Désormais (décembre 2018) le dictionnaire Maitron du mouvement ouvrier est accessible gratuitement en ligne. Ci-dessous les explications du site Maitron, et plus bas un commentaire de Libération.
- site : maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/
- Les explications et le mode d’emploi lus sur le site Maitron en ligne :
Le site maitron-en-ligne reprend, parfois dans une version enrichie et avec de l’iconographie, la totalité des 187 266 notices publiées dans l’ensemble du Maitron, y compris les volumes spécialisés et les cédéroms édités par les Éditions de l’Atelier.
Un moteur de « recherche avancée » permet des recherches avec croisement des informations.
Les notices « À la Une » sont en libre accès.
Le Maitron-en-ligne est désormais accessible dans divers établissements d’enseignements et de recherches, en France et à l’étranger, et il est consultable dans certaines bibliothèques publiques. Voir la liste.
• La rubrique Dictionnaires reprend l’ensemble des dictionnaires spécialisés du Maitron récemment réalisés ou en cours de réalisation/réactualisation.
Le Dictionnaire des anarchistes – Le Dictionnaire biographique des cheminots (DBC) – Le Dictionnaire biographique des enseignants et personnels de l’éducation (DBE) – Le Dictionnaire biographique des fusillés et exécutés (DBFE) – Le Dictionnaire biographique des Gaziers-électriciens (DBGE) – Le Dictionnaire biographique des militants du Val-de-Marne (DBMVM)
Parmi les dictionnaires internationaux, on retrouvera notamment Le Dictionnaire du mouvement ouvrier en Grande-Bretagne et Irlande – Le Dictionnaire biographique du Komintern (DBK) – Le Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis (La sociale en Amérique) – Les dictionnaires biographiques du mouvement ouvrier au Maghreb, en cours de chargement, et en particulier le Dictionnaire Algérie – Le Dictionnaire biographique des mobilisations et contestations africaines, et le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier en Belgique, en cours de constitution.
S’ajoutent certaines entrées thématiques, telles que la navigation parmi les notices de femmes, ou pour des corpus importants, comme les Volontaires en Espagne républicaine.
• La rubrique Périodes correspond au découpage chronologique traditionnel du Maitron, avec ses quatre premières périodes déjà publiées et la cinquième période (1940-1968) en cours de publication. Toutes les notices de ce site sont donc reliées à une ou plusieurs périodes.
- Le commentaire explicatif de Libération (02/01/2019):
Le mythique dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social propose, depuis décembre, la quasi-intégralité de son contenu en ligne et gratuitement. Riche initiative pour rapprocher la recherche du grand public.
La question se fait de plus en plus urgente : comment rendre accessibles les travaux de recherche au plus grand nombre ? Comment transmettre des écrits pouvant être utiles à tous pour mieux comprendre le monde – sans pour autant vulgariser le savoir à la manière d’un Lorànt Deutsch ? Récemment, les outils du numérique, comme les podcasts (Paroles d’histoire, créé par l’historien André Loez ; Passion médiéviste de Fanny Cohen-Moreau en partenariat avec Binge Audio) ou les réseaux sociaux (les threads historiques de Mathilde Larrère ou sociologiques de SocioSauvage par exemple) ont permis de créer des liens avec un grand public souvent refroidi par la complexité – réelle ou perçue comme telle – des livres ou des revues spécialisées. Pour les chercheurs en sciences sociales étudiant les catégories populaires, l’affaire est encore plus corsée : leurs travaux sont rarement lus par les personnes issues de la classe sociale étudiée. La matière est pourtant souvent accessible, mais les barrières symboliques subsistent, et les récits restent lus par un public trop restreint.
Le Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social, tente en cette fin d’année de casser cette frontière. Dans la nouvelle version de son site, en ligne depuis début décembre, toutes les biographies sont accessibles à tous, gratuitement (1). Le dico, qui tire son nom du grand historien Jean Maitron, spécialiste du mouvement anarchiste mort en 1987, est une institution de l’histoire sociale française. On y trouve quelque 187 000 notices décrivant la vie d’ouvriers, de syndicalistes, de résistants… contenues dans les dizaines de tomes et dictionnaires spécialisés publiés aux Editions de l’Atelier depuis 1964 et numérisés en grande partie dans les années 90 pour la sortie d’un cédérom. «On ne prétend pas être exhaustif, car c’est de toute manière impossible : c’est notre horizon qui, par définition, ne s’atteint pas», explique Paul Boulland, codirecteur du Maitron. La matière a été modelée par plus de 1 500 personnes aux origines sociales et intellectuelles diverses, même si les instituteurs étaient majoritaires au début du projet. Paul Boulland : «Ça s’est élargi au fur et à mesure : des tas d’historiens ainsi que des étudiants collaborent au dictionnaire depuis bien longtemps selon leur angle de spécialisation. Il a également beaucoup reposé sur les militants eux-mêmes et leurs organisations. Jean Maitron pensait qu’il fallait faire l’histoire ouvrière et sociale avec les acteurs eux-mêmes. Mais toutes les notices sont soumises à une forme de validation qui cherche à se rapprocher au maximum des critères académiques, historiens et scientifiques.»
La somme intellectuelle impressionne. Chercheurs, étudiants et militants les plus chevronnés circulent avec dextérité dans la version papier ou sur le site, créé dès 2006. Mais les personnes moins habituées à manier les sciences sociales peuvent s’y sentir perdues ou ne pas savoir ce qu’on peut y trouver, au-delà du nom d’une personnalité ou d’un membre de la famille googlisé à la volée. «Jusqu’à aujourd’hui,précise Boulland, le dictionnaire et le site manquaient de visibilité, même pour beaucoup d’étudiants. Ce devrait pourtant être un outil de travail banal pour eux comme pour les lycéens et leurs exposés. Il fallait pour cela passer par le numérique et l’accès libre à la matière.»Alors que les journaux en quête de modèle économique rendent leurs contenus de plus en plus souvent payants, les institutions scientifiques, elles, réfléchissent en effet à une ouverture toujours plus grande de leurs écrits.«Mais il ne suffit pas d’ouvrir les vannes du site, il faut aussi de la pédagogie pour montrer ce qu’on trouve dans le dictionnaire ou ce que chacun peut en tirer pour sa réflexion sur tel ou tel sujet»,complète Boulland, qui précise que la production papier n’est pas abandonnée : «Un grand projet sur la Commune de 1871 doit ainsi paraître dans deux ans.»
La nouvelle version du site veut inciter les lecteurs à y rester, vadrouiller de fiche en fiche et lire des biographies de personnes découvertes au gré des flâneries dans l’histoire sociale des militants. Des représentations cartographiques feront même leur apparition en janvier. Si certaines parties restent à optimiser (comme les blocs de textes qui font office de bibliographie ou de sources), le lecteur se surprend à cliquer sur la fiche de l’anarchiste communarde Louise Michel, à ricocher sur celle de sa camarade de lutte Nathalie Lemel avant de rejoindre le dictionnaire des enseignants et découvrir Charles Monier, instituteur et adjoint au maire communiste à Bollène (Vaucluse) au sortir de la Seconde Guerre mondiale. «On va faire des éclairages sur des événements, des lieux et ainsi faire rebondir les gens à l’infini, assure le codirecteur du Maitron. Chaque biographie est une manière d’interroger l’engagement. On espère que c’est comme ça que les gens vont s’en emparer. C’est un réservoir d’expériences politiques et militantes.» Et qui peut-être, bientôt, participera à rendre plus poreuse la frontière entre les sciences sociales et le grand public.