Dans l’Education nationale, plusieurs appels à l’action existent, dans des configurations unitaires différentes. Une tribune très large, (interassociative et syndicale), est également parue dans Libération sur la non scolarisation des enfants.
- Éducation nationale : grève le 12 novembre ! (FSU, UNSA, CFDT)
C’est avec consternation et incompréhension que les organisations syndicales FSU, UNSA-Education, SGEN-CFDT ont découvert les annonces budgétaires pour l’année 2019 enterrant de fait la priorité à l’Éducation nationale.
Avec 2 650 postes d’enseignant-es et 400 de personnels administratifs supprimés, c’est une nouvelle dégradation des conditions d’études des élèves et de travail des personnels qui est programmée.
Cela n’est pas compatible avec l’ambition d’un enseignement de qualité et d’une plus grande égalité de réussite, ni d’une bonne administration du système éducatif.
Les organisations FSU, UNSA-Education, SGEN-CFDT dénoncent ces suppressions d’emplois dans un contexte d’augmentation démographique. La « priorité au primaire » ne peut pas se faire par un redéploiement de moyens.
Elles demandent au gouvernement de renoncer à ce projet.
Les organisations FSU, UNSA-Education, SGEN-CFDT appellent les personnels de l’Éducation nationale à une journée de grève le 12 novembre prochain.
Elles appellent toutes les organisations syndicales de l’Éducation nationale à rejoindre cette action.
Les Lilas, 25 septembre 2018.
- Enseignement supérieur : une intersyndicale
« CAP 2022 » : une offensive sans précédent contre les statuts des personnels et les établissements de l’Enseignement supérieur et de la recherche !
Les scandales de l’été n’ont pas entamé la volonté du gouvernement de multiplier les attaques générales contre les salariés, les retraités, les bénéficiaires des prestations sociales… Outre l’énorme chantier de casse des systèmes de retraites annoncé, le rapport du « Comité action publique 2022 » (CAP 2022) formalise toutes les attaques mises en route contre la fonction publique et ses agents.
Ce rapport, commandé par Édouard Philippe à l’automne dernier, a fuité cet été. Un comité d’une quarantaine de personnalités, dont des chefs d’entreprises, des membres de l’Institut Montaigne connu pour ses publications ultralibérales, a remis sa copie avec 22 propositions en faisant miroiter 30 milliards d’économies sur les dépenses publiques, à condition de « transformer » l’action publique. Le rapport incite l’État à se désengager là où ce n’est pas encore fait : transport ferroviaire (avec ouverture au privé), réseau de transport routier, distribution de l’énergie, logement, financement de l’Office national des forêts, sport pour tous, contrôles (sanitaires, fraudes…)… Même le financement des hôpitaux est dans le collimateur, comme si la situation n’y était pas déjà extrêmement critique ! Tous les services publics, y compris l’éducation, l’enseignement supérieur et la
recherche, sont attaqués.
Concernant l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), l’accroissement de l’autonomie des établissements, l’encadrement de leur activité par le contrat, l’augmentation de leurs ressources propres y compris par l’augmentation des droits d’inscription, une différenciation accrue des établissements en vue de leur mise en concurrence selon une classification distinguant ceux qui ont une vocation régionale, nationale ou internationale, la dilapidation du patrimoine national avec le transfert de l’ensemble du patrimoine immobilier aux établissements, une gestion inégalitaire et une mise en concurrence des enseignants-chercheurs, tout y est !
Le rapport CAP22 précise : « La politique des formations supérieures, la stratégie nationale de recherche et la tutelle des organismes de recherche continueraient à être assurées par l’administration centrale alors que l’ensemble des autres missions seraient prises en charge par des agences ». Des agences de quelle nature ? Avec quelles missions et quel budget ? CAP22 déplore les mécanismes de financement de l’ESR : « Enfin, le système actuel de subventions de la recherche et de l’enseignement supérieur n’est pas suffisamment incitatif. En effet, les subventions publiques constituent aujourd’hui les trois quarts des ressources des universités et des organismes de recherche. Or, l’attribution de ces subventions n’est pas conditionnée à la performance, à l’atteinte d’objectifs ou de résultats ». De quelle performance est-il question ? Celle des indicateurs des classements internationaux qui n’ont jamais rendu compte du travail réel des équipes de recherche et d’enseignement ? Des enseignants ? Ou bien celle des objectifs de réduction simultanée des moyens et du nombre de fonctionnaires ? Ou encore celle qui consiste à subordonner la recherche publique aux intérêts privés des grands groupes nationaux et européens ?
Ces grands experts en ESR précisent ce qu’ils espèrent :
- « Piloter les universités et tous les opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche par le contrat, y compris sur la question des moyens. Il s’agit de moduler le financement des opérateurs en fonction de critères clairs et évalués. Cela doit concerner à la fois les universités et les organismes de recherche. », et pour être encore plus clair :
- « … le financement des organismes doit davantage dépendre des résultats pour constituer une incitation à accroître la qualité de l’enseignement et de la recherche. »
Au niveau des structures, CAP22 suggère d’accroître encore plus l’autonomie des universités. En lien avec le financement, il propose d’« ajuster la carte des laboratoires de recherche aux domaines d’excellence des universités et des grandes écoles…les crédits de recherche doivent être alloués selon les domaines d’excellence qui auront été choisis au moment de la différenciation des laboratoires. ». Les établissements sont donc priés de faire le ménage.
Puisque la plus grande partie des dotations aux établissements de la recherche et de l’enseignement supérieur est consacrée au financement des salaires du personnel, c’est leur statut qui est la cible des experts. Il y a un risque majeur de régression sociale grave : CAP22 déplore que « Les mobilités sont peu encouragées dans les parcours et sont contraintes, notamment par les différents corps. De plus, la gestion des ressources humaines dans la fonction publique est aujourd’hui beaucoup trop centrée sur des questions générales, d’ordre juridique autour du statut ou du contrat, et n’est pas suffisamment individualisée… ». Autrement dit : À bas le statut ! Vive l’individualisation ! Mais « heureusement », le secteur privé arrive à la rescousse : « Il est indispensable d’offrir une flexibilité accrue aux chercheurs et enseignants-chercheurs pour qu’ils puissent bénéficier de carrières dynamiques et envisager des mobilités y compris vers le secteur privé,… ». Dans ce but il faut aussi « revoir la formation des enseignants ». Et pour être bien certain que les règles de « management » du privé seront appliquées au sein de la Fonction Publique, « les talents venant du privé » seront privilégiés pour l’accès aux emplois de cadres dirigeants ! Et si cela n’était pas assez clair, de façon générale, CAP22 suggère « d’élargir le recours au contrat de droit privé comme voie “normale” d’accès à certaines fonctions du service public… », et propose carrément de « donner la possibilité au management de négocier des accords dérogatoires au cadre de la fonction publique, sur l’ensemble des points du statut (rémunération, temps de travail, mobilité …) et de mettre en place des accords sociaux locaux, y compris d’intéressement collectif… ». La mise en route de nombres de ces éléments – non exhaustifs – est déjà effective, notamment dans le cadre des chantiers « Refonder le contrat social » de la direction générale de la fonction publique.
Les organisations soussignées rejettent les mesures proposées par le Comité CAP22 et appellent les personnels à lutter contre leur mise en place. Nous sommes opposés au pilotage de l’ESR par la carotte financière indexée sur des critères de performance qui n’ont aucune pertinence dans les domaines de la recherche et de l’enseignement et à la remise en cause du statut du personnel de l’ESR.
Nous exigeons :
➜ Une revalorisation significative des salaires avec le dégel et la revalorisation du point d’indice, ainsi qu’un rattrapage en nombre de points du pouvoir d’achat perdu depuis 2010 ;
➜ un plan pluriannuel de création d’emplois de fonctionnaires, enseignant·e·s-chercheur·e·s, chercheur·e·s, ingénieur·e·s, technicien·ne·s, personnel de bibliothèques et administratif, à hauteur de 6 000 créations par an pendant 10 ans ; et dès à présent, le dégel de tous les emplois vacants ;
➜ la fin de la politique de précarisation et la mise en place d’un plan de titularisation des contractuel·le·s et vacataires de l’ESR ; non au contrat de chantier ;
➜ une réelle augmentation du financement public de l’ESR : 3 milliards d’euros par an pendant 10 ans pour atteindre l’objectif de 1% du PIB pour la recherche publique et 2% du PIB pour l’enseignement supérieur. Elle doit permettre le financement récurrent des établissements nationaux de recherche et des universités à la hauteur des ambitions scientifiques du pays ainsi qu’un plan pluriannuel de création d’emplois titulaires et un plan de construction et de réhabilitation immobilière, afin d’accueillir les étudiant·e·s qui le souhaitent dans la formation de leur choix.
Pour toutes ces raisons, nos organisations appellent les personnels de l’ESR à participer à la journée du 9 octobre pour défendre la Fonction publique et les services publics selon diverses modalités de mobilisation : grèves, rassemblements, manifestations, assemblées générales dans toute la France
SNTRS-CGT, CGT-INRA, CGT FERC Sup, SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNEP-FSU, SUD RECHERCE EPST, SUD EDUCATION et FO-ESR
- Tribune sur les enfants non scolarisés est parue sur Libération.fr
En France, des milliers d’enfants ne sont pas scolarisés, en raison de facteurs multiples (éloignement des lieux de vie, expulsions à répétition, manque d’infrastructure…). Un collectif interpelle le chef de l’État et le ministre de l’Éducation nationale pour rendre le droit à la scolarisation pleinement effectif.
A l’heure où la majorité des enfants en France se familiarisent avec leur nouvelle école ou leur nouvelle classe, une minorité d’enfants et adolescents invisibles continuent d’être exclus de l’école, laissés pour compte. L’école est un droit en France, mais elle n’est pas un acquis pour les milliers d’enfants et adolescents qui chaque année voient leur avenir compromis.
Pourtant, garantir l’accès à l’éducation à tous les enfants, indépendamment de leur situation sociale, géographique, familiale ou de leur origine est une obligation inscrite dans le code de l’éducation comme dans plusieurs conventions internationales que la France a choisi de signer. Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a ainsi rappelé la France à l’ordre, lui demandant de « garantir à tous les enfants le droit à l’éducation sans discrimination ».
Le candidat Emmanuel Macron avait annoncé que l’école primaire serait une priorité s’il devenait président, « pour que tous les élèves sachent lire, écrire et compter en arrivant en sixième ». Si le dédoublement des classes de CP puis CE1 en réseau d’éducation prioritaire a envoyé un signal positif aux écoliers les plus fragiles, nous déplorons profondément que cette nouvelle rentrée scolaire perpétue l’exclusion de l’école des enfants les plus fragiles.
Une approche globale
Il est difficile d’évaluer précisément le nombre d’enfants et adolescents non-scolarisés. En effet, la majorité des maires ne s’acquittent pas de l’obligation d’établir une liste des mineurs de la commune soumis à l’obligation scolaire. Des estimations permettent toutefois de cerner l’ampleur du phénomène. En France, 80% des enfants vivant en bidonvilles et en squats ne sont pas scolarisés, mais c’est aussi le cas d’enfants vivant en habitat précaire, en hébergement d’urgence, ou encore accueillis temporairement avec leur famille chez des proches. De nombreux jeunes sans représentants légaux sur le territoire sont également exclus de l’école durant des mois, notamment quand leur minorité est contestée. Des milliers de jeunes handicapés se retrouvent également sans aucune solution de scolarisation. Le problème est décuplé dans les départements d’outre-mer : certaines estimations évoquent 5 000 enfants à Mayotte et 10 000 enfants en Guyane privés d’école. Quel avenir, quelles perspectives la France propose-t-elle à ces enfants et adolescents ?
La non-scolarisation est une problématique dont la pluralité des facteurs nécessite une approche globale : éloignement des lieux de vie des écoles (ou inaccessibilité par les transports en commun), expulsions de bidonvilles ou squats ou déplacements contraints d’un hôtel social à un autre, entraînant une rupture dans la scolarité, double déficit en infrastructures et en personnels qualifiés à Mayotte et en Guyane, barrières matérielles liées aux conditions de vie (achat de vêtements, coût de la cantine, etc.), dispositifs pour élèves allophones saturés dans certains territoires, freins liés aux situations de handicap, tels que le manque d’auxiliaire de vie scolaire, etc.
Les refus d’inscription scolaire ou les tracasseries administratives opposées par certaines municipalités sont particulièrement inadmissibles : variabilité des pièces à fournir, demandes abusives de justificatifs, création de listes d’attente opaques et injustifiées. Si ces pratiques des mairies sont inacceptables, l’Etat doit faire en sorte qu’elles cessent : est-il nécessaire de rappeler que l’inscription scolaire en maternelle et primaire est une mission exercée par les maires au nom de l’Etat qui engage, in fine, la responsabilité de celui-ci ?
Politique nationale d’inclusion scolaire
Nous appelons donc solennellement le président de la République et le ministre de l’Éducation nationale à insuffler la dynamique indispensable qui permettra de combler le fossé entre les textes et leur application effective. Cette question est d’autant plus d’actualité que le gouvernement a étendu la scolarité obligatoire à 3 ans. Faisons de cette mesure importante une opportunité pour enrayer l’exclusion scolaire dès le plus jeune âge. Nos organisations ont des solutions concrètes à proposer pour rendre pleinement effectif ce droit fondamental et avancer vers une école toujours plus inclusive. Parmi celles-ci, la mise en place d’un observatoire de la non-scolarisation dans toutes les académies permettrait un réel pilotage d’une politique nationale d’inclusion scolaire, de mettre des chiffres et des visages sur cette réalité. En pratique, la mise en place d’un travail de médiation pour faire le pont entre ces publics fragiles et l’institution scolaire s’avère être une piste pertinente.
Nous suggérons également au gouvernement de prendre avant la fin de l’année un décret fixant la liste des pièces justificatives devant être acceptées par les maires lors de l’inscription en primaire, afin de limiter les abus en clarifiant les règles applicables et en imposant la délivrance d’un récépissé de dépôt de la demande.
A la veille du 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, il est urgent d’agir pour mettre fin aux dénis de droit constatés. L’accès à l’école de tous les enfants, c’était le sens de l’engagement du candidat Emmanuel Macron à travers la tribune d’Anne Lebreton et Alain Régnier, le 23 mars 2017 : « Pour Emmanuel Macron, l’école doit être une réalité pour tous les enfants » : la place de tous les enfants est à l’école !