Allemagne : le syndicalisme et l’AFD

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Voici une étude du politiste allemand Samuel Greef parue sur le site de la Fondation Friedrich Eckert (liée au Parti social-démocrate), qui explicite en 2022 l’attitude et les pratiques de l’Alternative pour l’Allemagne (AFD), organisation d’extrême-droite, vis-à-vis du syndicalisme et du « dialogue social« . Sur le même site, Jean-Marie Pernot a publié une étude sur le « cas » français.

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Populisme de droite et syndicats en Allemagne : quelle est la position de l’AfD sur le dialogue social ?

Samuel Greef

Politiste – Université de Kassel

 

La question du positionnement politique du parti « Alternative pour l’Allemagne » (AfD) vis-à-vis du dialogue social, des relations professionnelles, des syndicats et des travailleurs ne se pose pas dans l’hypothèse d’une possible mise en œuvre politique. La participation éventuelle de l’AfD à un gouvernement allemand est reléguée à un futur lointain, aucun autre parti politique ne souhaitant travailler avec elle (Decker/Ruhose 2021 : 135). Pour autant, l’AfD prend de plus en plus position sur les questions ayant trait aux intérêts des salariés, aux syndicats et aux comités sociaux et économiques des entreprises, que l’on appelle en Allemagne les conseils d’établissement. Deux dimensions sont à l’œuvre : le potentiel électoral que représentent les travailleurs et la volonté d’enraciner davantage le parti dans la société civile (AfD 2019 : 10, 37). A cet égard, deux questions revêtent une importance centrale : quelle position l’AfD adopte-t-elle sur la thématique du dialogue social ? Le parti propose-t-il un programme favorable aux intérêts des travailleurs ?

 

L’électorat de l’AfD et son profil politique

L’AfD est un parti nationaliste à tendance völkisch[1] et se situe pour une large part à l’extrême droite de l’échiquier politique (Häusler / Roesler 2021 : 5). Le parti siège au Parlement fédéral (Bundestag) ainsi que dans tous les Parlements régionaux (Landtage). Lors des élections législatives de 2021, l’AfD a recueilli 10,3 % des suffrages. On observe que la proportion d’hommes, âgés de 30 à 59 ans, ainsi que de diplômés de l’enseignement secondaire (Hauptschule et Realschule)[2] qui votent AfD est plus importante que la moyenne. Parmi les salariés, l’AfD a pu marquer des points auprès de l’électorat ouvrier, catégorie socio-professionnelle qui affiche le taux de syndicalisation le plus élevé. Chez les syndiqués, l’AfD a enregistré un score supérieur de 1,9% à celui qu’il a obtenu dans l’ensemble de la population  (cf. diagramme 1). De manière globale, on observe cependant que le parti est en réalité capable d’attirer de nombreuses catégories socio-professionnelles. De fait, son audience dépasse le cercle des laissés pour compte ou des perdants de la mondialisation, lesquels partagent un fort degré d’insatisfaction et une proximité plus étroite avec les idées d’extrême-droite (Decker 2021 : 41).

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Tableau 1 : catégories de la population surreprésentées dans le vote AfD (élection de 2021)

Sources : DGB (2021) ; groupe de recherche sur les élections (2021).

Cette répartition correspond à l’évolution du parti créé par Bernd Lucke en 2013 dans le contexte de la crise financière. Fondé sur la promesse d’un rejet de l’Union européenne et de la monnaie unique, l’AfD défendait au départ une ligne conservatrice-souverainiste et libérale sur le plan économique. A l’époque déjà, le parti affichait des traits populistes (très critique à l’égard des « élites », le parti se voulait le porte-voix de la « véritable volonté du peuple » et défendait un programme de réforme nationaliste). A la faveur de la crise des réfugiés en 2015, les idées du parti se sont déplacées vers une ligne anti-islam ainsi qu’une politique d’immigration et d’asile dure, associées à une radicalisation continue (Häusler / Roeser 2021 : 11 pp.). Si l’aile droite et extrémiste du parti autour de Björn Höcke a été dissoute en 2020 (Decker 2021 : 38), d’autres franges de l’AfD ont cependant depuis lors évolué vers l’extrême-droite, au point d’être classés depuis 2021 par les services de renseignements du pays (Verfassungsschutz) dans la catégorie des groupuscules d’extrême-droite suspects. Sur les grands sujets qui font l’actualité, l’AfD fait figure de parti du déni : l’AfD a ainsi comparé à plusieurs reprises les mesures prises par le gouvernement pour endiguer l’épidémie de Covid-19 avec la période nazie, évoquant une « loi des pleins pouvoirs sanitaire » en référence à la loi des pleins pouvoirs du 24 mars 1933 (Ermächtigungsgesetz). L’AfD nie l’origine humaine du changement climatique et s’oppose à la décarbonation de l’économie, tentant ainsi de s’adresser aux travailleurs.

Dès 2014, l’organisation « Les salariés dans l’AfD »[3] (AiDA) était fondée ; l’organisation « Association alternative des salariés » [4] (AVA) suivit en 2015, avant que ne soit créée en 2017 la « Ligue alternative des salariés d’Allemagne centrale » “[5] (ALARM) (Schroeder et al. 2020 : 28 pp.). Le fondateur de l’AVA, Uwe Witt, ancien membre du syndicat IG Metall, est porte-parole pour les affaires sociales et la politique de l’emploi au sein du groupe parlementaire de l’AfD au Bundestag. C’est lui qui, en 2018, a présenté l’un des trois projets du parti de réforme du système de retraite. Son projet écartait la possibilité d’une hausse des cotisations ou d’une mobilisation de recettes fiscales supplémentaires pour financer le système des retraites, réclamant à la place une « flexibilisation du système en jouant sur la durée de vie au travail », ce qui, mis bout à bout, aurait signifié un report de l’âge de départ à la retraite et un allongement de la vie au travail (Butterwege 2019 : 100). C’est son suppléant, Jürgen Pohl, également fondateur de la ligue ALARM, qui a présenté le deuxième projet, axé sur l’idée d’un soutien apporté aux Allemands : parallèlement à une retraite indexée sur la productivité du travail, les Allemands devaient percevoir une « retraite citoyenne » (Müller-Gemmeke 2020). Le troisième projet de financement du système des retraites, élaboré par Markus Frohnmaier, prévoyait entre autres une pension de base financée par répartition et dont le montant devait être augmenté d’un pour cent par annuité pour les seuls citoyens allemands. On voit ici apparaître de manière symptomatique la profonde « orientation nationale de la politique sociale et économique [prônée par l’AfD] dont les bénéfices doivent être réservés au pays et à la population qui y habite depuis longtemps » (Decker 2021 : 45). Ce faisant, l’AfD associe une lecture ordolibérale et néolibérale de l’économie, lecture qui ressort plus nettement dans les textes programmatiques du parti, à une conception nationale et « exclusive » de la solidarité entre les générations d’une population allemande « présente sur le territoire de longue date » en matière de protection sociale et de participation au modèle social, conception que l’on retrouve souvent au détour de discours ou de documents informels (Pühringer et al. 2021 : 54 pp.). Dans son programme de campagne de 2021 (2021 : 126), l’AfD n’entendait pas seulement « financer [le système des retraites] en réalisant des économies dans les budgets destinés à financer des politiques idéologiques », comme « […] la politique migratoire, climatique et européenne». S’agissant des étrangers, les prestations sociales destinés aux demandeurs d’emploi devaient également être restreints aux « étrangers d’origine européenne […] qui viennent en Allemagne à la condition d’y exercer une activité leur permettant de subvenir à leurs besoins », de manière à « réduire l’immigration profitant de notre modèle social » (ibid. : 118).

Position de l’AfD sur le dialogue social et les intérêts des travailleurs

Le dialogue social allemand se caractérise par deux niveaux de négociation, distincts sur le plan formel, mais imbriqués l’un dans l’autre (« système dual ») (Schroeder / Greef 2014 : 123 pp.). Représentant chacun une branche d’activité de l’économie allemande, les huit syndicats rassemblés au sein de la Confédération allemande des syndicats (DGB) (6 millions de membres ; taux de syndicalisation : 14,3 %) négocient des conventions collectives avec les organisations patronales allemandes, dans un contexte de recul de la couverture conventionnelle des salariés et d’une baisse du périmètre de l’application des accords collectifs au niveau des branches. Les syndicats allemands se sont organisés après la Seconde guerre mondiale en syndicats de branche unitaires, gardant une neutralité confessionnelle, idéologique et politique. A l’échelle interne des entreprises, les conseils d’établissement, théoriquement indépendants mais liés dans les faits à un syndicat, défendent et représentent les intérêts des salariés face à l’entreprise (en vertu de leur statut inscrit dans la « constitution des entreprises »). A ce titre, les membres des conseils d’établissement disposent de droits de participation (codécision sur les affaires sociales de l’entreprise), de consultation (sur l’organisation du travail et l’aménagement du lieu de travail) et d’information (sur la gestion financière de l’entreprise). La diffusion des pratiques de codétermination au sein des entreprises est, elle aussi, en régression (Ellguth / Kohaut 2020 : 279 pp. ; Müller-Jentsch 2014 : 519 pp.).

Les syndicats du DGB – principaux acteurs dans la négociation par branche des conventions collectives – et les membres des conseils d’établissement qui leur sont liés – et qui détiennent environ 70 % de tous les sièges des conseils d’établissement (Demir et al. 2019 : 45) – jouent les premiers rôles dans le système allemand des relations professionnelles. Il s’agit d’un élément important pour l’AfD, car ces syndicats ont une sensibilité politique de gauche ou sociale-démocrate et, en raison de leur histoire (République de Weimar, période nazie), s’opposent, en tant qu’acteurs politiques, à l’extrémisme et la xénophobie, et militent pour la tolérance et la démocratie. L’incompatibilité entre les valeurs portées par les syndicats du DGB et le parti de l’AfD se traduit par certaines mesures du DGB interdisant aux syndicalistes d’exercer un mandat ou d’être membre de l’AfD.

A cet égard, rien d’étonnant à ce que le « programme fondamental » du parti de l’AfD, édité en 2016, ne mentionne nulle part les syndicats, les conventions collectives ou encore la codétermination, et que les conflits qui opposent le capital au travail soient complètement occultés dans le programme électoral de 2021. L’AfD (ibid. : 45) entend tourner le dos à une « rhétorique haineuse de la lutte des classes ». Le parti se prononce certes en faveur de la « codétermination accordée aux salariés au sein des entreprises et de l’application généralisée des conventions collectives », mais ne voit aucune nécessité d’agir en matière de politique d’emploi et dialogue social. La fédération régionale de l’AfD dans le land de Bade-Wurtemberg a même déposé un projet de loi en 2019 devant le Parlement régional portant sur « la suspension des conventions collectives et de la loi sur le salaire minimum pour les contrats publics ». Aux yeux de l’AfD, l’économie sociale de marché est censée favoriser un retrait de l’Etat (en matière de subventions publiques et de régulation du marché) au profit de la compétitivité dont bénéficieraient les petites et moyennes entreprises allemandes, et exige « un élagage et une flexibilisation du droit du travail » (ibid.)

L’AfD ne défend les intérêts des travailleurs qu’en apparence, ce que montrent clairement les prises de parole des députés AfD au Bundestag[6]. C’est ainsi que Jürgen Pohl s’oppose aux procédures mises en place pour faciliter l’extension des conventions collectives, jugeant que l’Etat « outrepassait ses droits » (prise de parole du 12 décembre 2019). S’il a réclamé une simplification des modalités relatives à l’organisation des élections professionnelles, il ne l’a fait que dans le but de présenter plus facilement des candidats nationalistes. Au lieu des 50 signatures de salariés (au maximum) dont le parrainage est requis pour valider les candidatures à l’élection au conseil d’établissement lors des élections professionnelles – ce chiffre dépendant de la taille de l’entreprise -, seules deux signatures devraient suffire, selon Jürgen Pohl. Dans le même temps, celui-ci s’est dit opposé à l’extension de la procédure simplifiée de scrutin uninominal, qui est le plus souvent utilisé dans les petites entreprises. Ce scrutin électoral, comparé au scrutin de liste qui s’applique dans la majorité des cas, diminue la probabilité de voir des candidats nationalistes inconnus être élus au conseil d’établissement. En lieu et place de cette procédure électorale, Pohl exige de mettre fin au privilège des syndicats du DGB au profit d’autres « groupes de salariés » – les syndicats n’ont actuellement pas besoin du parrainage des salariés pour présenter leurs propres listes de candidats, mais seulement de la signature de deux délégués syndicaux. En outre, les « vieux syndicats » doivent, selon Pohl, être démis de leurs prérogatives en permettant aux conseils d’établissement de négocier eux-mêmes les conventions collectives (prise de parole du 6 juin 2021). Conformément à la législation en vigueur, les conseils d’établissement peuvent aujourd’hui signer des accords pour fixer les conditions de travail des salariés au niveau de l’entreprise, et en particulier décider de tous les aspects qui relèvent du domaine de la codétermination. En revanche, ils ne peuvent agir sans l’aval des syndicats lorsqu’il s’agit de négocier des conventions collectives qui portent notamment sur les salaires, que ce soit dans le cadre de l’ouverture de clauses appliquées dans les entreprises pour déroger aux accords de branche, ou dans le cadre de négociations de conventions collectives négociées au niveau de l’entreprise. Ces syndicats sont les seules organisations habilitées à négocier des conventions collectives, et ce pour de bonnes raisons : ils disposent en particulier du pouvoir nécessaire pour négocier d’égal à égal avec les représentants patronaux et, en cas de besoin, organiser une grève (ce que les conseils d’établissement n’ont pas l’autorisation de décider de leur propre initiative). En l’occurrence, l’amélioration des pratiques de codétermination au sein des entreprises n’est de toute façon pas la priorité de l’AfD, ce que Uwe Witt a clairement fait entendre dans sa critique acerbe « d’une extension disproportionnée des droits de codétermination et d’un accroissement des prérogatives accordées aux conseils d’établissement » (prise de parole du 3 janvier 2020).

L’AfD veut maintenir le salaire minimum légal, qui protège les travailleurs « de la contraction prévisible des salaires induite par l’actuelle immigration de masse », mais ne juge pas nécessaire de l’augmenter (ibid. : 119 pp.). Witt s’est ouvertement prononcé contre l’augmentation du salaire minimum à 12 euros de l’heure, prévue dans le contrat de coalition. Selon lui, cette augmentation n’apporte presque rien aux travailleurs, concerne « exclusivement les petites et moyennes entreprises allemandes » et provoque des « destructions d’emplois massives» (prise de parole du 15 avril 2021). L’AfD qualifie les immigrés (ibid. : 99) de danger pour les salariés allemands, dont les perspectives d’emploi devraient également régresser en raison de la digitalisation et des mesures de confinement. L’AfD nie la réalité du déficit de main d’œuvre dans certains secteurs professionnels, qui, selon le parti, serait un argument avancé pour justifier une immigration qualifiée (ibid.).

 

Les relations de l’AfD avec les syndicats et les représentants du personnel dans les entreprises

Au Bundestag, les prises de parole des députés de l’AfD donnent une image encore plus nette de la manière dont le parti perçoit les syndicats du DGB. Presque toutes les prises de position (jusqu’au 27 novembre 2021), en particulier celles de Jürgen Pohl (11) et d’Uwe Witt (8), font état d’un jugement négatif porté sur les syndicats du DGB. D’après Pohl, ces derniers ont « failli à leur mission » (prise de parole du 12 décembre 2019) : ils refusent « toute forme de protestation pour défendre les intérêts des travailleurs allemands et rendent les armes quasiment sans livrer bataille » (prise de parole du 17 décembre 2020). Selon le député AfD Enrico Komning, les syndicats « se préoccupent davantage de politique qu’ils ne s’occupent de leurs membres » (prise de parole du 16 décembre 2020). D’après Pohl, « un nouveau syndicat des patriotes solidaires est nécessaire » (prise de parole du 5 mars 2020), parce que les « vieux syndicats » se contentent de mener des « combats idéologiques ». Pohl d’ajouter, le 22 avril 2021, qu’une « large part des salariés s’est depuis longtemps éloignée des syndicats organisés au sein du DGB ». D’après les dires d’Uwe Witt en date du 26 mars 2021, « dès lors qu’il s’agit de distribuer des postes et des charges grassement rémunérés pour les camarades du parti, le SPD s’acoquine avec les organisations sociales et les syndicats », tandis que, selon Pohl, les « représentants des vieux syndicats sont corrompus par les primes et revenus qu’ils perçoivent ».

Les liens tissés par l’AfD au sein des syndicats ne reposent donc que sur les travailleurs syndiqués, et guère sur les syndicalistes, qu’ils soient bénévoles ou salariés du syndicat. Il existe toutefois quelques cas isolés de représentants du personnel ayant des affinités politiques avec l’AfD. Par ailleurs, on trouve à l’échelle des entreprises d’autres acteurs nationalistes devenus de plus en plus actifs, en particulier à travers l’organisation „Zentrum Automobil“ (ZA), fondée en 2009 au sein du constructeur automobile Daimler AG. L’organisation ZA use de la même rhétorique que l’AfD : les syndicats du DGB ainsi que les conseils d’établissement font partie de l’establishment et ont trahi les intérêts des travailleurs. Il faut sauver le moteur diesel et défendre les emplois des Allemands face à la concurrence des immigrés. Lors des élections professionnelles de 2018 chez Daimler AG, Porsche et BMW, l’organisation ZA (et sa filiale IG Beruf und Familie[7]IG BuF) ont pu remporter 17 sièges, mais leur score reste loin derrière celui du syndicat IG Metall et se limite jusqu’ici au seul secteur automobile.

Tableau 2 : sélection de résultats lors des élections professionnelles dans l’industrie automobile (2018)

Entreprise Daimler Porsche BMW
Localisation Untertürkheim Sindelfingen Rastatt Leipzig Leipzig
Nombre de sièges : ZA/ IG BuF 6 2 3 2 4
Nombre de sièges : IG Metall 37 46 29 31 31
Nombre de sièges au total 47 59 35 33 35

 

Sources : Schroeder et al. (2020 : 24).

En choisissant pour nom le mot „Zentrum“ (centre), l’organisation ZA tente de gagner du terrain dans d’autres branches d’activités que le secteur de l’industrie automobile. Son objectif est de se présenter aux prochaines élections professionnelles de 2022 en tant que « syndicat alternatif ». Pour ce faire, l’organisation ZA a recours à un réseau constitué de représentants politiques, d’activistes et de publicistes parmi lesquels figurent par exemple les magazines Compact (rédacteur en chef : Jürgen Elsässer) et „Ein Prozent“. Lors des précédentes élections professionnelles de 2018, ces deux magazines apportaient déjà leur soutien à la campagne de ZA, qui était intitulée « Les patriotes au secours des emplois : devenez délégué du personnel ! » (Schroeder et al. 2020 :30). Les liens avec l’AfD s’établissent à travers des personnalités telles que Frank Neufert (IG Beruf und Familie), membre de la branche locale de l’AfD au conseil municipal de Zwickau.

En 2021, l’AfD a, d’un point de vue formel, placé l’organisation ZA sur la liste des organisations incompatibles avec le statut d’adhérent du parti – une décision « préjudiciable à l’AfD » selon le député Dirk Spaniel (élu en septembre 2021) qui réclame au contraire que le parti et l’organisation « marchent main dans la main » : l’AfD doit approfondir le « travail mené de concert [avec l’organisation ZA], « s’implanter et renforcer ses positions au sein des entreprises » et tirer profit des « précieux contacts établis avec des centaines de milliers de salariés », lesquels constituent « le potentiel électoral par excellence et le plus fiable qui soit ».

 

Résumé

Si le vote ouvrier en faveur de l’AfD est supérieur au score moyen du parti obtenu dans l’ensemble de la population, ce comportement électoral ne s’explique pas par un programme politique qui serait favorable aux salariés. C’est même tout le contraire : l’AfD nie les défis majeurs comme la transformation écologique et la décarbonation de l’économie allemande, et tient des propos diffamatoires à l’égard des syndicats du DGB. L’immigration et les réfugiés sont dépeints comme une menace pour les emplois occupés par des travailleurs allemands. Or, l’AfD présente des justifications idéologiques à des problèmes déconnectés de la réalité et ne propose aucune réponse à l’urgente question de l’organisation du monde du travail de demain. A l’inverse, les idées défendues par l’AfD sont de nature à continuer de fragiliser la situation des salariés. S’il est vrai que l’AfD reconnaît la nécessité des conventions collectives et de la codétermination, le parti ne voit pas la nécessité d’agir pour répondre aux problèmes existants. Le véritable objectif de sa politique est autre : affaiblir les syndicats du DGB et favoriser l’installation de listes de candidats nationalistes au sein des conseils d’établissement des entreprises allemandes.

 

 

[1] Idée du peuple comme entité ethnique, et non politique

[2] Équivalent apprentissage ou lycées professionnels.

[3] Arbeitnehmer in der AfD (AiDA).

[4] Alternative Vereinigung der Arbeitnehmer (AVA) ».

[5] « Alternative Arbeitnehmerverband Mitteldeutschland ».

[6] opendiscourse.de consulté le 27/11/2021.

[7] IG Emploi et Famille.

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