accord pour figurer parmi les premiers signataires d’un Appel local puis national
• Organiser la visibilité et la viralité des initiatives de soutien aux grévistes. Les militants qui peuvent se consacrer à ces tâches devraient leur donner la priorité. Car peu importe d’être 20 de plus ou de moins dans les défilés.
Une question à débattre entre les organisations syndicales et les autres acteurs du soutien financier aux grévistes
Toutes les organisations syndicales ont des caisses de grève alimentées par un pourcentage de la cotisation syndicale. Ces caisses servent à compenser une partie des pertes de salaire des salariés en grève. Les caisses de grève des fédérations syndicales ayant conduit de longues grèves ces 2 dernières années (raffineries, SNCF, énergie, RATP …) doivent être assez basses. Mais leur engagement sera indispensable pour faire reculer Emmanuel Macron à la raison. Aussi nous pensons que les fonds collectés devraient être fléchés prioritairement vers les grévistes de ces secteurs décisifs pour l’issue de la bataille.
Vous pouvez nous transmettre vos suggestions … via Message sur https://www.facebook.com/andre.martin.9085
André Martin – Fondateur du site http://www.retraites-enjeux-debats.org/
Délégué syndical CFDT pendant 20 ans dans un groupe multinational