Interview des responsables syndicaux : l’UNSA (N°6)

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Voici la 6ème interview des responsables de l’intersyndicale réalisée par le quotidien l’Humanité. Le  26 mai 2023 : Laurent Escure, secrétaire générale de l’UNSA.

 

Laurent Escure, de l’Unsa : « L’exécutif joue à un jeu dangereux »

UNSA union general secretary Laurent Escure arrives at the French prime minister residence, Hotel de Matignon, to attend a meeting over a pensions overhaul, on the 14th day of nationwide multi-sector strikes against the planed reform. (Photo by Thomas SAMSON / AFP)

UNSA union general secretary Laurent Escure arrives at the French prime minister residence, Hotel de Matignon, to attend a meeting over a pensions overhaul, on the 14th day of nationwide multi-sector strikes against the planed reform. (Photo by Thomas SAMSON / AFP)

Publié le  Vendredi 26 mai 2023 Cyprien Boganda

 

Le mois de juin s’annonce décisif sur le front des retraites, avec la journée d’action intersyndicale du 6, suivie de l’examen à l’Assemblée nationale de la proposition d’abrogation de la réforme, deux jours plus tard. Si le pouvoir en place cherche à tout prix à tourner la page, Laurent Escure, secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa), assure qu’Emmanuel Macron n’en a pas fini avec le mouvement social.

Depuis plusieurs semaines, l’exécutif donne l’impression que la page de la réforme des retraites est tournée : l’intersyndicale peut-elle encore arracher le retrait ?

Je ne veux pas faire de pronostics quant à l’issue du conflit, mais, ce qui est sûr, c’est que le match n’est pas plié dans la durée. Il y a d’abord ce rendez-vous du 6 juin, avec une journée très importante de mobilisation nationale. Je note d’ailleurs que le mouvement social bénéficie toujours d’un très fort soutien de l’opinion, contrairement à ce que voudrait croire le gouvernement.

Ensuite, nous espérons toujours obtenir le retrait du texte grâce à l’initiative parlementaire du groupe Liot, le 8 juin. Au-delà de ce calendrier, il est évident que le conflit sur les retraites va laisser des traces durables dans le pays, car il a soulevé toute une série de sujets liés à la qualité du travail, à l’injustice dans la répartition des richesses produites par les travailleurs, qui ne disparaîtront pas. Tout cela va influer sur le niveau des revendications dans les entreprises.

Vous faites référence à la proposition d’abrogation portée par le groupe Liot : ne craignez-vous pas que les macronistes fassent tout pour enterrer le texte ?

Si c’est le cas, ils auront vraiment usé de tous les artifices de la Constitution pour empêcher le débat sur ce texte. Cet acharnement abîme la démocratie parlementaire. Dans un contexte de crise démocratique globale, je pense que le gouvernement joue à un jeu très dangereux. Que dirait-on si les populistes étaient au pouvoir ?

Je rappelle que le chef de l’État a été élu contre le Rassemblement national : se comporter comme il le fait, alors que la prise de pouvoir par l’extrême droite constitue un réel danger, c’est prendre le risque d’habituer l’opinion à ce que les droits démocratiques soient contournés. C’est une accoutumance à l’affaiblissement de la démocratie libérale, c’est-à-dire respectueuse des contre-pouvoirs.

Pensez-vous que l’intersyndicale puisse produire une plateforme de revendications communes, alors même que certains responsables – dont Laurent Berger – semblent en douter ?

Je souhaite que l’on aboutisse à un texte de revendications communes le plus ambitieux possible. Nous n’avons pas les mêmes stratégies ni les mêmes priorités. Cependant, je pense que l’intersyndicale doit s’inscrire dans la durée, sans nier nos différences.

Je rappelle que, pendant plus de dix ans, entre fin 2011 (après le conflit des retraites de 2010 – NDLR) et le printemps 2022, nous avons connu une situation atypique à l’échelle de la France et même de l’Europe, pendant laquelle les syndicats ont cessé de se parler. C’est une erreur. Nous devons pouvoir discuter ensemble des grands sujets – salaires, emploi, protection sociale, etc.

L’actuelle intersyndicale existe depuis le printemps dernier, elle a produit des textes communs sur l’assurance-chômage notamment, sans interdire à chaque organisation de suivre la stratégie de son choix. Par exemple, certains syndicats se sont rendus au CNR (Conseil national de la refondation), d’autres non ; certains ont mené des grèves nationales sur le pouvoir d’achat auxquelles les autres n’ont pas participé. Bref, avoir des stratégies différentes ne doit pas nous empêcher d’échanger, de préparer la suite, de regarder les dossiers sur lesquels agir de concert.

Quel premier bilan de la séquence faites-vous à l’Unsa ? Avez-vous enregistré une hausse des adhésions ?

Dans le paysage syndical, nous sommes une organisation un peu atypique, encore en développement. En quatre ans, nous avons gagné plus de 15 000 adhérents (chiffre arrêté en décembre 2022). Dans les entreprises où nous nous présentons, nous sommes souvent les premiers syndicats, avec un score moyen de 24 % des voix. Par exemple, nous arrivons en tête chez Lidl, SFR, Naval Group, Dassault Aviation à Saint-Cloud…

Pour résumer, nous sommes puissants dans beaucoup de secteurs, mais pas encore suffisamment dans les entreprises. Notre progression n’a cessé au cours des derniers mois, puisque nous enregistrons en moyenne trois fois plus d’adhésions depuis janvier que d’habitude : il y a un bien un « effet » mouvement social. Il reste néanmoins à savoir si les adhésions réalisées en ce moment vont être durables. Nous ferons un premier bilan en décembre !

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