Le 5 mars 2019, a été rendu public le « pacte du pouvoir vivre », une initiative réunissant 19 organisations syndicales (CFDT, CFTC, UNSA), associatives, mais aussi Nicolas Hulot, ancien ministre, donnant à l’ensemble une coloration politique saluée par l’éditorial du Monde daté 6 mars 2019. Ci-dessous, l’article sur le site de la CFDT sur la conférence de presse de lancement, l’accès aux 66 propositions, et un communiqué de réaction CGT.
[Pacte du pouvoir de vivre] 66 propositions pour un autre modèle de développement
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Dix-neuf organisations dont la CFDT ont présenté un pacte du pouvoir de vivre pour allier préoccupation écologique et progrès social. De quoi peser sur les décisions à venir.
La scène est inédite. Le 5 mars, réunis au siège de la CFDT autour d’une seule et même table, dix-neuf chefs de file d’organisations syndicales et environnementales, de mutuelles, d’associations de solidarité et d’éducation* font face à une armada de journalistes de la presse écrite, TV et radio. L’objet de cette démonstration de force de la société civile ? La présentation d’une plateforme de revendications communes pour répondre à l’urgence sociale et écologique sur fond de mouvement des gilets jaunes et de manifestations pour le climat. « Le point de départ, ce n’est pas un point de déprime, a affirmé Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. C’est un point de mobilisation. Vouloir traiter l’écologie sans traiter le social, c’est aller droit dans le mur. L’opposition d’une partie de la population à la hausse de la taxe carbone telle qu’elle a été proposée par le gouvernement en est le parfait exemple. » Tous les acteurs qui ont paraphé ce document d’une douzaine de pages en sont convaincus : il est plus que temps de transformer un modèle de développement à bout de souffle.
Un guide pour les politiques publiques
En montrant un visage uni, les dix-neuf entendent donner l’exemple. Au diable les querelles de chapelle qui paralysent trop souvent l’action publique : « L’heure est à la construction d’un nouveau pacte politique, social et écologique, écrivent-ils en introduction. Un pacte du court, du moyen et du long terme. Un pacte de bienveillance et du bien commun : un pacte pour l’humain et pour l’humanité. Un pacte pour tous et pour la planète. Un pacte du pouvoir de vivre, aujourd’hui et demain, dans la dignité et le respect, un pacte qui nous engage tous. » Il ne s’agit pas d’une énième déclaration d’intention mais d’un engagement à porter, dans le débat actuel, des propositions très concrètes conjuguant justice sociale, lutte contre les inégalités et transition écologique. Ces propositions sont au nombre de 66, rassemblées autour de quatre axes majeurs : donner à chacun le pouvoir de vivre dans un cadre commun ; remettre l’exigence de justice sociale au cœur de l’économie ; préparer l’avenir en cessant de faire du court terme l’alpha et l’oméga des politiques publiques ; partager le pouvoir pour mieux agir. Dans le détail, cela va de l’encadrement des loyers dans les zones tendues afin de faciliter l’accès à un logement à la généralisation des espaces d’expression des travailleurs dans les entreprises et les administrations en passant par l’évaluation systématique de l’impact de toute nouvelle décision sur les 10 % les plus pauvres de la population ou la suppression des subventions et des mesures fiscales dommageables à l’environnement. Pendant plusieurs séances de travail, les délégations des organisations du collectif ont débattu, confronté leurs revendications, les ont repensées au regard des signaux d’alerte lancé en France et en Europe. En quelques semaines – preuve de l’esprit de responsabilité de la société civile ! –, elles ont accouché d’un guide dont devraient s’inspirer les responsables politiques.
Établir un rapport de force
« Nous représentons à nous tous plusieurs millions de personnes engagées, a rappelé Irène Pequerul, la déléguée générale des Francas. Nous sommes en contact avec les territoires et ce document nous engage tous dans nos actions quotidiennes. » N’en déplaise à certains. Le pacte vise aussi à établir un rapport de force à quelques jours de la clôture du grand débat national pour ne pas laisser le gouvernement en tirer seul les conclusions. Toutes les organisations signataires, à commencer par la CFDT, se sont engagées à interpeller les ministres, les parlementaires, le patronat, les élus locaux et plus généralement tous les décideurs, pour qu’ils prennent durablement en compte les propositions de ce pacte. Premiers rendez-vous pour porter ce message, les 11 et 13 mars lors des grandes conférences organisées avec les corps intermédiaires (lire l’encadré). Elles scruteront également de près l’impact des prochaines décisions politiques sur la réduction des inégalités, la baisse des émissions de gaz à effet de serre, l’éradication de la grande pauvreté, la biodiversité, l’accueil des migrants, les discriminations, etc. « Il nous faut pour cela dégager rapidement un ensemble d’indicateurs », a insisté le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert. La mise en place d’un observatoire du pouvoir de vivre est à l’ordre du jour de la prochaine rencontre des dix-neuf organisations. Preuve que cet engagement collectif s’inscrit dans la durée.
* France Nature Environnement (FNE), Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme (FNH), Humanité et Biodiversité, Réseau Action Climat, ATD Quart Monde, Fondation Abbé Pierre, Secours catholique, CFTC, CFDT, Unsa, Cimade, France Terre d’Asile, Fage, Francas, La Ligue de l’enseignement, Mouvement associatif, Mutualité française, Pacte civique, Union nationale interfédérale des œuvres et des organismes privés sanitaires et sociaux (Uniposs).
- Communiqué de la CGT :
- Répondre ensemble à l’urgence sociale et environnementale
Les puissantes mobilisations sociales qui se déroulent depuis des mois dans le pays et dans les entreprises doivent amener des mesures fortes de la part du gouvernement qui répondent aux besoins concrets et immédiats des travailleurs, retraités, citoyens.
Dans ces mouvements, beaucoup de revendications convergent. La CGT impulse les débats dans les entreprises et met en discussion ses propositions.
Ces propositions visent à des mesures qui augmentent les salaires, (qu’il s’agisse du Smic, en premier lieu, ou de la lutte contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes), le pouvoir d’achat, à pérenniser et développer les emplois industriels et l’industrie, à remettre à plat la fiscalité pour plus de justice fiscale, à renforcer nos services publics, la protection sociale, retraite et santé, à lutter contre la précarité énergétique et à préserver et protéger les ressources de la planète et son environnement.
Ces propositions nous les portons au sein du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) avec l’ensemble des syndicats, des syndicats de jeunesse, des associations et des acteurs de la société civile. Ce travail débouchera sur un avis qui sera remis au Premier ministre le 12 mars prochain lors d’une séance extraordinaire du CESE, avis qui reprendra – et nous nous en satisfaisons – notre proposition de pacte productif social et écologique.
En effet, la mise en place d’un tel pacte permettrait de construire une vision collective partagée répondant aux besoins de la société et aux aspirations des citoyens, notamment en termes de démocratie. C’est le moyen de « refaire Nation ».
Nous regrettons la précipitation de certains qui ont délaissé ce cadre commun au profit de personnalités politiques en publiant une série de propositions parmi lesquelles d’ailleurs nous retrouvons beaucoup de propositions portées par la CGT. Des propositions qui auraient donc pu faire un consensus plus large entre syndicats et les auraient renforcées en dehors de tout esprit partisan.
Nous attendons du Président et de sa majorité qu’ils répondent favorablement aux propositions construites par les citoyennes, citoyens et les organisations présentes au sein du CESE. Ce sont ces réponses concrètes pour lesquelles des millions de personnes se mobilisent qui permettront de trouver une issue à cette crise inédite dans le pays.
La CGT poursuit son action en travaillant les dimensions unitaires dans cet objectif et appelle les salariés du privé comme du public et les retraités à se mobiliser massivement, dans les entreprises et partout en France, le 8 mars, journée de luttes pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, le 15 mars avec la jeunesse pour l’avenir de la planète et le 19 mars journée nationale d’actions interprofessionnelle.
Montreuil, le 6 mars 2019