Merci à Michel Miné, juriste en droit du travail, de nous envoyer régulièrement des articles utiles aux défenseur-es des droits et syndicalistes. Ici le droit aux congés payés à partir d’arrêts de la Cour de cassation fondés sur le droit de l’Union européenne et international.
Le droit aux congés payés progresse ! (arrêt maladie, congé parental, prescription, etc.)
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Michel MINÉ
La Cour de cassation, chambre sociale, dans quatre arrêts du 13 septembre 2023, fait progresser le droit aux congés payés des travailleurs en se fondant sur le droit de l’Union européenne et sur le droit international des droits de l’Homme https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2023/09/13/communique-conge-paye-et-droit-de-lunion-europeenne.
Voici les nouvelles règles applicables :
1. Le salarié en arrêt de travail pour maladie (non professionnelle) continue d’acquérir des droits à congés payés pendant son arrêt (le congé légal de 5 semaines par an et, le cas échéant, les congés conventionnels supplémentaires).
2. Le salarié en arrêt de travail consécutif à un accident de travail ou à une maladie professionnelle continue d’acquérir des droits à congés payés pendant son arrêt (le congé légal de 5 semaines par an et, le cas échéant, les congés conventionnels supplémentaires) ; le délai d’un an maximum pour l’acquisition des congés payés n’est plus applicable.
3. Les congés payés acquis à la date du début du congé parental sont reportés après la date de reprise du travail (en cas de rupture du contrat de travail, l’indemnités pour ces congés non pris est versée). C’est déjà le cas pour les congés payés acquis avant un arrêt de travail pour maladie (depuis 2009).
4. La prescription du droit à congés payés (3 ans) commence à courir quand l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer son droit aux congés payés et l’a incité à l’exercer. Dans l’affaire jugée, le contrat ayant été rompu, la travailleuse obtient une réparation indemnitaire pour congés payés non pris (indemnité de congés payés) portant sur 14 années.
Ces règles ont des effets rétroactifs. Des salariés vont ainsi pouvoir obtenir des rappels de congés payés (en commençant par s’adresser à leurs employeurs, par courrier LR/AR, et en leur demandant de les faire bénéficier soit des jours de congés payés acquis durant leurs périodes d’arrêt maladie s’ils travaillent dans l’entreprise, soit de l’indemnité de congés payés correspondant à ces journées de congés si le contrat de travail a été rompu).
Avec ces quatre arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation met en oeuvre le droit de l’UE (la Directive du 4 novembre 2003, article 7, et la Charte des droits fondamentaux, article 31) tel qu’il est interprété par la Cour de justice de l’UE (notamment dans ses arrêts du 20 janvier 2009 et du 6 novembre 2018) et écarte les dispositions contraires du Code du travail.
Le juge national fait déjà application du droit de l’UE au bénéfice des salariés d’entreprises assurant un service public (en application d’un arrêt de la Cour de justice de l’UE de 2012 ; Cassation sociale, 2016, Transdev ; Cassation sociale, 2017, RATP – rappel de droits à congés payés depuis le 4 novembre 2003 – date de la Directive européenne).
Ces arrêts de la Cour illustrent de façon emblématique certains apports du droit de l’UE au droit national au bénéfice des travailleurs et les fortes réticences des pouvoirs publics pour les mettre en oeuvre, notamment avec la loi « Valls – El Khomri » de 2016 (malgré les demandes de modification du Code du travail formulées par la Cour de cassation depuis 2013).
Pour une analyse juridique de cette nouvelle jurisprudence, voir la Revue de droit du travail (RDT), numéro d’octobre 2023, « Le droit aux congés payés enfin rénové ».
Voir le Mooc Droit européen du travail, nouvelle diffusion actualisée (6ème) au printemps 2024 https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/droit-europeen-du-travail/ Sur les congés payés : https://lms.fun-mooc.fr/c4x/CNAM/01022/asset/Mine_1_S3-5.pdf
Comme celà a déjà été signalé icihttps://blogs.alternatives-economiques.fr/michelmine/2016/03/01/projet-de-loi-de-reforme-du-code-du-travail-et-ignorance-du-droit-europeen-temps-de-travail, sur de nombreux points importants la législation en France (Code du travail) n’était pas en conformité et ne l’est toujours pas avec le droit européen (droit de l’UE et droit du Conseil de l’Europe), au détriment des droits des salariés et de la sécurité juridique des employeurs.