CGT Deliveroo: le statut de salarié « n’est pas l’objectif »

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L’interview ci-dessous est parue dans l’Humanité du 3 août 2017. Le syndicat CGT Deliveroo à Bordeaux est en lutte contre le paiment à la course des livraisons, et non plus à l’heure. Mais l’objectif du « contrat salarial » n’est pas revendiqué.

 

Ubérisation: 

« On veut un pouvoir de négociation »

Entretien réalisé par Martin Dumas Primbault
Jeudi, 3 Août, 2017
L’Humanité

Depuis une semaine, environ 80 coursiers restent mobilisés à Bordeaux. Gobet/AFP

Depuis une semaine, environ 80 coursiers restent mobilisés à Bordeaux. Gobet/AFP

Deliveroo a l’intention de modifier les contrats de ses coursiers pour les payer à la tâche. À Bordeaux, la CGT oppose une résistance inédite à une décision unilatérale.

Quelle est l’origine du mouvement ?

arthur hay Jeudi, une centaine de coursiers à Bordeaux et un millier en France ont reçu un coup de téléphone de la part de Deliveroo pour leur dire que leur contrat allait être modifié par un avenant qui change notre mode de rémunération. On passe de 7,50 euros de l’heure à 5 euros par course.

C’est le premier mouvement de la sorte ?

arthur hay À Bordeaux oui. En août 2016, j’avais créé un collectif pour défendre les coursiers de Take Eat Easy qui venait de fermer. À ce moment-là, Deliveroo a modifié ses contrats. Ils savaient que tous les anciens de Take Eat Easy allaient les solliciter car ils n’ont aucun concurrent sur Bordeaux.

En novembre 2016, nous avons essayé de faire une opération escargot mais cela n’a pas fonctionné et trois coursiers ont été virés. Tout le monde a eu peur de se mobiliser par la suite. C’est en mars 2017 que j’ai monté le syndicat par ­nécessité logistique pour continuer la lutte. La loi El Khomri précise que les autoentrepreneurs du numérique travaillant avec des plateformes, pour ne pas dire les ubérisés, ont le droit de se former en syndicat et de se rassembler.

Vous êtes reconnus par la direction de Deliveroo ?

arthur hay On est très mal accueillis, mais c’était pire avant la création du syndicat, ils ne voulaient même pas nous voir. Ils ont annulé une réunion prévue mardi à la bourse du travail pour la seule raison qu’ils refusent de se réunir en place publique. De toute manière, ils nous envoyaient quelqu’un nous expliquer qu’ils ne reviendraient pas sur leur décision. Alors que nous voulons négocier.

Quelles sont vos revendications principales ?

arthur hay On veut un pouvoir de négociation, car nos revendications n’ont jamais été écoutées. Avant de s’asseoir à une table avec eux, on veut l’annulation complète de la décision de supprimer les contrats à l’heure. Et que les coursiers aient le choix entre le contrat à 5 euros et le contrat à l’heure. Deliveroo nous dit que le contrat à la course est plus avantageux, alors pourquoi refusent-ils de laisser le contrat à l’heure ? Pour les personnes qui veulent être rémunérées à la course, on veut un minimum de 10 euros de l’heure. Il faut savoir qu’on évalue le montant de nos cotisations à 40 % de la rémunération brute que nous versent les plateformes. On refuse aussi l’élargissement des zones de livraison.

Le statut de salarié est une revendication à terme ?

arthur hay Ce n’est pas l’objectif. On veut plus de garanties, on veut se réunir en association professionnelle et pouvoir être officiellement reconnus comme négociateurs par les plateformes. Il n’y aura pas de modification tarifaire tant qu’on n’aura pas cette reconnaissance officielle. Le statut d’indépendant nous arrange, il permet de travailler 60 heures une semaine et seulement trois la suivante. Il y a très peu de possibilités de le faire dans le cadre d’un salariat. La demande de CDI est très minoritaire chez les coursiers. Seulement 10 % exercent cette activité à plein temps, la plupart sont des étudiants ou des gens qui font cela pour un complément de revenu. Dans notre syndicat, nous pensons que l’utilisation des contrats d’autoentrepreneurs est viable si on encadre bien l’équilibre entre les deux parties.

Arthur Hay, secrétaire CGT des coursiers à vélo de la Gironde

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