« Sophie Binet vient d’annoncer être mise en examen pour injure publique. La secrétaire générale de la CGT avait qualifié les patrons qui menaçaient de délocaliser leur entreprise en cas de surtaxe du gouvernement « de rats qui quittent le navire » . A l’origine de la plainte, Sophie de Menthon, une présidente du lobby patronal Ethic, qui a l’habitude de tisser des liens entre les patrons et l’extrême droite. »

Qui est Sophie de Menthon, à l’origine de la plainte contre Sophie Binet ?
Sophie Binet vient d’annoncer être mise en examen pour injure publique. La secrétaire générale de la CGT avait qualifié les patrons qui menaçaient de délocaliser leur entreprise en cas de surtaxe du gouvernement « de rats qui quittent le navire » . A l’origine de la plainte, Sophie de Menthon, une présidente du lobby patronal Ethic, qui a l’habitude de tisser des liens entre les patrons et l’extrême droite.
« Des rats quittent le navire ». Cette expression courante vaut à la secrétaire générale de la CGT une plainte pour injure publique. Sophie Binet a en effet annoncé ce matin sur France Inter avoir été mise en examen après avoir qualifié le 31 janvier 2025 sur RTL, les patrons qui menaçaient de délocaliser leur entreprise de « rats qui quittent le navire » dont « le seul objectif est l’appât du gain ». À ce moment-là, Bernard Arnault venait de critiquer la surtaxe prévue dans le budget 2025, estimant qu’elle « risquait d’inciter à la délocalisation », tout en précisant ensuite qu’il ne voulait pas délocaliser LVMH.
Coup de Menthon contre Sophie Binet
La leader de la centrale syndicale, qui s’est dite « extrêmement choquée » par cette mise en examen – automatique dans ce type de procédure – ne pensait pas se retrouver au tribunal pour « avoir fait [s]on travail de syndicaliste, à savoir dénoncer les délocalisations et les inégalités de répartition des richesses, ainsi que le fait que les milliardaires payent toujours moins d’impôts et ne se sentent plus responsables de l’emploi en France. » Quant à l’expression utilisée : « C’est une image populaire, c’est dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, et je pense que c’est important dans le débat public qu’on puisse parler sans langue de bois. »
Mais la comparaison animalière de Sophie Binet n’a pas vraiment plu à une autre Sophie, présidente du groupe patronal Ethic, qui a donc saisi la justice. Ce « jugement de valeur négatif qui entache nécessairement leur honneur et leur réputation » est « particulièrement injurieux » pour « l’ensemble des grands chefs d’entreprise [qui] sont ici directement pris à partie », argumente Sophie de Menthon.
Touche pas à mon patron
Membre du CESE depuis 2010 et de l’OFCE, cette cheffe d’entreprise est devenue une figure médiatique du patronat français. Fille d’un diplomate à l’ONU et directeur de société, et d’une mère au foyer, elle est une entrepreneure née. Dès 1976, alors qu’elle n’a qu’une vingtaine d’années, elle fonde sa société de télémarketing, qui comptera jusqu’à 800 salariés, avant d’être revendue dans les années 2000. En 2004, elle préside la Société de management des entreprises (SDME), une société de conseil aux entreprises et de media training.
En désaccord avec certaines orientations du Medef, elle quitte l’organisation en 2009 avant d’en devenir la candidate malheureuse à la présidence en 2010. Adepte des provocations et outrances en tout genre, elle s’est fait connaître dans le débat public pour ses prises de positions originales, fustigeant le « politiquement correct ». Habituée des plateaux, elle officie sur LCI ou RMC dans « Les Grandes Gueules ». Comme ce jour de janvier 2013 où elle donne son avis sur l’affaire Nafissatou Diallo et Dominique Strauss-Kahn dans l’hôtel new-yorkais, estimant que ce qu’il lui était arrivé était « ce qui lui était arrivé de mieux ». Elle s’excusera mais sera évincée de l’émission. Défenseuse de l’égalité salariale et des quotas dans les conseils d’administration, elle « déteste ce qui relève du genrisme ». En plein débat sur le harcèlement de rue en 2015, elle est au cœur d’une polémique pour avoir tweeté que se faire siffler restait « plutôt sympa ».
À ses heures, Sophie de Menthon écrit aussi des livres pour enfants sur des thèmes comme l’entreprise ou la justice. Mais le credo de la présidente d’Ethic reste d’« assurer par tous les moyens la promotion et la défense des entreprises ». Dès 2003, elle lance l’opération « J’aime ma boîte », une sorte de fête des entreprises : un jour « où il faut avouer haut et fort que votre entreprise est un lieu où vous aimez aller, où vous vous sentez bien ! ». Parce qu’elle « reste le premier socle de confiance des Français (après la famille) ».
Marine Le Pen, cette nouvelle amie communiste
Désormais, elle cherche surtout à réconcilier le patronat avec le Rassemblement national. Celle que le journaliste de Mediapart, Laurent Mauduit, qualifie « d’entremetteuse entre l’extrême droite et le patronat », évolue sans difficulté dans le monde capitaliste français. Car, pour cette patronne il est « très dangereux de porter un jugement moral sur l’économie », expliquait-elle au micro de Quotidien en 2017.
Dans le conseil d’administration d’Ethic, « il y a une dame qui s’appelle Maya Atig, patronne de la Fédération bancaire française. Sophie de Menthon tient parfois des colloques. Qui y défile ? François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, ou encore Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies », rapporte auprès de Rapports de Force, l’auteur de l’ouvrage Collaborations, sur l’attirance croissante du patronat pour le mouvement bleu marine.
Car dans le monde de Sophie, « il n’y a pas d’extrême droite : elle n’est pas extrême, et surtout son programme économique est intégralement de gauche, ce qui rebute sérieusement les chefs d’entreprise… ». Sa « mémoire lui fait défaut » et Sophie de Menthon ne souvient pas que l’extrême droite eut été un jour arrivée au pouvoir en France… Elle peut ainsi aisément qualifier le projet économique de Marine Le Pen de « communiste ». Une observation des votes des députés RN à l’assemblée nationale ou au parlement européen relativise quelque peu ce penchant. Sans parler de leurs atermoiements sur les retraites, la taxation des riches ou leur obstruction récente à la proposition de loi de la France insoumise visant à nationaliser ArcelorMittal.
Pour écarter toute tentation soviétique de la part du RN, Sophie de Menthon assure avoir convaincu Marine Le Pen et ses proches d’abandonner toute hausse du Smic. Comme Jean-Marie Le Pen se déclarait jadis « reaganien », Jordan Bardella s’autoproclame aujourd’hui « pro-business ».
L’Humanité rappelle que plusieurs propositions du groupe Ethic figurent dans le programme du RN, à commencer par la création de « syndicats maison » au sein des entreprises, censés soutenir la « productivité des entreprises ». L’objectif affiché : lutter contre la « politisation des syndicats représentatifs ». Ceux, comme au hasard, la CGT de Sophie Binet, qui osent critiquer les patrons.
| Crédit photo : CC Selbymay |











