Contre la maltraitance des chômeurs-euses et au personnes au RSA

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Seize associations et syndicats s’unissent pour demander, au Conseil d’Etat, l’abrogation du décret du 30 mai 2025 qui autorise la suspension ou la suppression du RSA et des allocations chômage dès le premier « manquement ». Voici leur argumentation. 

Un collectif de 16 associations et syndicats attaque l’Etat pour sa politique de sanctions à l’encontre des chômeurs et allocataires du RSA

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Seize associations et syndicats s’unissent pour demander, au Conseil d’Etat, l’abrogation du décret du 30 mai 2025 qui autorise la suspension ou la suppression du RSA et des allocations chômage dès le premier « manquement ». Ce texte constitue une ligne rouge. Derrière les mots “plein emploi”, c’est une tout autre réalité qui s’impose : la suspicion envers les personnes privées d’emploi plutôt que la confiance, la contrainte plutôt que l’accompagnement, la menace de perdre tout revenu plutôt que la sécurité nécessaire à tout un chacun pour rebondir.

Les sanctions ne luttent pas contre la pauvreté mais la renforcent. On ne sort pas les personnes de la pauvreté à coups de suspensions, mais par la confiance et l’accompagnement.

 

Argumentaires juridiques invoqués dans le cadre des recours

1.      Atteinte au droit et à des moyens convenables d’existence

 

Des sanctions violentes (réduction ou suppression du RSA dès le premier manquement) qui méconnaissent :

  • Le Préambule de la Constitution de 1946 (qui consacre le droit à des moyens convenables d’existence) ;
  • L’article 3 de la CEDH (interdiction des traitements indignes).

Le montant du RSA (646 euros en 2025 pour une personne seule) est deux fois inférieur à celui du seuil de pauvreté (60 % du revenu médian soit 1216 euros en 2025). Le niveau du RSA est même inférieur au seuil d’extrême pauvreté (40 % du revenu médian soit 860 euros en 2025). Le réduire à titre de sanction revient à supprimer les moyens de subsistance.

2.      Disproportion manifeste des sanctions

Le Conseil constitutionnel avait conditionné la constitutionnalité de la loi « Plein emploi » au respect du principe de proportionnalité des peines.

Le décret ignore cette réserve : il autorise des suspensions totales et prolongées du RSA, même dès le premier manquement.

3.      Violation des droits de la défense

 

Auparavant, une sanction RSA enclenchait la réunion d’une instance où la personne était reçue et pouvait expliquer sa situation.

Désormais, avec la sanction appelée « suspension-remobilisation », la personne a 10 jours pour réagir et il n’y a pas nécessairement de réunion de cette instance ni de rencontre en physique avec la personne (ce sera à la discrétion des départements). Ce délai de 10 jours pour se justifier avant sanction est largement insuffisant, d’autant plus si la personne souhaite demander de l’aide auprès d’une association.

Le décret méconnaît par ailleurs le droit au silence et le droit d’être entendu, ce qui constitue une atteinte grave aux droits de la défense.

4.      Confusion entre chômage et RSA

 

Assimiler les allocataires du RSA à des demandeurs d’emploi indemnisés est une erreur de qualification juridique. Le RSA n’est pas une indemnisation du chômage, mais un revenu de survie au nom du droit à des moyens convenables d’existence, pour des personnes souvent éloignées durablement de l’emploi.

Ce problème est renforcé par le fait que l’orientation des personnes vers leur organisme référent (chargé de leur accompagnement) se faisant par algorithme, la situation de la personne et ses difficultés sociales risquent d’être sous-évaluées. Des personnes cumulant plusieurs difficultés se retrouvent ainsi dans un parcours “emploi” et doivent justifier au moins 15 heures d’activités obligatoires alors que ce parcours n’est pas adapté à leur situation. Elles sont d’autant plus susceptibles d’être sanctionnées car n’étant pas en capacité de respecter les obligations du contrat d’engagement.

 

5.      Atteinte au principe d’égalité et à la sécurité juridique

 

Les sanctions seront appliquées de manière disparate selon les départements ou selon que le suivi relève de France Travail ou du Conseil départemental.

Le décret ne prévoit pas de mesures transitoires suffisantes, créant une insécurité juridique.

 

6.      Méconnaissance du droit à une vie privée familiale normale et discrimination

Désormais, toute personne qui demande le RSA est automatiquement inscrite à France Travail, mais également, et même si celui-ci ou celle-ci travaille, le conjoint, concubin ou partenaire de PACS.

Certains retours évoquent des rendez-vous à France Travail “en couple”…

 

7.      Risque de non-recours et d’exclusion accrue

La complexification des conditions d’obtention du RSA, les menaces de sanctions et la multiplication des procédures de contrôles (dans le cadre du respect du contrat d’engagement mais aussi ceux réalisés par les Caf dans le cadre de la lutte contre la fraude), vont aggraver encore la maltraitance institutionnelle que vivent les personnes. Le découragement et le renoncement pour demander ses droits risquent de croître encore, alors même que le non- recours au RSA et à l’assurance chômage atteignent des niveaux très élevés (36 % pour le RSA, entre 25 % et 42 % pour l’assurance chômage selon une étude de 2022 de DARES). Cela contrevient aux objectifs constitutionnels et conventionnels de solidarité.

Selon une étude de la Drees de 2023, 18% des personnes en non-recours de leurs droits sociaux le sont parce qu’ils en craignent les conséquences négatives (les motifs évoqués derrière cette crainte sont : “pour ne pas avoir à rendre des comptes, à faire l’objet de contrôle” et “ne pas subir des conséquences négatives – perte d’autres droits, obligation de payer des impôts, problèmes administratifs, etc. – ”). Entre 2016 et 2021, cette cause a pris une place croissante parmi les autres causes de non-recours.

 

8.      Renforcer les sanctions contribue à éloigner les personnes de l’emploi stable

Les expériences, dans d’autres pays européens, de renforcement des régimes de sanctions ont eu pour conséquence d’accroître le non recours aux prestations, d’augmenter la pauvreté et de pousser les personnes à accepter des emplois plus précaires que ce auxquels elles auraient pu prétendre au regard de leur qualification.

Le volet coercitif de cette réforme, au travers du décret sanctions, assigne les personnes à une boucle perpétuelle de pauvreté : pauvres aux minima sociaux, pauvres en emploi.

 

9.      Travail forcé et atteinte à la dignité

Le décret impose à tous les inscrits à France Travail de justifier d’au minimum 15 heures d’activités hebdomadaires, sous peine de suspension ou de suppression du revenu. Cela constitue une forme de travail gratuit imposé, contraire :

  • à la Convention de l’OIT sur le travail forcé (n°29) et son Protocole de 2014,
  • au principe de fraternité et de solidarité garanti par le préambule de la Constitution de 1958.

 

10. Absence de moyens pour l’accompagnement des usagers : « le bâton sans la carotte »

La réforme France Travail promettait d’augmenter les moyens pour garantir un accompagnement renforcé et personnalisé des personnes. Or c’est avec des budgets en baisse à France Travail et dans les Départements que la réforme se met en place :

  • Des conseillers à France Travail surchargés avec entre 350 et 450 personnes suivies voire plus ;
  • De plus en plus de personnes présentant des difficultés importantes (santé, logement, problèmes de mobilité, de garde d’enfants, etc.) pour lesquelles les conseillers ne sont pas outillés ;
  • Des indicateurs de performances centrés sur les sorties vers l’emploi sans que l’on sache si l’emploi est durable ;
  • Le projet professionnel, théoriquement au cœur de l’accompagnement, est

 

11. Une volonté à France Travail de massifier les contrôles

France Travail a annoncé vouloir passer de 600 000 contrôles aujourd’hui à 1,5 millions en 2027. Les effectifs d’agents sont renforcés pour le contrôle, au détriment de l’accompagnement des personnes. Cette intensification des contrôles s’accompagne d’un usage croissant de l’intelligence artificielle (cf. article de la Quadrature du Net, des robots pour contrôler les chômeurs et les allocataires du RSA, mai 2025).

 

12. Une  discrimination plus  forte  vis-à-vis des  personnes éloignées du numérique

 

Parmi les éléments observés par France Travail pour déclencher ou non un contrôle, se trouve le fait d’avoir mis son CV sur la plateforme ou de répondre directement en ligne à des offres d’emploi présentes sur le site de France Travail.

Or les personnes que nos associations accompagnent sont très éloignées du numérique et cher- chent du travail en déposant leur CV en format papier chez les employeurs. Ces personnes sont donc plus susceptibles d’être contrôlées et sanctionnées, parce que leurs démarches de re- cherche d’emploi ne laissent pas de traces numériques et que, si on leur demande de justifier leurs recherches, elles auront plus de mal à en apporter les preuves.

Ressources à consulter

I  Témoignages

 

II     Ressources des associations pour aller plus loin

 

III  Ressources institutionnelles pour aller plus loin

IV  Expressions antérieures Mouvement des mères isolées

| Le Club ;

 

CFDT

 

(01/04/25) ;

 

Unsa

 

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