Les journées de janvier 2015 ont bousculé les réflexions sur le lien entre droits sociaux et droits démocratiques, discriminations et vivre ensemble, ville et quartiers populaires, citoyenneté et signification concrète de la République. Le syndicalisme est un des acteurs qui doit réfléchir à la nouvelle situation. Ci-dessous un tract-document de réflexion et d’interpellation du syndicat CGT des cadres et techniciens qui travaillent dans ce qui est nommé « service politique de la ville », c’est-à-dire le ou les services en liens directs avec les populations.
Cliquez : tractpovilleparis ou : www.us-cgt.spp.org
Suite aux attentats,
Premiers échos de la CGT
« Service Politique de la ville »
Pour plus de services publics et plus de droits
dans les quartiers populaires parisiens !
Après les attentats, les premières mesures :
Suite aux terribles attentats des 7, 8 et 9 janvier à Paris, la CGT a participé à l’ensemble des manifestations spontanées qui ont eu lieu en l’hommage des victimes. Malheureusement, on constate dans la foulée de cet élan de solidarité, que se développe ici ou là des regards souvent suspicieux envers les « quartiers populaires », « les jeunes »..
Travaillant en tant qu’agents de la ville dans les quartiers populaires, la CGT service politique de la ville souhaite alerter sur les risques d’amalgame et d’une stigmatisation déjà à l’oeuvre. La CGT se bat avant tout contre tous les racismes et pour la lutte contre toutes les discriminations.
Les premières mesures gouvernementales sont majoritairement axées sur la «sécurité et la réduction des libertés », ou sur des actions dites de «prévention précoce de la radicalisation» et de défense de la laïcité sans définir les termes.
Dans un flash interne à la Ville, la Mairie de Paris, annonce qu’elle va développer des actions de citoyenneté, de « vivre ensemble » … Pourquoi pas, mais malheureusement jamais la ville de Paris ne
l’acte par des budgets supplémentaires. Ce sera donc des budgets en substitution à d’autres par ailleurs nécessaires. Idem pour le nouveau volet du contrat de ville intitulé : « Valeurs de la république et citoyenneté » qui vient tout juste d’être décidé par la Ministre !
Actions citoyennes oui, mais couplées à une citoyenneté économique et sociale !
Dans le contexte actuel, en tant que professionnels, nous nous posont de nombreuses questions :
Comment clamer des valeurs de citoyenneté alors que de nombreux habitants sont régulièrement discriminés et n’ont pas accès aux droits élémentaires à l’emploi, à la santé, à un parcours éducatif égalitaire, au vote ? Comment ne pas devenir schizophrène quand d’un côté les travailleurs sociaux et associations ont de moins en moins de solutions à proposer dans l’accès aux droits aux habitant-es et notamment aux jeunes filles et garçons des quartiers populaires, et de l’autre on leur demande « d’exiger des publics » avec lesquels ils travaillent de respecter les « valeurs de la France » ? La réalité vécue est tout autre que la citoyenneté clamée tout à coup et à grands fracas !
La meilleure façon de faire vivre le «vivre ensemble», ne serait-ce pas comme le propose la CGT, une meilleure répartition des richesses, des droits effectifs, l’égalité et la solidarité, la lutte contre tous les racismes ?
Pour nous, les actions de citoyenneté réussiront d’autant mieux que des évolutions concrètes dans l’accès à la citoyenneté économique et sociale se réaliseront sans attendre.
Décryptage des propositions d’HIDALGO sur les quartiers populaires :
Dans ses voeux du 21 Janvier, Madame Anne Hidalgo a notamment exprimé :
1. Un appel au «volontariat des adultes». Elle entend ouvrir le samedi matin «les écoles, les collèges et les centres d’animation, notamment dans les quartiers populaires» pour que des bénévoles puissent offrir du soutien scolaire à des enfants ou pour que se tiennent des «forums citoyens » organisés par des associations.
Mais comment compte-elle faire alors que les associations sont au bord du gouffre ? Pour rappel, les pouvoirs publics imposent un plan d’austérité aux associations : selon le collectif des associations citoyennes, c’est 1,5 MDS de restrictions budgétaires en 2015 jusqu’à 13,5 en 2017 soit des disparitions d’associations et un vaste plan social (264 900 emplois menacés en 4 ans) !
2. Elle a également décrété une « mobilisation sans précédent » pour que les « entreprises, les artisans, les associations » aident les jeunes des familles les «plus précaires » à trouver un stage ou un emploi.
Mais comment compte-t-elle faire alors que les budgets de l’Etat vers l’action sociale se réduisent – application de la loi Maptam et du pacte de responsabilité ( soit 11 milliards d’économies dans les collectivités territoriales)- et que la ville de Paris mutualise des services en réduisant ainsi l’accès à un service public de proximité ? Dans son budget 2015, Madame la Maire propose un plan de refonte des dispositifs (Maison Des entreprises et de l’emploi, le PLIE, la Maison de l’Emploi de Paris, Mission Locale, Ecole de la 2ème chance..) intégrant des mesures innovantes (guichet unique de l’emploi)… !
3. Enfin, Madame la Maire souligne qu’elle investit dans les quartiers de manière prioritaire :
Mais comment compte-t-elle faire alors que la délégation chargée d’animer une politique locale sur les quartiers populaires (DPVI) a disparu ? Elle est devenue un simple bureau « mission politique de la ville » dans la direction de la démocratie des citoyens et des territoires. Elle est en souseffectif chronique, sans compter des postes vacants sur des durées allant jusqu’à 15 mois !
« Cerise sur le gâteau », depuis 3 mois, les Non titulaires en CDD de 3 ans, se voient raccourcir à 2n ans le renouvellement de leur CDD ! Les collègues en contrats aidés – sans lesquels le service ne pourrait pas fonctionner – ne sont pas remplacés dans les services administratifs et accueil ! Surcharge de travail, développement des risques psychosociaux, empechement du travail bien fait, sont autant de signes de souffrance au travail qui restent toujours sans réponse. Le service Politique de la ville est en train d’être démantelé silencieusement ! Quant aux rumeurs concernant une « mutualisation de locaux » engendrant notamment l’abandon du site 6, rue du département, elles se développent sans démenti.
Sans compter que les budgets sont les mêmes alors que les territoires s’agrandissent ! Il y aura donc davantage d’habitants concernés par la Politique de la ville en 2015 et des associations fragilisées ! Car quoi qu’en dise la ville qui est fière d’avoir « sanctuarisée» les financements sur les quartiers à Paris, il n’y aura pas d’effort supplémentaire pour les habitants des anciens et des nouveaux quartiers
populaires.
Alors que la crise s’aggrave, le contrat de ville présenté au conseil de Paris de Mars ne sera pas, une nouvelle fois à la hauteur des besoins. Quant à nous dire qu’il y aura un effort sans précédent du droit
commun de la ville de Paris ou de l‘Etat, comment le croire étant donné que le droit commun a toujours été une « illusion d’optique » de la Politique de la Ville et qu’aujourd’hui le droit commun est rabougri ? Comment par exemple, demander plus à la DASES alors que ses services réduisent leurs moyens ?
Est-ce avec ces injonctions paradoxales dans le travail quotidien que l’on arrivera à porter des services publics de qualité dans les quartiers populaires ?
On pourrait continuer à lister les incohérences actuelles comme :
Alors que les inégalités scolaires ne cessent de progresser, la géographie prioritaire est loin de prendre en compte tous les besoins des enfants des écoles ! …
Alors que l’on parle de l’accès au droit égalitaire, de sérieuses inquiétudes pèsent sur l’arrêt du subventionnement par l’Etat d’ici 1 an de l’apprentissage du français pour les immigrés de plus de 5 ans, y compris dans les ateliers socio linguistiques !
Alors qu’on déclare sans cesse la jeunesse comme une priorité, le CIDJ de Paris vit un plan social. La CGT a pourtant porté des propositions pour un meilleur service d’information auprès du ministère de la Ville, de la ville de Paris et de la région Île-de-France ! Aucune réponse positive à ce jour (signez la pétition en ligne : http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/liste_sign.php?id=901) !
Est-ce avec ce double langage que l’on pourra reconstruire de l’espoir ?