Le 5 juin et l’enjeu des retraites

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Le site Rapports de force explique l’enjeu de la journée du 5 juin pour la CGT, mais aussi pour le syndicalisme, notamment l’intersyndicale de 2023.

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Retraites : pourquoi la CGT appelle à la grève le 5 juin

La CGT et quatre organisations de jeunesse appellent ensemble à des grèves et des manifestations le 5 juin, pour réclamer l’abrogation de la réforme des retraites de 2023. Ce jour-là, les députés communistes tenteront d’obtenir un vote à l’Assemblée nationale contre le passage à 64 ans de l’âge légal de départ en retraite, dans le cadre de leur niche parlementaire.

Impossible pour la CGT de ne rien faire sur le dossier des retraites, même si les perspectives concrètes de victoires ne sont pas au rendez-vous. « Près de 70 % de la population soutient l’abrogation » de la réforme des retraites, « aux députés de se prononcer, maintenant », explique la CGT dans sa communication pour la journée du 5 juin.

Ce jeudi, 134 rassemblements et manifestions sont programmées dans 94 départements, selon le décompte du syndicat. En plus de l’appel de la CGT à se mobiliser « pour nos retraites, nos emplois et nos salaires », la FAGE, l’UNEF, l’Union étudiante et l’Union syndicale lycéenne appellent les jeunes à la grève et à manifester pour « des augmentations de salaires, des bourses étudiantes, des pensions et des minimas sociaux ». En plus de l’abrogation de la réforme des retraites évidemment. De son côté, la FSU « engage une campagne large de mobilisation avec plusieurs étapes, incluant le 5 juin ». Des militants du premier syndicat enseignant seront donc dans la rue jeudi pour « remettre ce débat sur le devant de la scène ».

L’ouverture d’un cycle de négociation entre syndicats et patronat en février dernier semblait être une concession faite aux opposants à la réforme de 2023, dans un contexte politique instable, après la censure et la chute du gouvernement Barnier. Mais l’illusion fut de courte durée. Le Premier ministre, François Bayrou, qui avait annoncé lors de son discours de politique générale mi-janvier l’ouverture de discussions « sans totem ni tabou » – même sur l’âge de départ à la retraite – pour parvenir à « une réforme plus juste », a vite refermé le champ des possibles. Au mois de mars, il écartait même toute possibilité de revenir à un âge légal à 62 ans, provoquant le départ de la CGT du conclave.

Depuis, le syndicat souhaite mobiliser les salariés pour peser de l’extérieur sur des négociations mal engagées, mais peine à trouver une fenêtre de tir, dans une période complexe pour les mobilisations sociales. « C’est tellement verrouillé au niveau politique. Cela n’aide pas à ce que les gens se mobilisent », concède Denis Gravouil, un des négociateurs CGT sur le dossier des retraites. Côté syndical, ce n’est guère mieux : l’unité de l’intersyndicale retraites à huit de 2023 relève maintenant du passé.

Chaque organisation a géré les négociations selon ses propres enjeux. Force ouvrière est sortie du conclave dès le premier jour des négociations, suite à l’envoi d’une lettre de cadrage de François Bayrou réclamant « le retour à l’équilibre des comptes en 2030 », au lieu de la consigne première de « ne pas dégrader le déficit ». Mais sa sortie ne s’est pas accompagnée d’une proposition de plan B de la part de FO. Pas de mobilisation, ni seule, ni de concert avec au moins une partie des autres syndicats.

De son côté, la CFDT tente de renouer avec son ADN de dialogue et de démocratie sociale, sans rapport de force préalable dans la rue ou les entreprises, duquel elle s’était en partie éloignée en 2023. Elle n’a donc pas quitté les négociations, bien que son exigence de revenir sur l’âge légal de départ à 64 ans ait été balayée par l’exécutif et le patronat. Ce mardi sur France 2, Marylise Léon, sa secrétaire générale, s’est même dite prête à discuter d’une dose de capitalisation, mais demande que « le patronat fasse un pas ». Elle a déclaré croire toujours qu’un « accord est possible », d’ici au 17 juin, date de la fin des négociations. Peut-être sur la pénibilité espère la CFDT, mais sûrement pas sur l’âge légal.

« Ça semble discuter de pas grand-chose, mais comme toujours, c’est la fin qui est dangereuse dans une négociation » prévient Denis Gravouil. Le responsable confédéral de la CGT n’exclut pas que des régressions se préparent sur le dossier des retraites, dans un contexte où François Bayrou doit faire des annonces dans les semaines à venir, pour réduire de 40 milliards les dépenses du budget 2026.

De l’aveu même de responsables CGT, la journée de jeudi ne devrait pas être massive. Outre que l’arc syndical d’appel est réduit (ni FO ni Solidaires n’appellent à la mobilisation ce jour-là), le nombre de dépôts de préavis de grève par secteur est assez faible. Pour autant, la fédération des services publics invite les fonctionnaires à se mettre en grève. Celle des cheminots CGT a produit un appel à des arrêts de travail les 4, 5 et 11 juin, centré sur les questions salariales internes à la SNCF, pour faire suite aux mobilisations du début du mois de mai. Ces fédérations seront rejointes par des salariés de plusieurs entreprises concernées par des plans de licenciements, comme ceux d’ArcelorMittal.

Ainsi, le traditionnel écart entre le nombre de manifestants comptés par la police et celui annoncé par les organisateurs ne sera pas vraiment l’enjeu de la journée. C’est vers un autre chiffre que les regards vont se tourner jeudi : celui du résultat d’un vote à l’Assemblée nationale. À l’heure où les premiers cortèges se formeront en matinée, les députés devront débattre d’une proposition de résolution « visant à abroger la réforme des retraites ». Déposée par les députés communistes et ultramarins du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), dans le cadre de leur niche parlementaire, elle devrait accoucher du premier vote à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites. En 2023, le gouvernement avait utilisé l’article 49-3 de la Constitution pour éviter un vote qu’il risquait de perdre et avait échappé de quelques voix à une motion de censure.

Pour autant, même si le vote de jeudi à l’Assemblée nationale s’avérait favorable aux opposants à la réforme, celui-ci resterait symbolique. Une résolution n’a pas de valeur législative et n’a été choisie par les élus communistes que pour éviter le même sort que la proposition de loi des Insoumis en novembre à l’occasion de leur niche parlementaire. À savoir : une guérilla d’amendements de la majorité présidentielle, empêchant d’aller au bout des débats et de se conclure par un vote avant minuit, heure de la fin de la niche parlementaire.

Si le parti communiste se défend d’un vote symbolique et affirme sans convaincre que le gouvernement et le premier ministre devront en tenir compte, un échec du pouvoir sur les retraites, même symbolique, redonnera peut-être du baume au cœur aux millions de salariés qui s’étaient mobilisés en 2023.

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