Loi France Travail : actions et prises de positions

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Contre à la Loi France Travail en débat à l’Assemblée nationale, les organisations de chômeur-es, les syndicats de Pôle emploi ont organisé le 11 octobre 2023 une action de dénonciation à Saint-Denis (93), en ciblant une entreprise privée (Aksis) appelée à jouer un rôle dans la « gestion » des privé-es d’emploi. Dans le même temps, le Club de Médiapart a publié une tribune collective critiquant l’institution France Travail avec des propositions alternatives, signée par des responsables politiques, syndicaux, associatifs, féministes, et des chercheur-es.

Collectif Unédic - Action Aksis V4 111023

Droit au travail ou surveillance de la détresse sociale ?

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Cette tribune prend position sur le projet de loi France Travail en débat à l’Assemblée nationale. Elle réunit des responsables politiques, syndicaux, associatifs, juristes, et des chercheur-es, pour exprimer une critique du projet et faire des propositions alternatives.

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Droit au travail ou surveillance de la détresse sociale ?

« Travailler plus longtemps », avait ordonné le gouvernement Macron avec la contre-réforme des retraites. Avec la loi dite « plein emploi » et « France Travail », il passe maintenant à la mise sous surveillance des travailleur-ses, des privé-es d’emploi, des jeunes, des personnes au RSA ou en situation de handicap.

Le mouvement social du début de 2023 a notamment révélé une aspiration à un travail qui ait du sens, du point de vue social et écologique, accompagné d’une augmentation des salaires alors que l’inflation, les profits et les dividendes grimpent en flèche.

Mais face à la situation difficile, voire dramatique, d’un nombre croissant de personnes, la seule réponse d’Emmanuel Macron et son gouvernement vise à imposer un parti-pris pro-business.

Dans ce contexte, la création de « France travail » est illusoirement présentée comme le moyen de défendre le plein emploi pour toutes et tous.

Un droit est un droit, pas un « mérite »

Depuis 2017, E. Macron s’est fait l’adepte de la formule empruntée aux libéraux : « pas de droits sans devoirs ». Ses gouvernements successifs ont donc mis en œuvre une série d’attaques contre les droits à l’indemnisation du chômage qu’il conviendrait désormais de « mériter ». La réduction des droits s’est accompagnée d’un accroissement du contrôle (baptisé « accompagnement ») et de sanctions destinées à écarter des chiffres du chômage les populations les plus précaires.

Le gouvernement compte maintenant utiliser la contrainte pour obliger les personnes soupçonnées de « refuser un travail » à accepter n’importe quel emploi, à n’importe quel salaire. Cette obligation est aujourd’hui renforcée par les difficultés à recruter dans certains secteurs. En effet, beaucoup de personnes subissant un travail dénué de sens veulent s’en éloigner (démissions, ruptures conventionnelles). Le patronat s’inquiète des situations de « métiers en tension » qui mettraient en cause un rapport de forces qui lui est favorable : il demande donc à l’État une intervention « correctrice » sur le « marché du travail ». Le but est d’avoir un vivier plus large de personnes sommées d’améliorer leur « employabilité » (selon le langage néolibéral) et d’accepter les emplois tels qu’ils sont, sous peine de se voir privées d’indemnisation.

L’indemnisation des privé-es d’emploi ne serait plus une assurance des travailleur-es, mais un outil de la politique budgétaire du gouvernement.

La prise en main des chômeur-ses par l’État depuis la loi indûment baptisée « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (2018) s’accompagne des « lettres de cadrage » transmises par le gouvernement aux syndicats qui siègent à l’UNEDIC. Elles imposent de financer Pole Emploi et demain « France Travail » sur les fonds réservés à l’indemnisation des chômeur-es. On dénie ainsi aux syndicats leur rôle d’amélioration de la situation des privé-es d’emploi, en leur imposant une réduction du budget consacré aux droits. C’est inacceptable !

Face à la détresse sociale, la réponse est toujours la même : « Travaillez plus », plus longtemps, plus intensément.  Ne pas s’y plier conduit de nombreuses personnes à tomber dans la pauvreté, à ne plus pouvoir se nourrir ni se loger correctement, et faire la queue dans les associations caritatives débordées par les demandes d’urgence.

« France travail » est une grande entité administrative qui aurait autorité sur toutes les personnes sans emploi, afin de les « surveiller plus ». C’est une reprise en main par l’Etat du suivi des personnes éloignées de l’emploi, qui sont dans les « angles morts » de la vie sociale ou dans l’extrême pauvreté. De plus les fermetures d’entreprises bondissent à nouveau depuis un an.

Sous couvert de répondre aux difficultés d’accès aux droits et au non-recours aux prestations, France Travail serait un bureau de recensement mettant en relation la demande patronale et les personnes inscrites au fichier des demandeurs d’emploi. Leurs droits seraient « adaptés » aux besoins immédiats des entreprises, en assignant à chacun.e une place dans la société sur la base des seuls « mérites », tels qu’ils sont énoncés.

Tout-e inscrit-e devrait signer avec France Travail, médiateur public pour le compte des entreprises, un « contrat d’engagement » obligatoire (stages, « immersion » en entreprise). Déjà, en 2001 lors de la mise en place du Plan d’aide au retour à l’emploi (PARE) nous avions dénoncé la contractualisation entre les personnes en situations difficiles et une institution dictant ses propres conditions.

Prendre le pouvoir sur le travail et la richesse

La loi « France Travail » organise un détournement des droits sociaux. Il est temps de revenir aux fondements de la protection sociale et la socialisation de la richesse sur la base des cotisations prélevées à la source.

  • Face à la pauvreté aggravée, aux inégalités et discriminations, la réponse exige notamment une extension de la Sécurité sociale issue du fruit de la lutte des travailleur-ses. Il s’agit de sécuriser le travail et les revenus par la Sécurité sociale professionnelle, ou par une Garantie des salaires et des droits tout au long de la vie, un statut du travail ou de la vie sociale, plus démocratique, écologique, égalitaire et protecteur.
  • Face à la crise démocratique, nous voulons remettre à l’ordre du jour des élections de délégué-es pour toutes les branches de la Sécurité sociale, en y intégrant l’assurance-chômage, afin d’aller vers une autogestion des droits sociaux par le monde du travail. La crise démocratique impose également des droits nouveaux et du temps libéré pour délibérer collectivement sur le travail et la société.
  • Face aux licenciements, il convient d’instaurer un droit de véto suspensif afin que les salarié-es puissent formuler des alternatives obligatoirement étudiées. Par exemple soutenir les projets de bifurcation écologique portés par les travailleur-ses et les syndicats, développer l’Economie sociale et solidaire (ESS), et réduire la durée du travail (32h). Il faut exiger l’abrogation des barèmes encadrant les licenciements «sans cause réelle et sérieuse », instaurés par les ordonnances Macron.
  • Face à la grande pauvreté, exigeons que le revenu minimum ne soit pas inférieur au seuil de pauvreté fixé selon les règles européennes (à 60% du revenu médian, et indexé sur le SMIC). Empêchons aussi la « dématérialisation » généralisée des liens entre les usagers et les services publics, dont le personnel d’accueil doit être renforcé.
  • Contre l’inflation imposons la hausse des salaires – en commençant par le SMIC à 2000 euros bruts- et leur indexation sur les prix.

Seuls les salarié-es produisent de la valeur économique, absolument pas les capitaux, ni les actionnaires, ni les robots, ni l’intelligence artificielle.

Reprenons le pouvoir sur notre travail et nos vies !

 Signatures :

Etienne Adam (Ensemble !)

Jean-Claude Branchereau (syndicaliste)

Marlène Collineau (adjointe à la mairie de Nantes, porte-parole de Gauche démocratique et sociale-GDS)

Annick Coupé (militante syndicaliste et altermondialiste)

Thomas Coutrot (économiste)

Alexis Cukier (Rejoignons-nous)

Gérard Filoche (porte-parole de Gauche démocratique et sociale-GDS)

Fanny Gallot (syndicaliste et militante féministe)

Didier Gelot (économiste, militant associatif)

Karl Ghazi (syndicaliste)

Mathieu Grégoire (sociologue, IDHES Nanterre)

Marie-Claude Herboux (porte-parole d’Ensemble !)

Romain Jehanin (avocat en droit du travail)

Elie Lambert (secrétaire national de Solidaires)

Malika Kara-Laouar (Rejoignons-nous)

Jean-Claude Mamet (Ensemble !)

Fabien Marcot (Rejoignons-nous)

Odile Merkling (socio-économiste, militante féministe et d’Agir ensemble contre le chômage-AC !)

Jean-François Laé (sociologue, Université Paris 8)

Isabelle Lorand (Parti communiste français)

Evelyne Perrin (Stop Précarité)

Christine Poupin (porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste-NPA)

Pauline Salingue (porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste-NPA)

Claude Touchefeu (porte-parole de Gauche démocratique et sociale-GDS)

Ophélie Vilday (secrétaire nationale de Solidaires).

Pour compléter ces soutiens, écrire : mamet.jean.claude93@gmail.com

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